CÉLÉBRER LE TRENTE JUIN SACRÉ (RD CONGO) Journée culturelle des Jeunes en la solennité civile du 30 JUIN 2022 - Messe pour le progrès des peuples Paroisse Saint-Jean Apôtre Cité Mama Mobutu Diocèse de Kinshasa
Kinshasa, Cité Mama Mobutu -Paroisse SJA/Diocèse de Kisantu : Journée culturelle des Jeunes en la solennité civile du 30 Juin 2022 – Messe pour le progrès des peuples/ Agenda liturgique Scheut à 160 ans.
Comprendre comment le Congo-Zaïre-Congo1960-2022 est passé d'une "Crise au Congo" à une autre "Crise du Congo" avec ses succédanés ou ses mutants et des personnages des générations successives qui se ressemblent au point de vous donner des sueurs froides.[1]
0. Liminaire-L’opération ‘‘mani puliti’’ contre le « COVIDEC-60 » ferait déjà pschitt…Humeur et colère du Hussard Solitaire, un outsider, un franc-tireur décidé à devenir audible.
Nous avons souvent dit les choses trop tôt. Nous avons parfois péché sur la forme de notre expression, mais force est de reconnaître qu’il nous est arrivé de voir juste lorsqu’à contre-courant nous parlions des conséquences fâcheuses à venir des mauvais actes, orientations, décisions et agissements desLocataires et Squatteurs des palais de la République.
Mai 2020, nous avions signé une tribune « Plaidoyer pro bono : « Libérons provisoirement Vital Kamerhe … !»,jugée « trop longue » au goût des élites congolaises accaparées et même submergées ou noyées dans des activités de survie personnelle et/ou des débats rances. Le ton passablement tranchant et particulièrement caustique du texte, en plus de son titre un tantinet provocateur,n’était pas généreux en anesthésiants ou en placebos de nature à flatter l’ego des lecteurs alignéset à résorber la déferlante de la clameur publique du « vendredi saint » avec ses corollaires pernicieux dont entre autres, l’inhibition des capacités de discernement et le nivellement par le bas des analyses et raisonnements chez des élites prises dans le piège du culte de personnalité ou emprisonnées dans un fanatisme communautaire !
Notre désolation de « Plaideur pro Deo et pro bono » a été frustrante et paralysante face au silence de cimetière de la Cour, elle-même, richement composée : - Locataires et Squatteurs des palais de la République - Dirigeants empathiques et hommes de bonne volonté - Dignitaires ecclésiastiques - Élites religieuses et morales, élites intellectuelles et scientifiques, élites artistiques, élites techniques, élite politique - Leaders des Corporations professionnelles et syndicales - Leaders d’opinion.
Juin 2022 soit deux ans après, une nouvelle décision de justice tombe, tel un couperet : Vital Kamerhe acquitté ! ». Il ne faut pas être sorcier pour se rendre désormais à l’évidence que la Causeportée par le Hussard Solitaireétait juste et pleinement justifiée : Libérons provisoirement Vital Kamerhe et consorts ! Ratissons plus large ! Dépistons et neutralisons tous les prédateurs du Trésor congolais de tous les temps à travers les mailles des filets des forces spécialisées de quêteurs, limiers et veneurs du coronavirus de l’endémie de la corruption « COVIDEC-60 ».
Pourtant - in cauda venenum! -, assortie du « Manifeste de conscription pour la grande guerre contre le coronavirus de l’endémie de la corruption COVIDEC-60», la tribune du Hussard Solitaire adjurait expressis verbis : Cap vers le littoral de Bulambemba…! Avançons en eau profonde et dans les bois et taillis noirs…! Lâchons filets et limiers et traquons les tanières ! À la barre « Les accusés de l’île Bulambemba »! Alors vivement une pêche et une battue miraculeuses !
L’opération« mains propres »ferait définitivement pschitt si la foule, réputée très mauvais décideur politique, continue à « coloniser » le pouvoir institutionnel.Le Hussard Solitaire ne prévenait-il pas prophétiquementin illo tempore non suspectosur un ton osé :« Mani puliti contre le COVIDEC-60, de la poudre de perlimpinpin ?La lutte contre « COVID-19 » semble littéralement supplantée voire occultée dans le débat public par la saga judicaire de l’opération mains proprescontre le « COVIDEC-60 » de la gestion fiduciaire du Programme des cent jours du président de la République. Les fonds publics en jeu sur lesquels portent des soupçons de détournements soit environ un demi (1/2) milliard de dollars US donnent certes du tournis au citoyen dont la perception de l’ordre de grandeur des dégâts probables semble désorientée, tellement les données mises sur la place publique varient et divergent d’une source à une autre, toutes nullement revêtues d’un sceau officiel et donc foncièrement sujettes à caution.
À considérer froidement des indications chiffrées tirant sur une forme de reddition extracomptable, il y a lieu de craindre que l’affaire Vital Kamerhe et consorts ne fasse un gros flop; qu’en termes chiffrés l’opération mani puliten’accouche de la poudre de perlimpinpin, d’un sérum juste bon pour juguler quelques épiphénomènes mais à simple effet de placebo pour « COVIDEC-60 ».
Sur l’échelle des ravages occasionnés par le fléau d’une corruption institutionnalisée à tous les niveaux dans le pays, la part du budget (Programme des cent jours) affectée par « COVIDEC-60 »,même récupérée entièrement, représenterait une pelletée de terre dans l’abîme mythique où se trouvent engloutis chaque année quelque 15 milliards de dollars US, selon des estimations officielles que des bouches gouvernementales autorisées n’ont de cesse de ressasser depuis des lustres!
Ne soyons pas distraits ! Ne dissipons pas temps, intelligences, énergies à crier à tue-tête sur quelques apprentis prédateurs à col blanc tombés dans les filets de la justice au risque de n’attraper que l’ombre à la place de la proie ! Ne laissons pas de brèche ni de répit aux grands prédateurs invétérés !
À la vue des magistrats de la République ameutés pour leur traque et aiguillonnés par la grande clameur publique, les auteurs des crimes économiques et financiers s’activeraient à enfouir plus profondément leurs butins colossaux à l’abri des fouineurs judiciaires, aidés en cela par leurs complices, commanditaires, co-auteurs, exécutants, receleurs.
Nous attirions également l’attention vers d’autres trous ou fossés noirs : « Soyons très vigilants et circonspects sur des engagements publics financiers avec des cocontractants ou des assistants d’une catégorie d’opérateurs étrangers dénommés investisseurs ou fonctionnaires internationaux.Il s’en trouve nombreux commanditaires et complices particulièrement dangereux parmi ces fameux investisseurs et fonctionnaires pour alimenter ou influencer, en défaveur de la RDC, les institutions de notation de la transparence ou du climat des affaires alors qu’ils opèrent en véritables vampires sur le marché congolais réputé « terra nullius » et « res nullius ».
Dans un exercice de parfait camouflage, ils s’évertuent à clamer curieusement les premiers leur effroi à la vue des scandales de corruption qu’ils ont pourtant contribué d’une manière ou une autre à creuser en vassalisant le décideur congolais. C’est la méfiance du prédateur dangereux revêtu de la peau de sa victime, le gibier peureux ! La justice est prévenue qu’elle est invitée à enquêter sur des « trous noirs» (selon une expression de Pierre Péan, La République des mallettes-Enquête sur la principauté française de non-droit), judiciairement indétectables, mais dont la masse s’accroît, qui font problème, en ce que ceux qui y évoluent accaparent un pouvoir que les peuples ne leur ont pas accordé, ponctionnant leurs richesses et étendant leur influence sur les États ».
Les imbrications des rôles, responsabilités et interventions et les enchevêtrements des intérêts des parties institutionnelles comme des groupes privés et des particuliers sont tels que le décryptage du monde labyrinthique des affaires sous le ciel congolais est une véritable gageure et qu’il faut s’investir suffisamment dans le temps pour espérer en saisir quelque trame et en démêler l’écheveau, même si c’est seulement de manière imparfaite et parcellaire !
Pour combattre efficacement l’ennemi, il faut le connaître. Quand cet ennemi est la corruption endémique, œuvre des réseaux de brigands à col blanc, des commanditaires « intouchables » bien ancrés dans le régime politique et leurs complices étrangers ainsi que des exécutants nationaux comme étrangers, ceux opérant comme des tentacules de la pandémie souterraine, en opérateurs privés, fournisseurs de services, biens et travaux, la RDC se doit de mettre en œuvre un véritable plan Marshall de restauration de la justice pour relever les défis. »
Vivement les meilleures intelligences au front de la ligne de défense offensive ! Les politiques congolais doivent être contraints à suspendre leur calcul et apprendre qu’on a tout avec de l’argent hormis des mœurs et des citoyens(Jean-Jacques Rousseau).
Ce qu’il faut aujourd’hui au peuple congolais c’est une croisade nationale de la mise en œuvre d’unmanifeste de la riposte au « COVIDEC-60 », mieux la grande guerre contre la sempiternelle épidémie de la corruption.
Mais malheureusement, pour des dirigeants oppresseurs du peuple, écrivait l’éminent philosophe Ka-Mana(préfacier de l’autre brillant philosophe Manjolo Guillaume Pépin),tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu, toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désigné comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels.Tel est le mauvais sort qui guette les élites résistantes, les magistrats de la République en tête, qui pourront se lever pour répondre à l’appel de la Nation : être traité de subversif et appâté par de l’argent et du pouvoir, la plus grave menace que font peser les dirigeants criminels.
Les élites résistantes doivent sauver la patrie sous le serment : le Congo ne tombera plus !Avec le soutien de la clameur publique de la masse des faibles, des piétinés, des hachés, des pauvres, tout peut
changer en un clin d’œil. L’arme de corruption des élites par de l’argent et du pouvoir n’aura pas d’efficacité éternelle. La répercussion de ces actes criminels, quelle qu’en soit l’ampleur, sur l’état de santé du pays comme celui du citoyen lambda révulse les bonnes consciences et a fini par éroder la confiance des citoyens dans la classe dirigeante du pays.
Bien plus, cela constitue un puissant ferment pour toute âme révolutionnaire : « Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre cœur n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire. » (Ernesto Guevara, dit Che Guevara).
Le cri du Hussard Solitaire « Vital Kamerhe et consorts, hors geôles ! »a eu un effet dévastateur sur l’audimètre de la pensée du Hussard Solitaire; il sonna aux oreilles des « alignés » sourcilleux comme une bravade inconsidérée. En lâchant tout de go et sans circonlocutions une adjuration jaculatoire : « Relaxons provisoirement Vital Kamerhe et consorts ! », ostensiblement aux antipodes de la condamnation par les foules, même si la finalité de la démarche suggérée était de déboucher sur un grand procès général « Les accusés de l’île de Bulambemba », nous étions nous-même prévenu du tollé de grommellements que notre prière ainsi dite à haute voix ne manquerait de soulever. Mais, nous avions des raisons objectives d’oser sinon la bravade, au moins un plaidoyer pro bono. Mieux vaut être crucifié à cause de la vérité que de crucifier la vérité (Joseph Albert Cardinal Malula). Certes, l’opération mains propresengagée par le Gouvernement sur le Programme des cent jours procède d’une décision du chef de l’État, elle-même suscitée par une volonté spontanée et pressante de la population. Cependant l’action judiciaire ne doit pas obéir aux caprices de la foule.Personne n’est sage par nature, et surtout pas la foule. Elle a contre elle son hypersensibilité aux émotions, aux colères, aux enthousiasmes. Cela fait d’elle le plus mauvais décideur politique qui soit (Denys de Béchillon).
Notre appel heurta inévitablement la sensibilité à fleur de peau d’une opinion publique longtemps sevrée de l’expression libre et spontanée, elle qui s’est cabrée vigoureusement et bruyamment à travers la clameur publique pour exiger que la justice sanctionne sévèrement les mauvais actes des dirigeants méchants ! À notre corps défendant, toutefois, nous y avions lu plutôt un signe de réveil et d’éveil salvateur : l’opinion publique se cabre contre l’injustice et contre tous les mauvais actes des dirigeants ou des personnes élevées en dignité dans la société…!
La tradition gréco-romaine de la gestion de la chose publique ne nous enseigne-t-elle pas que l’exigence morale a toujours été forte et incompressible par rapport aux comportements de ceux qui sont appelés à présider aux destinées de la communauté ? L’intimité des hommes publics éclaire les zones d’ombre !Aussi, même la femme de César doit être insoupçonnable(Quia suam uxorem etiam suspicione vacare vellet). Un homme qui s’élève au sommet dans un pays doit être un homme compétent, une forte personnalité, et avoir un comportement d’une rectitude irréprochable dans sa vie publique. (Nelson Mandela). La survie de la communauté dépend, en effet, des bonnes dispositions morales des élites dirigeantes : ce qu’il y a de pire en tout et partout, c’est la corruption de ce qu’il y a de meilleur (corruptio optimi pessima est).
Aussi, fort de l’aphorisme gidien « Si tu ne fais pas cela, qui le fera et quand sera-ce? », nous nous assumions dans notre part de droits et obligations civiques à travers ce plaidoyer pro bono,non en faveur de Vital Kamerhe, alors directeur de cabinet du président de la République, et autres compatriotes partageant le même sort que ce dernier mais bien plutôt pour le bien public !
« Que le pouvoir ne cède pas à l’agitation de la rue ! » … « Vivement un bon gouvernement des leaders éclairés, des hommes et des femmes d’action, des capitaines expérimentés, des marins aguerris de toutes spécialités, capables de réparer le navire dans la tempête en construisant et équipant tous les étages de la cabine de pilotage ! ».
Tolle, lege-L’apocalypse sur Congo-Kinshasa, devenue la risée du monde entier ! Prenonstous la situation au grand sérieux !Agissons aujourd’hui pour conjurer le lugubre spectred’une apocalypse imminente du corps social congolais et même de l’ensemble du pays dans tous ses compartimentset articulations.
Des signes manifestes d’effondrement et d’engloutissement s’épaississent de plus en plus.Le Congo est menacé de naufrage, divisé en deux peuples que tout oppose ! Noussommes ébloui par un songe horrible, celui du Congo-Kinshasa définitivement déclinant, fracturé et craquelé, longitudinalement et transversalement, en train de sombrer en pans et par fragments dans les entrailles de l’immense bassin du grand fleuve Congo.
Un songe diurne invariablement torturant, qui touche le destin immédiat du peuple. Ce qui est en cause dans ce tableau apocalyptique, c’est substantiellement la survie même du Congo, celle de son Peuple, mieux de ses deux peuples en présence, qui se vouent une inimitié tenace et implacable, qui sont constamment en guerre latente mais qui n’ont jamais été aussi proches qu’aujourd’hui d’en découdre mortellement.
Sur les deux fronts de la conflagration qui couve, selon une prophétie intemporelle et transcontinentale de Jacques Attali, deux sections d’un même peuple se font face : d’un côté, le peuple d’en-hautet, de l’autre, le peuple d’en-bas. Le peuple d’en-haut, c’est celui des affameurs, des riches et des puissants, des flamboyants locataires et squatteurs des palais de la République, perchés, protégés et hermétiquement enfermés dans la calotte du dôme institutionnel du pays, le domaine de vie exclusif de la ploutocratie nationale. Le peuple d’en bas, c’est celuides gens de peu, des affamés, des faibles, des pauvres, des oubliés, des loqueteux, des piétinés, des hachés ! Un tsunami social dévastateur affleure effroyablement à l’horizon, la guerre de tous contre tous ! Horreur !« S’il fallait qu’une classe fût mangée, n’était-ce pas le peuple, vivace, neuf encore qui mangerait la bourgeoisie épuisée de jouissance ? »(Émile Zola, Germinal).
Il nous faut agir encore aujourd’hui. Demain il sera trop tard. Curieusement, les élites dirigeantes, hommes et femmes d’influence, tous les Congolais qui comptent, observent passivement ce spectacle honteux et ahurissant. Tous, et même les rares intellectuels résistants, laissent faire les fossoyeurs. Ils se taisent !Ne croient-ils pas que le silence devient un péché lorsqu’il prend la place de la protestation et d’un homme il fait alors un lâche ?Qu’ils peuvent hurler sans bruit, au moins? Il est de ces grands soulèvements collectifs qui, faute de signes prémonitoires, sont pratiquement imprévisibles.
Dans le cas contraire, nous n’aurons que nos yeux pour donner source à des fleuves des larmes. N’allons pas chercher explications ailleurs !Le verdict est sans appel : le mantra « Tous coupables » n’est ni injuste ni excessif, les élites nationales ont failli ! Locataires et squatteurs des palais de la République, gouvernants comme législateurs, tous sont coupables de l’effondrement de la nation par notre attitude d’indifférence, d’indolence et d’irrésolution quand ce n’est pas l’inanité, avec pour conséquence comme une fin de saison politique apocalyptique pour les enfants du Congo, un emballement étourdissant de la machinerie institutionnelle déferlant dans tous les domaines et secteurs de la vie nationale et une énorme chienlit née presque subitement allant crescendo et se répandant à la vitesse microbienne. Cette pagaille semble même entretenue à un niveau tel que des méfaits et travers d’une extrême gravité sont ostensiblement et bruyamment commis par nombre de hauts cadres particulièrement sadiques et de compatriotes insolemment inciviques, tous feignant de garder leur conscience tranquille, les uns dans l'exercice de leurs fonctions et les autres dans la vie de tous les jours. Pire tout cela ne semble nullement tant cabrer l’opinion, ni heurter la conscience collective de la population ni même soulever une seule âme de révolutionnaire.
Congolais, tous, nous sommes comme abrutis, les riches et les puissants par l’opulence ou l’omnipotence et les pauvres et les faibles par l’indigence ou la servitude. Nous assistons benoîtement à ce spectacle ahurissant d’un cataclysme rampant. Nous laissons faire les méchants, ces fossoyeurs orfèvres et membres d’une tyrannie indécrottable et impitoyable acharnés à la sale besogne de dépeçage du « pachyderme Congo » perpétuellement en déshérence et bientôt en putréfaction ! En effet, les gouvernants semblent totalement incapables de construire et d’incarner la confiance. Les masses, quant à elles, ne sont plus convaincues de la sincérité des préoccupations affichées par les gouvernants. C’est dans un climat de défiance généralisée que depuis ces dernières années un orage encore imperceptible mais impétueux et imprévisible secoue la société, faisant cristalliser sournoisement l’instabilité institutionnelle,paralysant la marche déjà bancale du gouvernement à la direction timorée et indécise, exacerbant les tensions dans l’activité parlementaire comme dans celle de l’appareil judiciaire, et accroissant considérablement les incertitudes et le désarroi des masses.
Dans ces conditions, l’état général du corps social du Congo, déjà totalement délétère, empire spectaculairement : les services publics essentiels sont devenus évanescents voire inexistants; la majorité des citoyens sont déboussolés face à la précarité du vécu quotidien; la gestion anxiogène et dépressive de la riposte au Covid-19 fit ainsi pratiquement disjoncter la population, l’exposant à des pathologies psychiatriques ou psychosomatiques encore sournoises mais perceptibles à travers des vagues de peur panique qu’elle souffle en permanence dans les cœurs et sur les villes, plombant au passage toute velléité ou rendant fugace tout effort de mobilisation des forces en faveur d’une action publique véritablement promotrice du progrès collectif.
Plus structurellement, la société congolaise est, faute de classes moyennes, devenue un permanent face-à-face explosif entre deux groupes de populations : une minorité insolemment et dédaigneusement riche et une écrasante majorité étrangement pauvre, au passé martyr et sans présent ni avenir, incapable de subvenir au minimum vital des besoins fondamentaux. Littéralement submergésou déchirés dans leur majorité par des peurs, des angoisses, des grommellements, des chahuts, des tiraillements, des déchirements, des pleurs, des larmes et des cendres, empêtrés et éperdus, les Congolais ont perdu tout espoir d’apercevoir le bout du tunnel.
Continuellement confrontés à un présent déchirant, ils endurent un véritable calvaire, un chapelet de souffrances indicibles tissant une affligeante réalité permanente, celle de la vie des désœuvrés, des victimes des bavures policières comme des barbaries des bandits, des groupes rebelles ou autres téméraires armés, aventuriers auteurs de tentatives séditieuses récurrentes.
Les Congolais étouffent cruellement des conséquences d’un État exsangue, victime des razzias exhalant de la puanteur des placards institutionnels faisandés. Ce sont des scandales de corruption et de fraude à ciel ouvert, des détournements monstres des deniers publics par des plus hauts commis de l’État qui ne s’offusquent pas d’être vantés, applaudis voire vénérés comme « des modèles de réussite » ou « des références de dignité socio-politique » par la société, y compris par des élites religieuses, médiatiques et culturelles, pour des « exploits » à leur actif.
Des exploits de la honte qui se déclinent en termes de construction des infrastructures sociales fastueuses et autres réalisations somptueuses, y compris des bâtiments appelés à abriter des institutions publiques en provinces dans leurs contrées d’origine au nom et aux frais de leurs « fondations » et tout cela, à coup de dizaines voire centaines de millions de dollars !
Paradoxalement les institutions de l’État congolais que contrôlent ces mêmes promoteurs des œuvres de bienfaisance, se révèlent désespérément incapables d’assurer la mobilisation des moyens de développement des services publics conséquents pour le compte du Trésor !
Félix Antoine Tshisekedi, président de la République, ne s’indignait-il pas vertement : « Je ne comprends pas pourquoi des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamité, chantent à notre gloire alors qu’ils devraient nous exiger plus comme c’est le cas en Occident ? ».
Sole Woyinka n’enfonçait-il pas le clou dans l’inconséquence africaine quand il écrit par exemple : « Ce n’est qu’en Afrique que les voleurs peuvent se regrouper pour piller davantage alors que les jeunes dont l’avenir est ainsi volé, les applaudissent » ? C’est en Afrique que se vérifie la fertilité du terreau d’action pour le voleur politique que - contrairement au voleur
ordinaire qui choisit sa victime et qui est traqué par la police - les populations se choisissent et font même protéger par un convoi de police pour qu’il leur vole leur avenir, leur rêve, leur savoir, leur salaire, leur éducation, leur volonté, leur force, leur sourire(A. de Tocqueville).
Sous d’autres cieux, en France par exemple, une adversité ou précarité de densité et intensité de l’ordre d’un édulcorant infinitésimal de la misère des populations congolaises, mit le président E. Macron,au tout début de son premier quinquennat, en face des mouvements (Gilets jaunes !) à
l’allure cruellement insurrectionnelle non sans faire craindre et même rappeler les horreurs de juillet 1789. Que penser de l’effet des insolents étalages de fortunes amassées des sources délictueuses au Congo-Kinshasa ? Simplement inimaginables dans un État normal au monde : leurs auteurs sont des prévenus libres auxquels aucun État de droit n’accorderait le moindre sursis avant de les happer pour des poursuites judiciaires.
Les prédateurs à col blanc congolais, évoluant loin des ombres, poussent l’outrecuidance dans leur suffisance et leur mépris du peuple jusqu’à, comme pour justifier l’origine criminelle de leurs fortunes, claironner urbi et orbique les caisses de leurs « fondations » sont renflouées jusqu’à la submersion financière grâce à des largesses financières prétendument versées pour les beaux yeux de ces commis de l’État « promoteurs sui generisdu bien-être social » des populations en détresse, par des opérateurs économiques. Pourtant ceux-ci sont censés d’avoir à rendre solidairement et individuellement compte au peuple congolais des quelque quinze milliards volatilisés chaque année aux dépens du Trésor selon les estimations des mêmes autorités gouvernementales qui ne s’encombrent point de scrupules pour recevoir et révéler ces donations faramineuses de la part de ces contribuables notoirement véreux !
Où sont les fins limiers de l’Inspection Générale des Finances pour rappeler aux prédateurs téméraires par exemple que « qui a des dettes ne peut faire des libéralités » (Nemoliberalis nisi liberatus) ? Leurs fameux donateurs sont à plus d’un titre des débiteurs dans les livres du Trésor qu’eux, agissant en qualité et titre de commis de l’État, très haut soit-il, ils tiennent non pas en leur nom et pour leur compte mais exclusivement pour le compte du peuple congolais. Par conséquent leurs propres révélations peuvent être constitutives d’aveux de compromission caractérisée. La très honteuse misère budgétaire nationale est la principale source de toutes les perturbations qui ne cessent de s’étendre et s’intensifier par notamment des arrêts de travail sans préavis ou non déclarés, des ruptures de fourniture des services publics essentiels, des modifications intempestives et irréversibles des calendriers scolaires et académiques, des institutions hospitalières réduites en mouroirs, etc.
Les archives de l’IGF nous offrent une perle historique, œuvre de leur « ancêtre », Kazumba Luaula, une éminence grise : un aperçu synoptique des politiques budgétaires des 37 dernières années, dressé en son temps dans les années Délire par ce célébrissime Inspecteur Général des Finances en chef, fit penser au titre du livre de la sociologue camerounaise Axelle Kabou: "Et si l'Afrique refusait le développement ?" dont la thèse défendue stipule que les Africains, tant la masse rurale que les élites, se réfugient dans un "mythe de développement" selon lequel ce sont les autres qui viendront nous développer mais qu’ils refusent le vrai développement qu'elle voit comme l'engagement réel de l'homme pour rendre plus digne et plus humaine sa propre vie. Ce tableau de l’infantilisme africain semble aujourd’hui spécifiquement écrit pour le Congo-Kinshasa !
La situation sociale déjà extrêmement précaire est drôlement envenimée par la chicaya politique : des partis politiques moralement déliés entretiennent, par leurs discours pleins d’amertume et au ton volontiers et invariablement accusateur contre les adversaires ou ennemis, tendent à transformer le pays en une grande place constamment livrée au vacarme et envahie sans cesse par des foules hétéroclites qui se plaisent à hurler, à accuser et à condamner à longueur des journées et des nuits. Bref, l’impasse est inextricable, la misère généralisée et la pagaille institutionnelle indéfinissable.
Voilà pourquoi nous affirmons que la société congolaise est craquelée, séparée par des fossés béants et géants, des crevasses sociales qui constituent des lignes d’affrontements inéluctables entre les différentes sections de la population. Que lasociété est définitivement hantée par le spectre d’une guerre civile, la guerre de tous contre tous et qu’elle chemine sûrement vers une mort lente. Que celle-ci peut s’accélérer brutalement si un sursaut souverainiste ne vient pas conjurer durablement le funeste sort.
Certes, une armée d’inspecteurs, de procureurs et de juges congolais à la hargne d’airain joueront un rôle déterminant dans l’élan de refondation sans cesse annoncé mais jamais engagé, en levant une croisade contre les plus flamboyants prédateurs impénitents de l’establishment congolais corrompu. Mais la victoire finale est tributaire de l’option qui sera levée par rapport aux adjurations du Hussard Solitaire pour l’organisation d’un un grand procès général « Les accusés de l’île de Bulambemba ».
Le champ congolais est globalement implosif. Pour trancher le nœud gordien, un sésame a été trouvé : des consultations menées au pas de course par le président de la République dans le cercle des figures marquantes, celles des Congolais et Congolaises qui comptent dans la société, des acteurs socio-politiques considérés comme les plus représentatifs ! La société s’était même aussitôt satisfaite de l’objectif avoué de cette immersion présidentielle : la pêche miraculeuse avec une prise sui generis éclatante et inattendue, une union sacrée de la Nation avec à la clé le mirage d’un sourire, celui de la vie heureuse que tous les Congolais ambitionnent depuis des lustres, le rêve de la construction du bien commun.
Sera-ce suffisant ou simplement limité à un effet placebo et la déshérence à nouveau relancée de plus belle ? L’an 2020 serait-ce finalement un nouvel an 1960 ? Le début d’un nouveau chapelet d’intentions inavouées, d’espoirs déçus et de tragédies à répétition ? Le pays est à un tournant décisif depuis l’an 2020.
Comme en 1960 les dirigeants se trouvent devant un choix cornélien, celui pour la liberté et la prospérité. Mais le sésame trouvé, celui de l’Union sacrée de la Nationferait long feu : les signaux d’essoufflement, d’inefficacité et d’inefficience sont perceptibles.
I. Le Congo-Zaïre-Congo qui clame et chante à temps et à contretemps son indépendance et sa souveraineté mais ne s’encombre pas du tout de gêne pour, comme un gros chat mordu par une souris naine, se tordre piteusement de douleur et fondre publiquement en pleurs sur le lait renversé par son agresseur. Il refuse d’entendre la voix de Wole Soyinka : Le Tigre n’a pas besoin de prouver sa tigritude ; il tue sa proie et la dévore!
L’Histoire renseigne que le Congo, le Congo-Zaïre-Congo mutant, engendré à la Conférence de Berlin en 1885, est passé par des mues successives de vernis : État Indépendant du Congo (1885-1908), ensuite Congo belge (1909-1960) avant d’acquérir sa souveraineté et son indépendance le 30 juin 1960. Baptisé République du Congo (1960-1964), puis République Démocratique du Congo (1964-1971), ensuite République du Zaïre (1971-1997), il a été à nouveau rebaptisé (depuis 1997) République Démocratique du Congo, mais il est habité par un peuple qui, au fil des ans, à cause de la mal gouvernance, a perdu sa dignité, gardant encore et toujours le front courbé.
Pour chrétiens, femmes et hommes de bonne volonté, il est agréable de relever que les grands virages de l’histoire du Congo de 1885 à ce jour se superposent ou s’imbriquent avec les étapes de développement de la Doctrine Sociale de l’Église (DES) à travers notamment : (i) la vision coloniale du duc de Brabant depuis la semence en 1860 à la germination en 1885 ; (ii) l’exploitation franche sous la corvée exclusivement selon et pour le rêve du duc devenu depuis roi Léopold II jusqu’à 1908 ; (iii) la gestion coloniale jusqu’à 1960 encore et toujours selon la vision léopoldienne avec des objectifs belges relookés particulièrement au lendemain de la victoire des Alliés occidentaux à la deuxième guerre mondiale et ajustée aux exigences des Nations Unies portant sur l’humanisation de l’action coloniale, et enfin (iv) la navigation à vue du Congo indépendant, malheureusement encore et toujours selon la vision léopoldienne de mise en valeur, d’équipement et d’exploitation de l’immense territoire du Congo, période sporadiquement parsemée de tentatives évanescentes de balisage pompeusement dénommées en révolution, changement, plans pluriannuels, documents de stratégie. En tout état de cause, jamais le Congo n’a expressément répudié ni même simplement revisité la vision léopoldienne !
La DSE est née de la réflexion de l’Église sur les temps modernes et leurs difficultés particulières eu égard au souci permanent de mise en œuvre concrète de l’Évangile au quotidien dans la société, d’adaptation à son époque et à ses besoins spécifiques ! Elle s’est développée du pape Léon XIII à nos jours, en trois étapes marquantes, en réponse aux problèmes de la condition ouvrière et des idéologies politiques, d’abord, de 1891 à la deuxième guerre mondiale, puis autour du Concile Vatican II (ouvert par le pape Jean XXIII, octobre 1962 et clôturé par le pape Paul VI, décembre 1969) jusqu’aux années 1980, enfin avec le Catéchisme de l’Église Catholique et les trois derniers papes, Jean-Paul II, Benoît XVI et François, dans une humanité qui connaît de plus en plus la mondialisation.
Quel fascinant décor de reformation du Congo se trouve ainsi planté depuis la maternité du Congo indépendant ! Est-ce par simple coïncidence ? Nescimus. Néanmoins, nous ne pouvons pas nous empêcher d’y lire quelques bonnes dispensations de la Providence et de le mettre en exergue pour souligner combien la responsabilité de l’échec congolais doit être partagée par toutes les élites et principalement les élites politique et religieuses.
Alors encore duc de Brabant, le futur roi des Belges - il sera couronné roi Léopold II seulement en 1865 - se lance un défi fou à lui-même, formant un rêve national sous forme de leitmotiv de son action future : à la recherche de la grandeur de son pays. Ainsi quand il convoque à Laeken une conférence géographique internationale en 1876, il sait qu'il sert une grande ambition nationale au grand dam des Britanniques, auteurs des principales expéditions (1857-1875) à la découverte de l'Afrique (en arabe « Ifrikiyah »), de son vrai nom « Aduna » ou « Dunya », alors réputée partiellement « terra incognita ». Cette conférence donne naissance à l'Association Internationale Africaine (AIA) dont l'objectif avoué est d'organiser des expéditions en vue de l'accroissement des connaissances géographiques.
Le Roi s'investit tout entier dans l'affaire et Henry Morton Stanley, journaliste-explorateur américain, surnommé « Bula matadi » (casseur des montagnes) par les nègres victimes de ses tueries, sera son partenaire patenté dès 1878, l'AIA étant remplacée par le CEHC (Comité d’Études du Haut-Congo) d'abord et plus tard (1883) par l'AIC (Association Internationale du Congo).
La conférence internationale sur la coopération entre puissances « coloniales » se tint à Berlin de novembre 1884 à février 1885. Déterminé dans sa voie de conquête pour la grandeur de la Belgique - le rêve belge -, Léopold II réussit à imposer, devant les grands colonisateurs (la France, la Grande-Bretagne et le Portugal), l'AIC comme garante de la libre navigation dans le bassin et l'estuaire du Congo : est ainsi né l'Etat Indépendant du Congo (EIC), propriété personnelle du Roi des Belges!
Cette histoire vaut la peine d’être écrite et contée par des anciens, principalement le reste abrahamiquedes Congolais de la Colonie belge, aux générations successives des enfants du Congo-Zaïre-Congo. Nullement historien mais simplement une prunelle du Congo belge et du Congo indépendant, à la fois nostalgique et mélancolique, nous nous bornerons à témoigner non seulement de ce que nous avons vécu, vu, entendu ou simplement lu mais également de ce dont, tout fils de roturier que nous sommes, nous avons été bénéficiaire, allant de notre conception et naissance jusqu’au parachèvement de notre instruction et formation dans des conditions entièrement enviables et aux frais de la Colonie et du Congo-Zaïre !
Dans son interminable et quasiment débridée navigation à vue, le bâtiment Congo n’a de cesse de tanguer au gré des crises à amplitudes aussi grandes les unes que les autres. Nous nous proposons de procéder à une lecture cursive assortie d’un exercice de ressourcement sur les événements que connaît le pays depuis l'indépendance afin de comprendre comment le Congo-Zaïre-Congo est passé
d'une "Crise au Congo" à une autre "Crise du Congo" avec ses succédanés ou ses mutants ainsi que des personnages des générations successives qui se ressemblent au point de donner à tout analyste averti des sueurs froides quant aux tenants et aboutissants de l’indépendance du 30 juin 1960 voire l’opportunité et l’utilité de la lutte pour sa conquête.
En effet, il est péremptoirement avancé une explication à la récurrence des crises du Congo, celle que tend à cristalliser la récente thèse de Me Gabriel Banza Malela, professeur d’universités (UNILU), à savoir que les Congolais arrachèrentle gouvernail à l’équipage belge et levèrent brutalement les ancres le 30 juin 1960 sous les regards médusés des plénipotentiaires des« puissances fondatrices » (au nombre de quatorze : États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Autriche-Hongrie, Pays-Bas, Espagne, France, Russie, Suède-Norvège, Portugal, Belgique, Danemark, Turquie ), alors que celles-ci n’auraient pas encore vendu leurs « actions » ni été désintéressées mais qu’elles voudraient - en communion inavouée avec les voisins de notre pays - un Congo éperdument faible dans notre village planétaire où il n’existe pas de code de conduite morale.
De plus, comme pour exacerber cette fragilité de l’État, les pères de l’indépendance n’auraient point procédé au check-up obligatoire de l’arsenal de navigation classique suivant la check-list usuelle (baromètre, boussole, ancres, gilets de sauvetage…) ni cherché à colmater les trous dans la coque ni surtout assimilé les métiers de capitaine et membres d’équipage de l’immense bâtiment de haute mer !Il est couramment admis que la gestion de l’indépendance nationale acquise dans la douleur est demeurée toujours approximative et comme vouée à un échec programmé dès le départ ! Et que donc sont quasi-définitivement vaines les souffrances, les privations et les humiliations qui sont le lot quotidien de notre Nation !
Après soixante-deux ans d’indépendance administrative, le moment n’est-il donc pas venu de mettre fin à l’inconduite politique, à l’irresponsabilité et aux mentalités inciviques qui ont démesurément façonné notre comportement, et longtemps modelé notre pensée en l’absence de références solides et crédibles de progrès et de sublimation de l’effort humain, qui auraient pu incliner le peuple à s’engager dans une croisade nationale de renaissance, de refondation et de construction d’un grand destin national choisi, voulu et assumé ?
Le Congo s’est mué en un immense champ de théâtralisation dramatique de la vie nationale. Serait-ce excessif de postuler que la communauté nationale comme les nations du monde entier regardent tantôt stoïquement tantôt cyniquement le corps social congolais s’écrouler par délitescence et pourrissement, jusque dans les abysses de l’opprobre et de l’indignité en ces années 2020 ?
Que les uns se calfeutrent sous une chape d’inconscience et de cynisme ou de débonnaireté et les autres dans une indifférence non simulée et empreinte d’une affectation dédaigneuse ? La société congolaise est gravement minée suite à une conjonction massive des facteurs de décadence sur fond de l’exacerbation d’une crise à l’ampleur et à la complexité sans précédent : une dissolution effrénée des mœurs, une banalisation éhontée de la corruption à tous les niveaux et dans tous les domaines de la vie nationale, l’onde déstabilisatrice d’une chienlit institutionnelle débridée et auto-entretenue dans des circonstances baroques, une anxiété économique déroutante et asphyxiante qui dure depuis trente ans, un ressentiment social permanent et implosif, bref la pression d’une pauvreté massive, d’une misère inédite qui a fini par avilir l’homme congolais, par le déshumaniser totalement et transformer le peuple d’en bas en une société des indignés !
La situation sociale déjà extrêmement précaire est drôlement envenimée par la chicaya politique : des partis politiques moralement déliés entretiennent, par leurs discours pleins d’amertume et au ton volontiers et invariablement accusateur contre les adversaires ou ennemis, tendent à transformer le pays en une grande place constamment livrée au vacarme et envahie sans cesse par des foules hétéroclites qui se plaisent à hurler, à accuser et à condamner à longueur des journées et des nuits.
À parcourir la littérature contemporaine ( à laquelle nous empruntons des perles) traitant des vagues sociales à répétition sévissant dans les vieilles démocraties, en particulier celle de la République française, il est un euphémisme de dire qu’en RDC l’impasse est monstre et le naufrage imminent : la République est évanescente, plongée dans une impasse coupe-gorge. Elle est comme estourbie face à la soudaineté et à l’ampleur des déchaînements sociaux tout comme à l’impétuosité des catastrophes naturelles à occurrences étrangement rapprochées, sévissant dans un environnement physique particulièrement fragile. Elle est surtout désemparéeface à l’embrasement libertaire qui n’est plus allé qu’extraordinairement crescendo.
En matière de morale et de probité, la défiance du peuple d’en bas est infinie vis-à-vis des institutions du pays et des animateurs de celles-ci. Les Congolais ne croient plus à la politique, en l’honnêteté de ceux qui les gouvernent. Dans la foulée, les fondements de l’ordre institutionnel et de l’autorité publique voire ceux de l’autorité familiale sont littéralement ébranlés. Toutes les hiérarchies, incapables d’apporter des réponses audacieuses et inventives aux attentes sociales vitales et légitimes de la population, se voient copieusement conspuées, bafouées, ridiculisées et même violentées.
Malgré sa légendaire résilience matelassée dans l’inusable carapace de la dérision de son peuple et en dépit de l’apparence faussement insubmersible de son État empruntée au Titanic, le monstre marin battant pavillon RDC, apparaît complètement déboussoléet éperdu.Il s’est singulièrement engagé dans des passes de très fortes turbulences depuis les années Déluge 2019-2020 et il poursuit sa navigation à vue en tourbillonnant, continuellement ballotté par gros temps, vents, orages et tourments de toutes natures. Rien n’est fait pour freiner sa folle course alors que d’immenses glaciers se dressent imperturbablement sur sa route à toutes les profondeurs. Un abasourdissant sauve-qui-peut pourrait le précipiter dans des courants marins indomptables et le couler effroyablement.
Les capitaines jusqu’au commandant de marine en chef et tous les membres de l’équipage du vaisseau se tiennent comme barricadés dans la cuirasse du dôme institutionnel national. Dans leur siège exclusif du peuple d’en haut, ils feignent l’émotion mais demeurent imperturbablement sereins, sourds aux grommellements du peuple d’en bas définitivement en déshérence. Ils sont comme insensibles aux cris de détresse, lamentations et pleurs de leurs concitoyens.
Les congolais lambda, abonnés à la pauvreté et à la précarité, se comptent par dizaines de millions de ces misérables en haillons, des loqueteux, des affamés, des sans-abris, bref les masses des ménages défavorisés, de ceux qui sont désespérément privés de tout et contraints à survivre dans la communauté nationale sans le ciment du vivre ensemble, de ceux qui n’ont pratiquement jamais connu l’État protecteur et fournisseur des services sociaux de base ou n’en ont qu’un vague et lointain souvenir dans leur existence.
De leur côté, les représentants du peuple, eux, gouvernants et législateurs, se délectent de l’illusion d’être durablement à l’abri du besoin et de vivre dans la capsule suicidaire d’un confort insolent, se flattant et se nourrissant de l’assurance mirifique qu’ils s’offrent dans l’espoir de se sauver de la grande catastrophe à venir. Riches et puissants, nombreux sont tentés de prendre le refuge Union sacrée de la Nation pour arche de Noé. Nenni ! Illusion ! Fausse route !
Aucune issue au bout du défilé de l’Union sacrée de la Nation !Dans les vagues déferlantes de l’immense mer en furie le refuge de l’Union sacrée de la Nationse révélera une cuirasse friable. Le grand vaisseau du Congo est voué à naufrager. Manifestement dédiée en réalité au cabotage pour le sauvetage des sinécures et rentes de situation des membres de la noblesse congolaise, la coque Union sacrée de la Nation n’échappera pas au naufrage. Dans son échouement, le monstre marin provoquera des répliques du tsunami, lesquelles submergeront les niches des riches et des puissants, ces familles qui s’arrogent des privilèges et accaparent le pouvoir de représentation dans la société par moult subterfuges électoraux ! Ainsi sonnera le glas de l’engloutissement du groupe social des locataires et des squatteurs des palais de la République, ces figures marquantes pompeusement qualifiées « acteurs socio-politiques les plus représentatifs » !
Ça aura été une lourde erreur stratégique du chef de l’État de croire que le Congo peut sortir de l’impasse socio-politique actuelle par la bulle d’une sorte de manne tombée du ciel, par le sésame des consultations menées au pas de course dans la perspective d’une pêche miraculeuse à la ligne avec pour prise une Union sacrée de la Nation ! Cette entourloupe aura retardé provisoirement l’éclatement de la grande colère du peuple mais à la longue et même très vite elle finira par rendre celle-ci inévitable et même plus dévastatrice. Faire miroiter au peuple d’en bas le rêve du bien commun pour la sociétéet du sourire d’une vie heureuse pour le citoyen lambda, est un placebo autodestructeur.
Dans les conditions institutionnelles actuelles, désespérément troubles, brouillonnes et un tantinet baroques, il semble que l’échec de la poursuite des objectifs de recouvrement de la dignité et de la grandeur nationales soit malheureusement garanti. Pousser le bouchon du subterfuge jusqu’au bout ne laissera aucune chance de survie au régime politique en place. Et définitivement, un piège insidieux exceptionnellement dangereux pourra mettre en péril la République, l’État et la Nation.
Alors, prenons la situation au grand sérieux ! Écoutons la voix de Cassandre !La voix du prophète Amos des temps de crise en RDC !
Prophète? Oui, nous le sommes, car la vocation prophétique se situe dans l’Église et dans notre environnement quotidien : en famille, en paroisse, dans le quartier, au travail... Être prophète, c’est être un homme de Dieu, qui agit en Dieu et qui parle au nom de Dieu; mais c’est aussi se convertir et travailler pour le triomphe de la vérité et de la justice à l’instar de Jean-Baptiste (Missel mensuel N° 113, Juin 2022-Année C : Jésus Vie : Nativité de saint Jean-Baptiste, 24 Juin).
Se faire le devoir de lire les signes des temps, ce n’est pas être un marchand de désespoir ni prophète de mauvais augure mais c’est avertir et préparer la nation à des années difficiles de survie, de résilience et de résistance dans l’incontournable croisade pour la renaissance. Cassandre n’est pas un prédicateur du catastrophisme ou d’effondrisme. Il ne conçoit ni euphorie devant le bonheur ni désespoir devant les épreuves et les catastrophes.Au degré actuel de pourrissement et de délitescence du corps social, les petitsmoyens ne produiraient même pas de petits effets ; ils ne produisent absolument aucun effet.
Ceserait suicidaire de morfondre le leadership au sommet dans des voies péchant par procrastinations funestes ou par précipitations inconsidérées. Puisque le vin du pourrissement est tiré par la faute et l’indolence des élites, il faut le boire.Une union sacrée de façade des figures socio-politiques marquantes du pays, si représentatives soient-elles, n’arrêterait le naufrage du Congo ni ne renflouerait le bâtiment échoué dans les profondeurs.
Le sésame congolais de l’Union sacrée de la Nation fera indubitablement long feu ! Le salut passe par un exploit comparable à celui du 4 août 1789 français, la date la plus fameuse de l’histoire parlementaire française, jour où la Révolution inscrite dans les esprits se construisit dans les faits. Il faut sensiblement plus, aller plus loin pour pouvoir trancher le nœud gordien et conjurer le spectre pesant d’une imminente guerre de tous contre tous. Il faut un volontarisme d’airain et un réalisme de vérité.
Au premier Citoyen congolais, pensons-nous fermement, incombe la charge la plus cruciale, d’aller au large, d’avancer en eau profonde en adjurer les élites à s’engager dans une utopie libératrice, à prendre le risque d’assumer volontiers une sorte de « rébellion politique » inspirée par le peuple et de renverser le jeu actuel hors voies et règles institutionnelles, celles-ci étant largement inadaptées et donc inutiles !
Le désarroi du peuple Congolais est immense. La société congolaise est nue, plongée dans un état de délitement total, politique, moral, social et économique, lequel n’a cessé d’empirer, depuis le crépuscule de la 2èmeRépublique, jusqu’à atteindre des niveaux apocalyptiques aujourd’hui.La politique, écrit un penseur (Paul-Valery), c’est l’art de concevoir des fins et d’inventer les moyens pour arriver à ces fins. Au nombre des fins prioritaires reconnues pour les pays du continent noir, la justice et la paix !
Aux chrétiens et à tous les hommes de bonne volonté le Pape Jean-Paul IIlançait un appel à s’engager au service du bien commun en ces termes : « Le plus grand défi pour réaliser la justice et la paix en Afrique consiste à bien gérer les affaires publiques dans les deux domaines connexes de la politique et de l’économie …Certains problèmes ont leur origine hors du continent et, pour cette raison, ne sont pas entièrement sous le contrôle des gouvernants et des dirigeants nationaux. Mais (…) beaucoup de problèmes du continent sont la conséquence d’une manière de gouverner souvent entachée de corruption.
Il faut un vigoureux réveil des consciences, avec une ferme détermination de la volonté, pour mettre en œuvre des solutions qu’il n’est plus désormais plus possible de remettre à plus tard (…) Que surgissent en Afrique des responsables politiques – hommes et femmes – saints, pour qu’il y ait de saints chefs d’État qui aiment leur peuple jusqu’au bout et qui désirent servir plutôt que se servir. Les fondements d’un bon gouvernement doivent être établis sur la saine base de lois qui protègent les droits et définissent les devoirs des citoyens (…). Le laïc chrétien engagé dans les luttes démocratiques selon l’esprit de l’Évangile est le signe d’une Église qui se veut présente à la construction d’un État de droit, partout en Afrique ». (Jean-Paul II, Ecclesia in Africa, 110-112).
Au peuple incombe donc la délicate charge de reconnaître et d’appeler à le représenter ces hommes nouveaux qu’il lui faut, au risque de perpétuer sa misère. Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent agir et qui refusent d’intervenir. Le leadership dont le peuple a besoin aujourd’hui est celui qui sache aller au-delà de la simple indignation ou de l’accablement qui l’étreint et qui pourrait avoir à la longue beau jeu de lui donner bonne conscience et donc risquer de le dispenser de l’action (Abbé Pierre).
Le pouvoir politique repose sur l’espérance. Mais, en l’absence d’un projet de société viable, d’un contrat social sacré et réfléchi, d’un véritable pacte républicain, cette espérance demeure illusoire. Ainsi, en est-il du Congo indépendant 1960-2022 qui n’a jamais porté un véritable projet de société, cohérent, dynamique et global, c’est-à-dire un idéal et des valeurs clairement affirmées, un rêve et une vision de grandeur du destin national, des plans, des programmes, des politiques et des stratégies concrètes de changement et de développement, l’ensemble sous-tendu par une culture nouvelle !
Mais, plus fondamentalement, la débâcle du Congo indépendant prend racine dans le péché originel, celui des pères de l’indépendance, que les générations successives des élites n’ont perpétué par omission pour n’avoir ni confessé ni tenté de réparer : l’oubli du rendez-vous tôt pris avec l’histoire par les pères de l’Indépendance pour assumer la « fondation » du Congo en accord avec la volonté du peuple Congolais !
Dans son interminable navigation à vue, le Congo n’a de cesse de tanguer au gré des crises à amplitudes aussi grandes les unes que les autres. Nous nous proposons de procéder à une lecture cursive assortie d’un exercice de ressourcement sur les événements que connaît le pays depuis l'indépendance afin de comprendre comment le Congo-Zaïre-Congo est passé d'une "Crise au Congo" à une autre "Crise du Congo" avec ses succédanés ou ses mutants ainsi que des personnages des générations successives qui se ressemblent au point de donner à tout analyste averti des sueurs froides quant aux tenants et aboutissants de l’indépendance voire l’opportunité et l’utilité de la lutte pour sa conquête même.
II. Comment le Congo-Zaïre-Congo est passé d'une "Crise au Congo" à une autre "Crise du Congo", avec des succédanés, variants ou mutants de celle-ci et des personnages des générations successives qui se ressemblent comme des clowns!
Une lecture cursive de la cacophonie des discours, déclarations ou écrits, lesquels loin d'être les seuls représentatifs des pensées ou de l'action des illustres personnages, sont révélateurs de la marche à tâtons et des convulsions politiques, économiques et sociales qui ont émaillé les six dernières décennies de la vie de notre Pays.
Le Congo accède donc à l'indépendance le 30 juin 1960, mais manifestement dans un environnement d'impréparation caractérisée. Mais que feront les pères de l'Indépendance pour canaliser les efforts nationaux de construction d'un État-nation libre et prospère ? Quels ont été les desseins des enfants du Congo alors en vue dans la scène politique depuis cette époque jusqu'à l'effondrement total consommé au bout de quatre décennies de navigation à vue, de tumultes, de convulsions de tout genre et de toute intensité... ?
La voix de Patrice Emery Lumumba, héros national, est celle qui résonna haut et fort dans l'ambiance électrisée des jours et heures euphoriques de juin 1960. Tout naturellement, au temps des luttes politiques pour l'indépendance et des ajustements des ambitions internes des leaders politiques, l'avenir du Congo aux yeux de ses fils se résumait en la négation du discours comme de l'action du colonisateur blanc. Mort pour la patrie, pour la liberté de son peuple, P.E. Lumumba eut le malheur d'être foncièrement africain, noir, dans ses convictions et surtout ses passions dont rarement la raison arrivait à édulcorer les manifestations. Son discours était fougueux, passionné, ravageur, trop direct et surtout point diplomatique ni amène même si parfois voire souvent attaché à la réalité, à la vérité, font observer aujourd’hui des analystes.
Il parlait de l'Afrique du futur, de la dignité, de l'exploitation qu'il fallait combattre et de l'unité du Congo à préserver. Il savait dire, dénoncer et accuser : "Je ne suis rien d'autre qu'un nationaliste africain. J'utiliserai toute la puissance du Congo indépendant pour émanciper tous les autres peuples africains, à commencer par ceux de l'Afrique du Sud", prévenait Lumumba, intrépide, que les puissances coloniales devaient vraisemblablement déshabiller d'un regard foudroyant. Mais il savait aussi reconnaître : "Nous savons que ce pays a été construit par les Belges, les Portugais, les Grecs et d'autres colons étrangers qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes", sans trop savoir quels "colons" congolais s'étaient alors préparés à tenir désormais la truelle, la houe, le livre comptable, la clé anglaise du mécanicien, le megger de l’électricien, ou encore, plus ambitieux, l'exploitation agro-forestière ou agro-alimentaire, à la place du colon étranger ». Lumumba ne réussit surtout pas à convaincre de sa foi en un nationalisme authentique, bien qu'il clamât : "Je suis chrétien. Nous ne sommes ni Russes ni Américains. Nous n'allons ni avec les Russes ni avec les Américains. Nous restons au milieu, c'est cela qui fera notre force".
Malheureusement, le principal leader congolais ne s'identifiera surtout que par rapport à la distance qui le sépare du "Maître Blanc". Le nationaliste sera dès lors celui qui "n'ira pas avec l'ancien colonisateur", qui ne se soumettra pas au diktat de l'étranger blanc ou plus ironiquement celui qui ne se rapproche pas du blanc. Donc tout le contraire de ces "évolués" dits "Penepene na mundele». Moïse Tshombe n'eut point de gêne, pour sa part, de déclarer par exemple vouloir engager le pays sinon le Katanga dans la voie du nécessaire apprentissage de gestion publique quand il disait : "Nous (= Katangais) acceptons de rester dans une fédération congolaise, mais il est nécessaire que le Katanga y jouisse de l'autonomie la plus large. Il est nécessaire que cette fédération soit belgo-congolaise, ou, tout au moins, que le Katanga puisse rester uni à la Belgique, puisque sans elle, il sécherait sur pied".
De telles prises de position, qui avaient le mérite d'en appeler à la raison des leaders congolais pour un examen de conscience responsable qui débouche sur le nécessaire apprentissage, ne purent avoir pour effet que d'exacerber les antagonismes primaires suivant le schéma du clivage entre les nationalistes enclins à l'unité nationale et les séparatistes ou sécessionnistes réputés être au service de l'ancien maître, manipulateur.
À ses origines, l’État Indépendant du Congo est né pour servir les intérêts étrangers...La victoire du Roi des Belges, Léopold II, dans "la bataille du rail" est à maints égards le premier repère de l'effort de mise en valeur de cet immense territoire qu'est le Congo-Zaïre. L'ouverture de la ligne de chemin de fer Matadi-Léopoldville dès 1898 est la suite de la volonté quasi-obsessionnelle du Roi des Belges, propriétaire de l'État Indépendant du Congo (EIC), qui rêvait de faire de la Belgique une puissance grâce aux produits agricoles et surtout de la cueillette, fruit d'un travail forcé des indigènes congolais : le caoutchouc et l'ivoire. Pour le Roi des Belges, ce rêve fut une fixation séculaire.
Alors jeune Prince et duc de Brabant, ne clamait-il pas déjà : " je crois que le moment est venu de nous étendre au dehors, sous peine de voir les meilleures positions, rares déjà, successivement occupées par des nations les plus entreprenantes que la nôtre... Il faut une colonie à la Belgique !".
Et Henry Morton Stanley,navigateur portugais au service du Roi des Belges et auquel on attribue le dicton « Without the railway, the Congo is not worth a penny » (Sans chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny),comprit que la volonté royale ne pouvait être exaucée en l'absence du rail donnant l'accès à la côte atlantique pour l'exportation des produits cueillis sur le sol et de la faune congolais vers la métropole.
Le programme politique du pouvoir colonial au Congo n'a pas connu de discontinuité entre l'ère précoloniale léopoldienne et la période coloniale. Une touche "humanisante" tardive sera néanmoins perceptible seulement au lendemain de la Guerre mondiale 40-45, alors que l'engagement à la préservation de la liberté de conscience, de la liberté des cultes notamment, fût proclamé déjà par les puissances coloniales à la table de la Conférence de Berlin, novembre 1884 - février 1885. Le système politique était puissant, plus puissant que les velléités d’humanisme des quelques hommes en vue.
Plus tard, le Roi des Belges Baudouin confessa son attachement et sa volonté politique de réorienter positivement l'action coloniale vers un développement humain au bénéfice de tous les hommes et de tout l'homme congolais : "Une politique saine de développement se doit d'être orientée par la préoccupation de l'homme. Un seul but suprême : l'épanouissement universel des hommes. Une seule préoccupation polarisant et dominant toutes les autres : mettre sous toutes les latitudes des hommes à même de pouvoir devenir librement tout ce qu'ils sont. La personne humaine constitue la fin dernière obligatoire de toute politique".Plus tard, au terme du premier Plan Décennal de mise en valeur du Congo presqu’exclusivement tourné vers la prospérité de la Belgique et au moment de lancer un second Plan dont l'action allait réorienter les objectifs vers le progrès du Congo, le Gouvernement belge pensa bon et juste de proposer une évolution progressive vers l'indépendance ! Le plan pour l'émancipation progressive du Congo dans trente ans 1955 – 1985, esquissé par Pr. Van Bilsen.
La Deuxième République comme la Première du Congo indépendant, nées par accouchement dystocique et dans l'impréparation, n'auront point de leaders politiques librement et suffisamment engagés dans la voie de la construction d’une nation riche et puissante, écartelés qu'ils furent entre leurs intérêts égoïstes et les sollicitations ou contraintes d'un environnement national délétère. Avaient-ils assumé à temps que le leader politique est avant tout ce citoyen qui accepte et s'engage dans un apostolat, au service et pour l'intérêt de la communauté avant de songer à sa propre vie ? Que le chef doive être le serviteur de ses serviteurs, le bon maitre à l'image de Jésus-Christ :"Être tout simplement bon au point que les hommes nous traitent de faible ou de je ne-sais-quoi", ainsi que martelait le Cardinal Joseph-Albert Malula?
Joseph Kasavubu, premier Président du Congo indépendant, sera un témoignage vivant de cet attachement chrétien aux valeurs morales sublimes, de par sa vie d'homme tout court, chef de famille épris d'amour pour les siens, sa vie de père et mari responsable, tout comme dans sa vie d'homme d'État, honnête et respectueux de la vie et de la dignité des autres, de ses concitoyens comme de l'étranger. Ses premiers mots au jour du 30 juin 1960 le reflètent : "Nous demandons à Dieu dans une profonde humilité qu'il protège notre peuple et éclaire nos dirigeants",au moment où le Roi Baudouin déclarait : « Peuple congolais, mon pays et moi-même, nous reconnaissons avec émotion que le Congo accède en plein accord et amitié avec la Belgique à l'indépendance et à la souveraineté nationale ».
Sans chercher à classifier les illustres acteurs en groupes de saints et de diables, il est utile de rappeler avec révérence la mémoire de ceux qui ont marqué leur vie du sceau de l'amour, de l'humilité, du sens du devoir, de la tolérance ou de la tempérance et qui ont refusé de servir l'argent et le pouvoir comme maitres, relativement respectueux qu'ils furent de l'intérêt, de la dignité et de la vie du citoyen ou de l'homme tout court. En effet, cela a toujours et encore manqué cruellement à l'homme politique du Congo-Zaïre en général, au point que la majorité a généralement pensé au pouvoir, pour ce qu'il apporte comme argent et honneurs, sans penser le pouvoir. Et quand un homme dépourvu d'amour et d'humilité arrive au pouvoir sans savoir le devoir afférent audit pouvoir, l'égoïsme se révèle le trait dominant de l'homme dans l'exercice du pouvoir. Il est prisonnier de ses intérêts égoïstes et donc incapable de penser et surtout de remplir le devoir du pouvoir.
L'absence de volonté de bien faire pour le bien de tous l’emporte largement sur le soupçon de desseins que les uns et les autres ont pu porter en rapport avec non pas la construction du Congo-Zaïre mais seulement avec la gestion de la chose publique à tous les niveaux.
Mobutu Sese Seko, Président du Congo-Zaïre pendant près de 32 ans, hors son règne de fait dans la période agitée 1960-1965, semble, de tous les Congolais indépendants, celui dont le destin a été confondu avec celui du pays. À sa longue gestion, aujourd'hui très controversée à cause des effets sociaux pervers de la dégradation généralisée et continue de la situation économique nationale, l'opinion attribue un bilan globalement négatif, en dépit d'importants acquis incontestablement vitaux que sont la paix et l'unité nationale chèrement conquises et entretenues ainsi que, les indicateurs sont concordants en ce qu’ils traduisent la période de 1968 à 1974 comme celle de haute conjoncture avec une croissance très marquée du PIB soit quelque + 7 % en moyenne par an, le véritable boom économique que le pays ait réussi à réaliser.
De même, l’année 1975 apparaît comme le tournant de la mort, le pays entrant dans une longue récession consécutive à l’échec de la « zaïrianisation », train de mesures politico-économiques que le pouvoir justifiait par la volonté de créer une classe moyenne zaïroise et de réduire l’influence étrangère sur l’économie et le petit comme.
Mobutu déclarait lui-même, en mai 1993 : "Je suis fier d'avoir bâti une nation, d'avoir donné une identité à mon pays. Nous avons 254 ethnies au Zaïre qui parlent plus de 400 dialectes...".C'est qu'en l'absence d'une évaluation objective des résultats par rapport à un plan-cadre de développement digne de ce nom, seules des réflexions ou analyses partielles et superficielles sont entendues, motivées par des frustrations de tous ordres d'une population déboussolée par rapport à la marche du pays. Un extrait lumineux de ce qui peut être considéré à ce jour comme discours de bilan posthume de Mobutu Sese Sekodonne la pleine mesure de l'arrière-gout d'échec général de la 2ème République : "Ma seule et unique ambition, tout compte fait, c'est que le Zaïre devienne autre chose que ce qu'il est maintenant. Je ne veux plus que mon pays soit la risée du monde. Je veux qu'il remonte petit à petit la pente et mérite la place qui lui revient". Dit en fin de sa course, cela sonne comme un testament, une sorte de confession d'un architecte qui récuse l'ouvrage construit suivant ce qui tient lieu à son propre plan. Ces propos, Mobutu S.S. les a tenus en mai 1993, soit près de deux ans après le terme de son septennat 4 décembre 1984 - 4 décembre 1991, mandat placé sous le signe du social. Architecte et entrepreneur général lui-même, Mobutu S.S. assume pleinement la responsabilité du mauvais résultat.
Mais où se cachaient tous les ouvriers habiles du Congo-Zaïre, les élites, des maîtres d’œuvre appelés par le chef à divers chantiers et postes de responsabilité ? La responsabilité des élites contemporaines est tout aussi grande, loin d’être dédouanée même si nombreuses d’entre elles ont souvent, à leur corps défendant, évoqué la tyrannie d'un seul homme, Mobutu S.S., comme facteur de blocage ou d’inhibition des talents et ne peuvent pas justifier leur contribution active comme passive à la "destruction". Leur crime est, en réalité, double : ne pas faire le bien quand on le peut et contribuer à la perpétuation du mal au prétexte qu’on n’y peut rien.
À la base de la compromission de l'élite, il y a la peur de la "fournaise" dans laquelle l'on risque d'être jeté quand l'on refuse de s'associer au mal contre la volonté du chef. Le Congo-Zaïre n'a pas eu suffisamment ses "jeunes hébreux" fidèles à l'image des jeunes Judéens Daniel, Ananias, Misaël, et Azarias, en même temps que ses « rois », de la race du Babylonien Nabuchodonosor, n'ont pas l'humilité du roi Darius, fils d’Artaxerxès, de la race des Mèdes.
Quand Étienne Tshisekedi déclare par exemple en août 1992 : "Je consacre le reste de ma vie au combat pour la liberté de mon peuple et de la démocratie",est-ce que la nation mesure avec discernement la mission que cet homme est appelé à jouer, elle qui le réclamait à la tête du Gouvernement de la République pendant la transition politique ?
La confession de Barthélemy Bisengimana R., longtemps chef de Cabinet de Mobutu S.S., donc Premier Ministre de facto pendant la première des trois décennies du pouvoir de Mobutu S.S. à la tête de l’État, donne la pleine mesure de la volonté politique et de la portée de l’action de la 2èmeRépublique pendant la seule période où véritablement le pays a pu cheminer suivant un schéma donné dans la voie de la construction pour le développement, bien que, force nous est de le reconnaitre, ce chemin n'a pas été clairement tracé et balisé. Complémentairement à l'effort de consolidation de la paix et de l'unité nationale, le Congo-Zaïre s'est attaché à la politique des grands travaux mais sans un schéma cohérent et rationnel ni politiques et stratégies intégrées dans une vision globale de poursuite des objectifs de développement, ce qui est à la base du gaspillage des ressources. Le pays a eu même à valser en matière d'options économiques de base ou d'orientations stratégiques et son action a surtout accusé le coup mortel de l'insuffisance voire le manque de coordination intersectorielle ainsi que de suivi méthodique et évaluation périodique et rigoureuse de l'action engagée.
Bisengimana R. confessait en octobre 1990, entre autres erreurs stratégiques mortelles commises,"le manque d'un environnement qui permette à l'esprit de créer", le fait de n'avoir "pas remarqué que la première industrie dans un pays développé devait être l'industrie agricole", d'avoir dans la précipitation "confondu l'usine et l'industrie", d'avoir négligé la PME, qui est pourtant le moteur de la croissance économique", d'avoir "valsé entre libéralisme et collectivisme" et d'avoir "trop misé sur l'assistance technique" ou l'aide extérieure alors que celle-ci "ne devrait être qu'un complément pour parachever un projet qu'on a mené par ses propres efforts"
Léon Kengo,chef du Gouvernement à trois reprises pendant plusieurs années et à des époques différentes, eut le mérite "d'oser". Ne rétorquait-il pas à l'opinion qui semblait l’accabler de sarcasmes sur sa rigueur passée plutôt stérile pour le pays, au moment où il s'alignait dans la compétition pour un troisième passage à la primature : "Celui qui ne s'est pas sali les mains n'est pas un homme !" ?
Mais quand un chef du gouvernement réputé pour la rigueur se contente de se plaindre avec le peuple de ce qui ne va pas dans la gestion de la chose publique, l'illusion quant à la réelle volonté de bien faire n'est plus autorisée. Léon Kengo ne justifiait-il pas, dans un accès d'ironie à peine voilée, l'idée de la privatisation d'entreprises publiques par l'impuissance de l’État à tirer parti de celles-ci quand, l'air médusé, il déclarait en janvier 1990 : "Car je m'interroge pourquoi la Nation doit-elle garder des entreprises qui ne profitent qu'aux seuls PDG et à leur entourage..." Une certaine opinion ne manque pas de fustiger, à juste titre, le manque d'amour des dirigeants du Congo-Zaïre pour le peuple, quand elle considère que manifestement l’absence de la volonté de bien faire pour l'intérêt général est quasi-générale et insolente alors que les ressources et atouts en tous genres ne font pas tant défaut dans le pays.
À plusieurs occasions par exemple la conférence épiscopale du Congo-Zaïre a eu à dénoncer "le mal zaïrois" en des termes parfois forts et difficilement admissibles aux oreilles des dirigeants égoïstes et hautains, devenus insensibles aux souffrances du peuple.
Mgr Laurent Monsengwo, à qui les assises de la Conférence Nationale Souveraine donnèrent l'occasion historique d'être le prophète-homme d’État du Congo-Zaïre, n'eut point de fortune plus heureuse. Au contraire, c'est en homme presque dépité, qu'il s'éloigna de la piteuse scène politique nationale. Ses incessantes interpellations pour le triomphe de la tempérance, de la tolérance, de la justice, et de l'amour comme de la primauté de l'intérêt commun sur ceux individuels ne purent malheureusement venir à bout de la hargne quasi obsessionnelle des uns et des autres dans la lutte pour la conservation ou la conquête du pouvoir au moment où le peuple attendait le changement pour l'instauration d'un ordre nouveau, celui de la concorde nationale, du respect des droits et libertés fondamentales ainsi que du bonheur garanti pour tous les citoyens dans la justice et l'équité.
Quel écho les protagonistes réservèrent-ils à la question posée ou mise en garde formulée parMgr Monsengwo du haut de la tribune de la CNS : "que répondre demain à Dieu quand il nous posera la question de savoir ce que nous avons fait de toutes les richesses dont il a doté notre pays alors que notre population est en proie à une misère indicible ?".
Le prélat catholique traduisait là l’angoisse de l’ensemble du peuple qui psalmodie continuellement comme le pauvre dans l’Évangile : « J’avais faim, est-ce que vous m’avez donné à manger ? J’étais malade, m’avez-vous soigné ? J’étais sans abri, m’avez-vous offert un logis ? ».
L’Église Protestante du Congo, exemple vivant de l'unité dans la diversité, n'a pas été aphone. La langue de bois n'a été qu’apparente. Mgr Bokeleale, Président de l'ECC pendant trois décennies, pourtant réputé alors proche du maréchal Président Mobutu, ne manqua pas de hausser la voix au tout début de la démocratisation. En témoigne cette lettre pastorale datée du 13 septembre 1995 dans laquelle l'on peut lire notamment : "Notre peuple est un grand peuple. La grande majorité de l'Afrique reconnaît que l'amélioration de la situation africaine dépendra de la prise de conscience de leadership africain du Zaïre, avec le Nigeria et l'Afrique du Sud aujourd'hui. Le Zaïrois doit abandonner le tribalisme, le clanisme, le régionalisme, les divisions sur base des confessions religieuses qui ont sévi (!) depuis des siècles le bien-être intégral de la population, que ce soit dans la santé, le social et à tout ce qui concerne le droit à la vie de l'homme. Il doit prêcher et vivre l’Évangile d'amour qui libère et unit".
À la décharge des leaders congolais/zaïrois alors en vue, il est à relever le piège de la colonisation, celui d’un destin national brisé : des déclarations de la Couronne belge attribuant à l’appropriation et à la colonisation des buts humanistes!
Le Roi Baudouin ne déclarait-il pas avec satisfaction et fierté : "l'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'oeuvre conçue par le génie du roi Léopold II, entreprise avec persévérance par la Belgique !" ? "Pendant 80 ans, poursuivit-il, la Belgique a envoyé sur votre sol les meilleurs de ses fils, d'abord pour délivrer le bassin du Congo de l'odieux trafic esclavagiste qui décimait ses populations ensuite pour rapprocher les unes des autres les ethnies qui, jadis ennemies, s'apprêtent à constituer ensemble le plus grand des États indépendants d'Afrique". "En ce moment historique, notre pensée à tous doit se tourner vers les pionniers de l'émancipation africaine et vers ceux qui, après eux, ont fait du Congo ce qu'il est aujourd'hui. Ils méritent à la fois notre admiration et votre reconnaissance, car ce sont eux qui, consacrant tous leurs efforts et même leur vie à un grand idéal, vous ont apporté la paix et ont enrichi votre patrimoine moral et matériel".
En dressant ce bilan, le roi Baudouin voulut convaincre quant au caractère salvateur de l'action belge au Congo quand, lors de la séance de clôture de la Table Ronde de janvier 1960 à Bruxelles, il relève : "Ce Congo, nous vous le rendons avec une administration constituée, des grandes villes, des chemins de fer, des routes, des aérodromes, des hôpitaux, des écoles, une élite intellectuelle, une monnaie, des industries, une agriculture considérablement développée, un niveau de vie et une activité économique que beaucoup de pays neufs vous envient".
Pour la Belgique donc, il n'y a aucun doute que son oeuvre au Congo a été grandiose et bénéfique, même s'il reste vrai que beaucoup reste à faire. Inachevé non seulement par rapport à la construction du Congo pour le bien des Congolais – euphémisme ! car c’est sur le tard et sous une pression extérieure que le sort de l’indigène fut évoqué -- mais également et probablement surtout par rapport aux objectifs de mise en valeur du territoire congolais au profit de la métropole. C'est d'ailleurs dans l'appréciation de ce dernier aspect que prennent naissance nombre de récriminations formulées à l'égard de l'action du colonisateur belge tout comme dans celle de la manière, des méthodes utilisées pour exploiter les richesses de la colonie.
Pour les leaders politiques congolais de l'époque des années 50, les meurtrissures de l'exploitation inhumaine et éhontée étaient encore si vives que l'indépendance en ce début de l’année 1960 n'était plus question sujette à discussion. Et P.E. Lumumba, enflammé, de marteler le 30 juin 1960 : "Congolais, Congolaises. Je vous demande de faire de ce 30 juin une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l'histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté.Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes car ce fut une lette noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force". "Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient pas de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers…Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres". "Qui oubliera qu'à un Noir on disait "tu", non certes comme à un ami, mais parce que le "vous" honorable était réservé aux seuls Blancs ?". "La loi n'était jamais la même selon qu'il s'agissait d'un Blanc ou d'un Noir. Accommodante pour les uns, inhumaine pour les autres. Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses : exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même".
Déjà l'agressivité des propos tenus par Joseph Kasavubu à la Table ronde, ne manqua pas de surprendre le monde. Son intransigeance, peut-être fondée sur la stratégie circonstanciée de positionnement pour le leadership, contraste avec son tempérament quand il déclare par exemple : "Messieurs, nous ne sommes pas venus à Bruxelles pour discuter de l'indépendance, mais pour la passation des pouvoirs".
La Belgique octroie en fait une indépendance piégée, "une indépendance purement fictive et nominale". Ainsi donc, à son accession à l'indépendance, le Congo n'a pas de capacités humaines pour esquisser les grandes lignes de son propre "combat", celui de son développement.
Devenu Premier Ministre, P.E. Lumumba, accaparé par la bataille pour le « redressement du front » du Congolais longtemps courbé sous les humiliations subies quotidiennement et les coups de fouet impitoyables administrés sur la place du village par l'autorité coloniale, n'eut ni opportunité ni temps pour tracer la nouvelle voie, celle qui put permettre aux Congolais de travailler dans la dignité pour des salaires justes, de manger à leur faim, de se vêtir ou de se loger décemment et d'élever leurs enfants de manière correcte.
Pendant la période de la première République, l'économie est "totalement désorganisée". "La classe politique fit déjà de l'exercice du pouvoir le moyen le plus sûr et le plus rapide d'accumulation : elle suscita par exemple la création des provincettes (6 provinces en 1960; 21 en 1965) qui flattaient le particularisme ethnique des populations mais où la corruption, le népotisme, le détournement des biens publics furent érigés en système de gouvernement. Déchiré par la guerre civile, l'État était au bord de l'effondrement", analyse Elikya Mbokolo.
C'est l'époque des « rivalités et des conflits les plus sordides entre politiciens libéraux, socialistes et démocrates-chrétiens, entre syndicalistes ou encore radicaux et modérés, régionalistes et nationalistes, fédéralistes et unitaristes », l'époque des « associations ethniques et tribales à vocation culturelle où se faisait la jonction entre l'élite et le peuple », tandis que l'élite, était regroupée en « associations d'anciens élèves placées sous le contrôle et le patronage des missionnaires », creusets où se façonnaient les futurs dirigeants à l'image des "modèles coloniaux".
Le destin du Congo s’en trouvera perpétuellement comme dévoyé…Ainsi, comme en fin de novembre 1965, 32 ans plus tard, au lendemain de la prise du pouvoir par L.D. Kabila le 17 mai 1997, c'est le même "soulagement" chez la même population… suivi par une profonde désillusion !Il faut savoir lire et chercher à rencontrer les attentes de la population. En tout cas, à ses débuts dans la magistrature suprême J.D. Mobutu et son gouvernement semblent remplir cette condition, du moins au niveau des intentions déclarées dont malheureusement la deuxième République s'est inexorablement éloignée au fur et à mesure de l'enlisement des gouvernants dans la poursuite de la satisfaction des ambitions personnelles au mépris du destin national. En décembre 1965, les déclarations du Président Mobutu à des journalistes sont d’une candeur et d’une noblesse saisissantes, plus particulièrement le discours-programme prononcé au stade de Léopoldville le 12 décembre 1965.
Seulement ce programme ne fut plus intériorisé à proprement parler pour pouvoir être traduit en action dans une approche globale et intégrée de gestion gouvernementale. C'est que la volonté clamée de mettre à profit la période 1966-1968 pour créer des « organismes provinciaux et centraux de planification » qui assurent l'exécution du premier plan quinquennal du Congo ne fut point concrétisée, tout comme ne fut pas élaboré ledit plan de développement même.
L'explication est peut-être à trouver dans le manque criant d'une élite intellectuelle congolaise capable de gouverner cet immense et riche pays qu'est le Congo. C'est que les dirigeants n'ont pas su remplacer ces milliers de Belges pris "parmi les meilleurs fils du royaume" - selon l'expression du roi Baudouin - qui avaient su donner le maximum pour bâtir "un pays certes nanti d'une organisation administrative, économique, industrielle, agricole, sociale, remarquable et performante" mais "dépourvu de cadres administratifs, privé d'ingénieurs et de techniciens, sans officiers supérieurs, le pays ne possédant ni les instruments, ni les aptitudes indispensables pour gouverner...".
Le plus grand piège caché ou l'enfermement précoce, c’est le ver destructeur qui est dans le fruit. Les « libérations » du peuple congolais se succèderont sans un succès définitif tant qu’elles renfermeront en elles-mêmes le germe autodestructeur.La classe politique congolaise a le plus souvent manifesté un "patriotisme à fleur de peau" au point de vouloir par exemple rompre brutalement et bruyamment avec l'assistance technique belge. Il est par exemple fait un procès de la responsabilité de l’échec de Mobutu à B. Bisengimanaqui, lors d'une conférence académique tenue à la salle des promotions de l'Université Lovanium à Kinshasa, avait déclaré : "Le Zaïre n'a pas besoin de plan de développement, parce qu'il est trop riche".Comment Mobutu pouvait-il dès lors rencontrer ses propres promesses, lui qui, dans son discours-programme du 12 décembre 1965, épinglait une classe politique soucieuse exclusivement de "ce que l'exercice du pouvoir pouvait leur (=politiciens) apporter", de"se remplir les poches, exploiter le Congo et les Congolais...", stigmatisait certaines catégories de la population dont l’État en tête qui "gagnent beaucoup plus qu'elles ne produisent", et annonçait plusieurs mesures exceptionnelles telles que la suspension de la politique des partis, la lutte contre la corruption et l'assainissement de la gestion des finances publiques avant d'énoncer les objectifs et perspectives de développement par l'industrialisation, laquelle passait par la construction du barrage d'Inga et l’établissement d'une industrie sidérurgique et d'une industrie chimique ?
Lui, J. Mobutu, qui pourtant souligna avec force la nécessité d'élaborer dès 1966 un plan de développement intégrant l'ensemble de ces objectifs immédiats et futurs, expressément quantifiés, en faisant passer la production agricole et minière en cinq ans soit à l'an 1970 : de 50.000 tonnes à 120.000 tonnes pour le maïs, de 20.000 tonnes à 100.000 tonnes pour le riz, de 900.000 tonnes à 1.300.000 tonnes pour le manioc, de 15.000 tonnes à 60.000 tonnes pour le coton-graine, de 85.000 tonnes à 170.000 pour l'huile de palme et de 285.000 tonnes à 325.000 tonnes de cuivre, ainsi que pour la production industrielle de 30.000 à 60.000 tonnes de sucre, de 57 à 70 millions de m² de tissus et 3,6 à 6 millions de paires de chaussures ?
Mieux, J. Mobutu esquissa en même temps un schéma d’aménagement du territoire en définissant les efforts de reconstruction spécifiques des provinces. Il reconnaît même à ce sujet ne vouloir pas abandonner le projet du gouvernement Tshombé quand il indique : "je reprendrai l'idée de constituer trois grandes régions économiques : celle de l'ouest du Congo, avec comme centre Léopoldville, celle du sud du Congo, avec comme centre Élisabethville, celle de l'est du Congo, avec comme centre Stanleyville". Et pour couronner le tout il fixa un rendez-vous d'évaluation au terme de l'an 1970 : "je suis sûr que vous constaterez que le Congo d’aujourd’hui avec sa misère, sa faim et ses malheurs, se sera transformé en un pays riche et prospère où il fera bon vivre et que le monde nous enviera". Cette évaluation sera effectivement conduite et conclue.
La détermination du président Mobutu était forte. Déjà, trente-sept jours après la prise de pouvoir, il dressait son premier bilan sur "le grand malade qu'est le Congo", au vu des résultats des mesures d'assainissement prises. Il terminait ce bilan par une exhortation au travail : "Je vous l'ai dit et je le répète, écrit-il dans son message de Nouvel-An 1966, l'année 1966 sera dure. Mais grâce à notre travail à nous tous, une lueur d'espoir ne tardera pas à poindre dans notre pays qui n'a déjà que trop souffert. Bon courage, mes frères, bonne année dans le travail et, tous ensemble en route pour la prospérité du pays".
Dans son diagnostic du 12 décembre 1965, Mobutu n'avait-il pas expliqué l'échec national d'alors par le fait que dans "ce pays potentiellement riche et prospère, on ne travaille plus... on ne produit plus »! Malheureusement la relative abondance économique du début, des années 70 eut pour effet d’émousser la hargne au travail du numéro un congolais lui-même. Sans plan, donc sans repère crédible pour une évaluation objective, l’homme d’État congolais crut sa tâche déjà entamée et peut-être sa mission accomplie ou en voie de l’être, et que l’heure avait sonné d’en cueillir les fruits pour sa propre satisfaction. Il venait sans doute d’être gagné par la même maladie qu’il dénonça cinq ans plus tôt.
Plus tard, le Président Mobutu qui eut cette réaction prophétique : "La compétence des dirigeants politiques dans les années à venir, se mesurera par leur capacité à nourrir leur peuple", ne comprit pas que l’enthousiasme populaire qui salue les révolutions libératrices au moment de leur victoire est une « denrée périssable », elle flétrit vite.
La Lettre ouverte au citoyen Président Mobutu Sese Seko, président-fondateur du MPR, président de la République" du 1er novembre 1980, oeuvre du fameux groupe des "Treize" parlementaires »,
déclencha une interpellation très forte tant par le ton franchement irrévérencieux que par son contenu : "Le mal zaïrois" c'est vous! y lit-on, ou encore : "Pour terminer, laissez-nous vous dire qu'elle est illusoire et auto-damnation l'immortalité que vous voulez vous créer à tout prix et de force, en confisquant les pouvoirs, en entourant votre personne d'une auréole divine. "Mais la pire conséquence de votre régime éteignoir de la démocratie c'est qu'après vous, le pays risque de connaître un chaos politique et social plus grand encore que celui auquel votre avènement prétend avoir mis fin". Que ce fut prophétique !
Le président Mobutu semble avoir manqué complètement de ressort pour pouvoir bondir et reprendre son ardeur indéniable du lendemain du 24 novembre 1965 ! C'est que la machine s'était en réalité emballée dès l'étape initiale 1966-1968 faute de plan de développement, les grandes réalisations positives à l'actif du quinquennat 1965-1970 étant à verser sur le compte de l'énorme sursaut d’orgueil du départ, et toutes difficultés majeures rencontrées dans une navigation à vue déroutent quand elles ne bloquent tout simplement pas la marche.
N'est-ce pas cette carence quasi-chronique de projet global sur le destin national qui fait E. Tshisekedi, alors en relégation à son village au Kasaï depuis six mois et transféré manu militari à Lubumbashi pour cette entrevue, faire remarquer au président L.D. Kabila dissertant sur l'urgence de la reconstruction du pays : "C'est une fausse perception du fond du problème que de parler de la "reconstruction" d'un pays qui n'a jamais connu un début de construction ? Car, depuis 1960 jusqu'à ce jour, une minorité de nos compatriotes opportunistes et aventuriers a, par les armes, étouffé dans l'œuf les conditions de construction mises en place par le peuple".
En l'absence de forces sociales internes résolument tournées vers la réconciliation, le pays dont les turpitudes des dirigeants avaient fini par obérer inexorablement le fonctionnement des institutions a, au contraire, sombré dans un coma profond. À la suite d'une mauvaise gestion politique, le pays ne disposait plus de ressources morales internes capables de briser le cercle vicieux du chaos économique et social dans lequel la longue transition politique des années 90 est venue l'enfermer.
Au contraire, la situation de crise à la fois structurelle et conjoncturelle a été exacerbée par l'engrenage des multiples ratés de la Conférence Nationale Souveraine, avec ses surenchères politiciennes qui sont venues s'ajouter à la lassitude provoquée par les programmes d'ajustement structurel successifs mis en oeuvre quasiment à contrecœur, sans conviction et surtout sans détermination par le Gouvernement de la République dans les années 80.
L'espoir né de la fin du régime Mobutu avec l'avènement de L.D. Kabila à la tête du Congo-Zaïre le 17 mai 1997 s'est rapidement estompé, l'illusion suscitée dans les nouveaux dirigeants et le peuple par l'euphorie de la "libération" a fait long feu : ayant cru à tort que "le monde commence avec l'arrivée au pouvoir d'un homme ou d'un parti politique" alors "qu'il cheminait depuis longtemps" (Winston Churchill), et oubliant la sagesse que "Labore omnia mutantur", le peuple comme ses dirigeants n'ont pas cherché à comprendre avant tout dans quelle nouvelle voie s'engager afin de se construire un avenir meilleur.
Comme au lendemain du 30 juin 1960 ou du 24 novembre 1965, ils se sont contentés de chanter de nouveaux hymnes, du genre "Indépendance cha-cha" recomposés au goût du jour, à celui de la "Libération", et à danser, cette fois à profusion de rythmes et mélodies endiablés avec une rare intensité de passions, à la gloire du "libérateur" qui, pourtant, n’en avait pas besoin. Le diable ou l'incarnation de l'obscurité parti, le peuple n'avait qu'à ouvrir les yeux pour recevoir en abondance la lumière des libérateurs dont il ne semblait intéressé de découvrir ni le rêve ni l'action en rapport avec le devenir national. Pour avoir cru que la volonté d'un homme pouvait égaler celle de Dieu, le peuple congolais n'a pas attendu plus de 24 mois d'exercice du nouveau pouvoir pour crier à la désillusion, et conclure que "l'ombre l'a emporté sur la lumière".
Venu trop tôt, P.E. Lumumba, nationaliste idéaliste, a été sacrifié sur l’autel de l’impitoyable antagonisme Est-Ouest et des luttes pour la décolonisation de l’Afrique sur fond des intérêts économiques inavoués.
J.D. Mobutu, « élu » par l’Occident hégémonique, n’eut point beaucoup de peine pour effacer Joseph Kasa-Vubu,un nationaliste candide mais guère suffisamment visionnaire. Intelligent mais malin, Mobutusut instrumentaliser son nationalisme fort mais accommodant pour se maintenir au pouvoir, au prix de moult compromis voire compromissions avec les maîtres du monde, rapport des forces oblige. Il perdra la bataille finale, pris dans son propre piège, celui du « pouvoir à tout prix et pour le pouvoir » : le peuple souverain ne trouva plus son compte dans le brouillamini du régime mobutiste.
L.D. Kabila, nationaliste sourcilleux, doué d’une prodigieuse intelligence, arrive au pouvoir chargé d’une très lourde expérience de lutte pour la libération du peuple du joug néocolonial. Mais il trouve un pays ruiné et un peuple à bout de patience au terme d’une longue transition politique. Kabila, n’ayant pas les moyens de sa politique, est obligé de réviser les contours et le contenu de son nationalisme sous peine d’être emporté par la hargne des antagonismes multiples d’un monde plutôt hostile et changeant dans un mouvement de mutation rapide : le Congo ne peut plus subsister s’il ignore que la planète Terre n’est qu’un village. Le front L.D. Kabila constituait à tous égards l’ultime chance du Congo-Zaïre au crépuscule du XXe siècle, mais son combat sera arrêté brutalement et précocement. L'enthousiasme populaire et l'espoir de construction d'un développement plus grand suscité par l'élan de "conversion et de renouvellement du cœur et de l'esprit des fils et filles du Zaïre" ont fini par être balayés par un vent de la désillusion : la "médiocratie" avait gagné en profondeur comme en surface dans la société.
III. Alors vivement un nouveau sursaut patriotique…! Par des hommes nouveaux ou renouvelés, avec des idées nouvelles ou améliorées, et moyennant des efforts renforcés et canalisés dans une organisation nouvelle adaptée qui garantit la liberté d'action mais où chacun sent l'oeil du maître, c'est-à-dire de l'autorité garante de l'ordre général et de l'intérêt commun, pointé sur lui dans sa partition, le Congo-Zaïre est capable de bâtir sa prospérité, sa puissance et sa grandeur sur des bases solides de justice, d'égalité, d'amour et d'équité.
En gardant la tête, c’est-à-dire le chef, hors de « corruption » de la déification, le peuple congolais pourra se relever et se placer sur la rampe du développement avec le statut de puissance régionale, comme un État moderne qui compte parmi les acteurs de l’ère de la globalisation. Tout intellectuel engagé a l'obligation exaltante de contribuer au débat national sur la formation de ce qui a cruellement manqué au peuple du Congo-Zaïre : un schéma de développement qui traduise le rêve national et suivant lequel se dessinent les visions globales des compatriotes qui se sentent une certaine vocation dans la conduite de l’État. C'est à ce prix qu'il est possible d'emporter l'adhésion des masses laborieuses comme des élites qui se seront reconnues dans les projets de société proposés et qui se mobiliseront dès lors dans une sorte de croisade d’ensemble pour la construction d'un avenir national meilleur. Tous et chacun, nous apporterons la bonne pierre à l'édification d'un État-nation, d'une économie et d'une société dignes des hommes au cœur de l'Afrique. En commençant par dire et ensuite agir, dans l’amour, la vérité et la justice. Tel est notre credo ! Tel est notre rêve!
Réarmer moralement les élites résignées ou révoltées…"Le professeur congolais a perdu tous ses droits fondamentaux, il ne lui reste plus qu’un seul : le droit à la mort". C'est à peu près en ces termes que Pr. Mabialas’exprimait le 14 janvier 1998 pour traduire à la fois la douleur et la révolte qui étreignent la communauté universitaire UNIKIN à l'une des occasions à répétition du poignant rituel des séances académiques en l’honneur des professeurs décédés (Pr. Sébastien Boguo Makeli). Mais les sentiments de révolte et de résignation à la fois prédominent : les uns rappellent l'humiliante journée fatidique où les professeurs faisaient la queue à des guichets d'une banque commerciale au centre ville pour y percevoir, au bout d’un lot de bousculades et d'interminables heures d'attente, leurs maigres salaires : à peine suffisants pour couvrir les besoins hebdomadaires vitaux d'un ménage modeste de la capitale congolaise ; les autres, philosophes, sans avouer chercher à expliquer ni justifier le geste de désespoir de leur collègue qui, écumant de rage et de dépit la veille, dissimulant à peine son angoisse voire son désarroi au volant d’une voiture dont les pneumatiques étaient totalement émoussés - « Kovo » - s'est envoyé ad patres, s'empoignent dans les envolées oratoires qui cachent mal leur propre désarroi.Et dire que nombre de témoins de l’événement se comptent parmi ceux qui, encore étudiants dans les années 1960-70 à la même université Lovanium devenue Campus de Kinshasa de l'UNAZA, au lendemain des mesures politiques de "nationalisation" qui sonnèrent le glas de la coquetterie d'antan, vécurent le temps des vaches grasses : des conditions de vie et d'études fort enviables et auxquelles, ô comble d’ironie! devenus hauts cadres dans le pays, ils ne peuvent plus accéder aujourd'hui. Qui se souvient encore des bourses d'études payées régulièrement, des résidences entretenues avec soins, des restaurants offrant généreusement un service varié et de qualité, de la blanchisserie du linge pour étudiants, des auditoires aérés, éclairés et bien entretenus ? Tout cela n'est plus que vieux souvenir et encore dans la seule tête des générations 40-50.
Et voilà que - sublime paradoxe ! - cette même élite intellectuelle, vers laquelle le Congolais tourne son regard anxieux dans l’attente d'un sursaut de dernier espoir pour infléchir la descente de toute une nation aux enfers, elle en est réduite à se résigner ! Qui réarmera ce peuple congolais pour l'engager dans la croisade pour le développement ? Le Congo sinon le peuple congolais est menacé de disparition. L'élite doit prendre les "armes" pour libérer le peuple du joug de la pauvreté. S'il le faut, l'élite doit "coloniser" son peuple afin de réinventer le Congo.
Le message que reflètent les drames sociaux vécus en milieux universitaires congolais est très corrosif à l’égard du système national de gestion. Il risque de « tuer » toute perspective de renaissance nationale. La société est tombée plus bas que terre. Qui peut se retenir à la nouvelle de la mort de cet autre formateur de l’Institut Supérieur de Commerce, Gabriel Kyabutua, qui succomba vers mi-1999 à une longue maladie dans des circonstances singulièrement mélodramatiques : l’infortuné fut surpris par la mort aux lieux d’aisances ; succombant à une chute accidentelle qui le fit s’enfoncer sans secours, dans une fosse septique de fortune, signe de la désintégration du tissu social. Comment ne pas s'inquiéter quand la gangrène affecte si dangereusement ce qu'une Nation, un Pays, un État, compte de plus précieux : le capital humain dans sa fibre la plus noble ! Cette maladie touche plus particulièrement l'élite congolaise, qu'il est admis de considérer pourtant comme l'acquis positif le plus marquant depuis l'indépendance. Plus grave encore, gagnée elle-même par l'humiliation dans son état de dénuement total et vaincue par la peur d'un pouvoir oppresseur, l'élite assiste impuissante à la mort de sa société et l’y accompagne même sans broncher. L’humiliation et la peur ne tuent-elles pas l'humanité plus sûrement que la famine ou la maladie ?
Que les préoccupations quotidiennes du citoyen prennent le dessus sur les intérêts maquillés des leaders politiques sans rêve, et l’élite s’affranchira pour lutter contre la tyrannie de toutes formes. Il est impérieux d’apprendre à vaincre la peur.Le défi premier de l'élite congolaise se situe à ce niveau : prendre conscience de la ruine nationale, refuser de perpétuer l'état de non-pays et de non-État dans lequel nous nous trouvons, dénoncer courageusement tout comportement qui confine à l’institutionnalisation de la médiocrité, qu'il soit le fait des pouvoirs publics à tous les niveaux comme celui des particuliers dont notamment des élites nationales, et ramener voire contraindre tout le monde dans la voie de la raison, de l’État de droit. Agir autrement serait perpétrer la complicité du silence et condamner le Congo-Zaïre-Congo à l'état embryonnaire d'association internationale.
Sans indépendance d’esprit, les talents s’étiolent. Le Congo-Zaïre-Congo en a énormément gaspillé, en soixante-deux ans, de la multitude de riches talents dont regorgent ses fils et filles. Mais il importe d’éviter de remplacer la peur par la témérité à la limite de l’effronterie pédantesque qui tend à faire croire que le monde commence avec soi-même, à rejeter en bloc tout de go la chose des pouvoirs publics comme on le ferait pour le bébé avec l’eau du bain tout simplement parce que l’ordre politique ou social en place ne serait pas de son propre goût. Alors seulement il sera possible de forger durablement un bon système de gouvernement …
Un « bon gouvernement » est plus « affaire des hommes que des institutions politiques et suppose justement de bonnes mœurs publiques, des hommes et des femmes capables et actifs qui mettent leur esprit et leur activité au service de la prospérité commune », analysait le belge J. Adriaenssens, en 1956.
« Dans un pays où tous ceux qui détiennent le pouvoir sont d’accord pour en profiter, où les fonctionnaires disposent avec désinvolture des fonds publics mis à leur disposition, il est IMPOSSIBLE d’avoir un bon gouvernement. Si ces abus sont entrés dans les mœurs, s’ils sont généralement admis, le Chef de l’État le plus génial et le plus énergique n’y pourra rien changer ».
« Quand toute la population sait que les hommes politiques vendent des faveurs, et que personne ne s’en effarouche, que l’on trouve normal que celui qui a l’occasion de s’enrichir ne la laisse pas passer, que nul ne s’émeut, lorsque la loi est violée au détriment d’autrui, que l’opinion publique ne se cabre pas, dans ces conditions les meilleures lois deviennent mauvaises ou inefficaces. Car il n’y a pas de dispositions légales qui tiennent contre les mœurs. Quand les dirigeants manquent d’intégrité et de probité, on ne peut remédier à aucun des maux dont souffre le pays qu’en ôtant la corruption. Tout autre remède est, ou inutile, ou un nouveau mal ! ».
Et l’analyste d’ajouter : « Un monarque de génie, un dictateur, peut, à lui seul, pendant quelque temps, accomplir de grandes réformes, mais un bon gouvernement n’est durable et les réformes ne portent leurs fruits, que si une élite s’applique à les faire passer dans la pratique ». C’est l’ensemble des élites du pays (élites religieuses et morales, intellectuelles et scientifiques, artistiques, techniques) « qui font le pays, sa prospérité, sa grandeur. »
C’est pour faire sauter la chape de plomb d’ordre, croyons-nous, essentiellement psychologique qui étreint les élites du pays dans une sorte de torpeur inhibitrice de la nécessaire volonté nationale de construction d’une société nouvelle, de grandeur et de prospérité, que nous lançons le présent appel visant à mettre en place dans l’immédiat une charte de la gouvernance démocratique et un programme de gouvernement consensuel pour le développement durable de la RD Congo. Car ce qui est en cause, c’est le système voire l’absence de bon gouvernement ou de gouvernement tout court dans la mesure où « tout bon gouvernement suppose l’existence d’une élite intègre, active, dévouée au bien public, et capable de guider avec compétence un peuple probe, honnête et travailleur » dans la culture des valeurs idéologiques reconnues et partagées dans tous les domaines de la vie nationale, notamment morale, politique, économique, sociale, etc. Il est urgent et impérieux de fédérer et mobiliser les « meilleures intelligences et forces nouvelles » dont regorge la RD Congo, avant qu’elles ne soient toutes phagocytées par « la force du mal de société », pour une prise de conscience collective de nos responsabilités dans ce qui doit être la croisade nationale pour le relèvement de la RD Congo. À l’occasion des consultations citoyennes, il sera donné aux forces vives de s’identifier ou de se reconnaître, en vue d’une confrontation constructive et bénéfique à la nation congolaise, dans l’un ou l’autre des deux principaux courants politiques ou idéologiques congolais, modérés et progressistes !
Dans cet exercice, les réussites du passé méritent d'être épinglées en guise de repères pour la bonne action des générations présentes et futures, tout comme les erreurs et fautes ayant conduit aux échecs doivent être stigmatisées en même temps que sont mises en exergue les contre-performances elles-mêmes afin de forger la sagesse et la connaissance de la postérité.
Déjà dans le peloton de tête des pays africains en 1960, le Congo avait, de par son immense potentiel naturel, un destin africain : devenir "un des trois ou quatre lions économiques africains" et ainsi jouer réellement, selon l'image de style de Frantz Fanon, le rôle moteur "d'arme des transformations en Afrique". Mais faute d'une organisation politique, économique et scientifique conséquente, et surtout manquant un rêve national mobilisateur, notre Pays, s’interrogeait l’illustre analyste Kankwenda, Mbaya"n'a-t-il pas perdu plus qu'une décennie face à sa destinée de grand lion africain ?".Plus de six décennies à ce jour ?
Le champ de bataille est terriblement miné par au moins dix tares ou groupes de tares :
§ La première tare... « capitale » : « au pouvoir par hasard ».Jean d'Ormesson parlant de François Mitterrand, dresse un portrait point amène de l'homme d'Etat français : "Il n'avait pas de grand projet. Peut-être même pas de conviction... Il avait le génie de la politique au jour le jour. Il n'avait pas le sens de l'Histoire. Il s'en accommodait à merveille. Il ne la faisait pas. Ou, alors, à son bénéfice".Que dire du dirigeant Congolais ? Les termes ci-dessus n'en donneraient qu'un portrait édulcoré ! Comment s'étonner dès lors qu'un tel dirigeant, arrivé au sommet de l’État comme par enchantement, ignore ses échecs, lui qui n'a pratiquement jamais formé de projet pour sa nation ? Valery Giscard d’Estaing écrit par exemple : « aucune société ne peut vivre sans un idéal qui ne l’inspire ni une connaissance claire des principes qui guident son organisation ». L'oeil rivé au baromètre de son pouvoir, le chef congolais, lui, se croit menacé par tous et de partout. Il ne croit pas pouvoir sauver son fauteuil si convoité au moyen de la seule réussite sociale et économique nationale à l’actif de son règne ! Tous les moyens sont dès lors bons et permis pour conserver le pouvoir, y compris la corruption. Il est ainsi devenu monnaie courante d'entendre, - ô comble d'ironie ! -, les médias publics chanter la magnanimité du chef de l’État qui distribue aide sociale ou humanitaire à des familles éplorées à la suite de catastrophes naturelles ou autres évènements douloureux, comme pour suppléer à l'incapacité de son gouvernement.
Dans ce qui tiendrait lieu de Mémoires de Mobutu SS, l’on noterait son "rêve de fin de règne" ou "testament de Mobutu S.S.", lui qui, parlant de ses réussites et de ses échecs, et sentant sa fin venir au galop mais feignant de briller d'un espoir de rebondissement politique après sa longue « hibernation » au lendemain du 24 avril 1990, confia à Sennen Andriamirado : "Depuis trois ans, j'ai beaucoup appris sur les hommes. C'est terrible. C'est pire qu'une simple aventure. Ai-je été trahi par mes collaborateurs ? Les mots me manquent. Je n'arrive pas à croire que les mots que j'entends depuis trois ans sortent de la bouche de ceux qui étaient avec moi. Je fais même parfois le sourd pour ne pas y croire. "Ai-je été trompé ? J'ai un défaut, en tout cas : je fais une confiance totale à mes collaborateurs, je n'ai pas de réserve. Mais, à la lumière de ce que j'ai appris depuis trois ans, c'est-à-dire depuis mon message à la nation le 24 avril 1990, et si Dieu me prête vie, j'essaierai d'être plus vigilant dans le choix de mes collaborateurs". Il poursuit: "je suis fier d'avoir bâti une nation, d'avoir donné une identité à mon pays.Nous avons 254 ethnies au Zaïre qui parlent plus de 400 dialectes. "Mais je me reproche, aujourd'hui, la lenteur dans le domaine de la démocratisation, à cause de l'immixtion des étrangers dans nos affaires, à cause du fait que ceux qui se disent opposants ont peur des élections, alors que partout ailleurs ce sont les opposants qui réclament l'organisation rapide d'élections libres et transparentes. "J'ai échoué sur un point capital : nous n'avons pas construit suffisamment de routes, ce qui a retardé le développement agricole ». Il n'y aura pas de République Fédérale du Kongo, il y aura le Zaïre avec beaucoup plus d'autonomie pour les régions. Le Zaïre gardera le même drapeau, le même hymne national. "Moi, je me consacrerai à la politique extérieure, à la défense, à la sécurité. Le gouvernement aura le contrôle de l'économie et des finances. "Ma seule et unique ambition, tout compte fait, c'est que le Zaïre devienne autre chose que ce qu'il est maintenant.Je ne veux plus que mon pays soit la risée du monde. Je veux qu'il remonte petit à petit la pente et mérite la place qui lui convient"
Comment convaincre le peuple à adhérer au programme dont l'on ignore soi-même jusqu'à la perspective de matérialisation ? Le manifeste de la N'Sele demeurera très peu connu du Congolais, hormis à travers les rares références que le pouvoir invoquera de temps à temps pour justifier nombre de ses décisions d'éclat traduisant une sorte de complexe ou d'esprit de mégalomanie. Révolution-comparaison, perpétuelle référence à l'ancienne métropole coloniale, quête inlassable et même naïve d'une identité nationale dans le rejet des traces de l'action de l’État colonial belge, tels sont quelques-uns des principaux traits caractéristiques du discours politique du dirigeant congolais. L'ignorance constitue un handicap majeur. Les hommes et femmes ne sont pas placés devant leurs responsabilités. Comme leur État, éternel assisté dans le concert des nations du monde, les populations se bornent à applaudir le chef de qui elles sont, de leur avis, en droit d'attendre tout pour leur vie. Elles ignorent tout du travail productif, encore davantage du travail dur.
L.-D. Kabilaarrive le 17 mai 1997 et emprunte le même chemin politique comme pour confirmer la règle : au pouvoir par hasard. Les deux premières années de l'exercice de son pouvoir s'achèvent sans que personne ne saisisse la trame de son action au sommet de l'État. La navigation à vue est renforcée : le gouvernement travaille sans budget, l'organisation politique transitoire est totalement floue, inspirée par le système ougandais de "no-party democracy" tantôt par celui libyen; ce qui est présenté comme programme de reconstruction nationale est un enchevêtrement de projets ou actions ne laissant transparaître aucun schéma clair de mise en valeur de l'immense territoire national hormis peut-être dans son volet de mesures prioritaires ayant la portée de programme-déclic.
Même si le discours officiel présente par à-coups diverses initiatives sectorielles telles que l'organisation politique en comités du pouvoir populaire qui cachent mal les relents du système de parti-État instauré sous la IIe République, l'instauration du Service National d'action civique, des journées civiques hebdomadaires, sorte de zombie du "Salongo" ou travaux collectifs Mobutu, ou encore le système de planteurs-cantonniers conçu mais jamais mis en chantier, comme autant d'idées novatrices de L.-D. Kabila, fruit de ses cogitations passées de plus de trente ans de vie dans le maquis, aucun énoncé élaboré n'est venu balayer les doutes persistants quant à l'existence d'une vision globale du tombeur de Mobutu pour le destin du Congo-Zaïre. À la décharge de L.D. Kabila, l’environnement délétère lié à l’accouchement dystocique du régime du 17 mai 1997 n’aura pas donné au chef de l’État la voie pour exprimer sa vraie pensée.
Avec un peuple sans conscience politique, les dirigeants pourront continuer à se succéder sans rêve clair et travailler sans schéma réfléchi. Moyennant le pain et les jeux, comme au beau vieux temps de la Rome antique, la chose politique pourra courir au Congo-Zaïre-Congo, à la guise de tels dirigeants.
§ La deuxième tare est celle du « pouvoir et argent » ou le couple infernal. Un sévère avertissement au Peuple qui réclame la démocratie : l'histoire nous enseigne que les pays qui passent d'un régime autoritaire à un régime démocratique sont instables et portés au conflit, surtout si leur économie ne marque aucun progrès. Le pouvoir et l'argent constituent l'objet de lutte permanente des prétendants. Béchir Ben Yahmed écrivait à ce sujet : "Dans les pays et les continents développés, l'argent donne le pouvoir, permet d'y accéder ou, à tout le moins, en facilite l'accès. Sur le continent africain, et plus particulièrement en Afrique noire, c'est l'inverse qui est vrai : une fois que vous l'avez conquis, le pouvoir politique vous donne les clefs du coffre ; tout d'un coup, vous avez à votre disposition de l'argent et, parfois, beaucoup d'argent. C'est pourquoi, en Afrique noire, on tue et on se fait tuer pour accéder à la tête de l’État ou pour y rester ; pourquoi on tue pour en chasser l'autre..." À chaque fois qu'un nouveau « messie » prend le pouvoir, généralement par la force, au prétexte de vouloir "sauver la démocratie" et apporter le bonheur au peuple, celui-ci jubile et naïvement applaudit à la gloire de son "libérateur". Mais passé le premier moment d'enthousiasme, bien souvent c'est la déception. Comme les choses ne sont pas tellement mieux, l'opinion commence à penser qu'elles n'allaient pas tellement plus mal du temps que l'ancien était au pouvoir.
Attention, cependant ! L'opinion doit se garder par ailleurs de considérer les "riches" comme des criminels par "essence". "Vous ne pouvez pas créer la prospérité en décourageant l'épargne... Vous ne pouvez pas aider le salarié en anéantissant l'employeur... Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche." (A.Lincoln)
§ La troisième tare, corolaire de la précédente : la politique du ventre. Il est reconnu que la prédation-destruction de l'État par ses représentants, s'accompagne de la "struggle for life" à tous les niveaux : la "débrouillardise" ou "article 15" comme règle de conduite pour la survie. "Parce que personne n'est sécurisé et que tout le monde sait que les ressources sont rares, on en vient à penser qu'il est préférable d'accumuler tout ce que l'on peut et aussi rapidement que l'on peut. La tendance inévitable est alors d'extraire tout ce qui est possible de ceux qui se trouvent dans les positions inférieures de la hiérarchie (...). Le résultat est une dialectique de l'oppression accompagnée d'une insécurité et d'une rareté qui interagissent pour créer encore plus d'oppression et peut-être finalement de nouvelles sources d'instabilités, analyseJC Willame, qui commente : C'est pourquoi, l'État d'aujourd'hui est perçu comme un État hyper sorcier, non pas tant parce qu'il a échoué dans sa "mission de développement, mais parce qu'il est devenu le haut lieu de luttes entre pouvoirs occultes (riches contre riches, riches contre pauvres et même pauvres contre pauvres) sur lesquelles on n'a plus de prise". Le terrain est tout propice à la culture de la politique du ventre. L’enracinement de la tare ne manque pas de toucher au spirituel, tellement les gouvernants n’hésitent point à recourir à des dieux réputés protecteurs en tout genre.
§ Le quatrième groupe de tares : mimétisme, snobisme, improvisation, compétition négative et autres atavismes du "pouvoir par hasard". Faute de repères, le dirigeant congolais donne à la fois l'impression de chercher à réinventer la roue et de copier sans rationalité. D'abord l'esprit de "compétition négative"qui tend à devenir comme une fibre culturelle à la base du blocage de tout élan de progrès. Face à l’obstacle, au lieu de s'enquérir auprès du collègue de service ou du voisin de quartier dont l'action réussit pour chercher à faire comme lui, par exemple, le Congolais choisit de consulter le sorcier ou le féticheur du coin pour faire abattre la foudre sur l'oeuvre d'autrui et l'anéantir. Ce jeu d'égalisation par le bas est courant dans toutes les couches sociales de la communauté nationale. Et même au sommet de l'État, quand les collaborateurs croient devoir se venger d’un chef encombrant et hautain par exemple, ils n’hésitent pas à torpiller de manière insidieuse son action sur laquelle ils ne jurent dans leur for intérieur que par l'échec, et cela au mépris de l'intérêt communautaire dont ils seraient pourtant eux-mêmes bénéficiaires. Pourvu que l'échec du Chef haï soit consommé.
§ La cinquième tare : un "attentisme" institutionnel funeste et la civilisation de la cueillette, traits d’une culture « carriériste » de contemplation pour un bonheur sans cause. Un exemple frappant est donné dans la gestion du conflit belgo-congolais. L'Histoire révèle à quel point le dirigeant congolais, habitué à la navigation à vue, ressemble à ce personnage mythique réputé belliqueux ou belliciste qui, en pyromane, attise le feu de la guerre sans préparer des moyens de combattre l'incendie qui finit par consumer sa propre forteresse. À son avènement à la tête du Congo, Mobutu définit le Congo par opposition à la Belgique. Le fameux conflit belgo-congolais sera durant les trois décennies de son règne autant de fois enterré et autant déterré. Faute de raison - la raison est hellène ! - le Congo-Zaïre de Mobutu s'attachera à cueillir le fruit de l’arbre planté par le Congo belge au lieu de semer à son tour et à son goût pour récolter ce qu’il désire « manger ». Ses successeurs ne feront pas mieux.
Le fléau du gain facile a atteint toute la société : le travail productif a cessé de représenter une valeur traditionnelle et source de richesses. La débrouillardise institutionnalisée ouvre aux plus habiles et chanceux la porte de la magnanimité du "chef", seul véritable détenteur du pouvoir et donc de l'argent. Mais elle conduit aussi aux plus vilains tours de prestidigitation dont les victimes se recrutent parmi la masse des gagne-petit ou des laissés-pour-compte. La spectaculaire séduction de la "bindomanie", de l'opération "nguma" (boa, le reptile géant qui avale l'épargne des gagne-petit avant de vomir la fortune au bénéfice des placeurs superstitieux) ou de divers autres jeux de loterie-escroquerie pompeusement étiquetés "roues de la fortune", illustre à quel degré la quête de l'argent facile est devenue une règle de conduite. La naïveté du peuple clochardisé a la peau dure et à ce jour il n’a pas fini de se faire prendre. Les cours des successeurs de Mobutu n’ont pas évacué les rengaines anciennes, le peuple continue d’imputer sa misère toujours grandissante à la "perfidie" des grandes puissances occidentales, toujours elles, envieuses des richesses du Congo-Zaïre-Congo, qui ne souhaiteraient pas voir le pays décoller. C’est l’enfermement définitif dans le piège du bonheur sans cause, de la culture de la « ponction ».
§ La sixième plaie : une "histoire d'hommes forts" et le piège de la "déification" des dirigeants. Le chef ne cherche plus à s'appuyer sur la force et l'ingéniosité de son peuple pour bâtir le pays, l'engager dans la voie du progrès par le travail de tous, un travail dur. Au contraire, le chef, en "homme fort", se contente de décréter des objectifs de prospérité du pays.
§ La septième plaie, c’est le chapelet des erreurs stratégiques mortelles dont des grains égrenés dans la confession de BBR étrangement toujours d’actualité à ce jour. L’échec de l’action Mobutu est lié à la fois aux mesures économico-politiques tant décriées de la zaïrianisation et l’absence de détermination à relever les multiples défis.
§ La huitième plaie, celle d’une mégestion insolente et d’une corruption institutionnalisée : le manifeste du Hussard Solitaire consacre un traitement de choc (COVIDEC-60)!
§ La neuvième plaie : la culture de bonne gouvernance fait cruellement défaut. À cause de l'absence de perspectives, sinon absorbés par leur propre adulation et ayant perdu toute assise populaire, les dirigeants finissent par faillir à leur mission première. Néanmoins, « le mobutisme a accouché de la conscience nationale zaïroise, il aura été le distillateur du nationalisme, du patriotisme zaïrois dans toutes les couches de la population, le gardien chatouilleux et vigilant de la sauvegarde de l'unité territoriale. Des pressions exercées sur certaines régions, notamment le Kivu, au séparatisme sont demeurées sans écho. Ce mobutisme-là n'est pas à rejeter. Mais il faut extirper le mobutisme contraire de l'oeuvre d'espoir et d'ambition nationale, celui de la jouissance matérielle, de l'affairisme, de la corruption débridée des dirigeants et de la misère parallèle du peuple ».
§ La dixième tare : Chance jamais tentée. "La destinée n'est pas le fruit du hasard mais du choix. Ce n'est pas quelque chose que l'on attend, mais quelque chose que l'on construit ».Kangafu V-G.dressait comme pour suggérer à l'opinion de partager les responsabilités, un questionnement poignant.: "Le Zaïre de la 2ème République était une société très ouverte, à mobilité sociale extrême, où le roturier pouvait aussi allègrement se retrouver dirigeant d'une grosse entreprise d'Etat ou à la tête d'un important portefeuille ministériel ou encore se faire élire pour prétendre occuper la présidence du Palais de la Nation (Parlement), ou enfin réunir une fortune insolente... Le Zaïre de la 2ème République était le lieu de réconciliation et de refiliation historiques. Les Gbenye, les Soumialot ont pu prospérer paisiblement après tout ce que l'on sait... Bref, le Zaïre de la 2ème République ne fut point l'affaire d'oligarchie ni de caste. L'exercice du pouvoir a été largement et généreusement distribué jusqu'aux cercles les plus indignes de cette noblesse d'État. La 2ème république fut un régime de large participation et d'ouverture fondamentale, au point que les équipes gouvernementales avaient toujours été de composition d'union nationale, c'est-à-dire que, par la pratique de quota, toutes les composantes de la Nation étaient prises en compte et la géopolitique interne représentée...". Depuis, plus de place - ou peu - à la vertu et à la compétence ! De nouvelles valeurs aux contours flous les ont supplantées.
Cependant, le côté pervers de cette "béatitude" politique fut de conduire à sacrifier à l'efficacité et à l'efficience de l'action de l'État. C'est ce que le mémorandum de la Conférence Épiscopale du 9 mars 1990 appelle "miner l'autorité dans son principe, soit en confiant des responsabilités à ceux qui n'en sont pas capables ou à des citoyens malhonnêtes", qui, du reste, ne devaient répondre de leurs actes qu'au seul chef de l'État, le Président « Fondateur » - entendu dans la conscience servile de ces "élus" comme fondateur des institutions officielles et de leurs animateurs désignés -. Et l'on se surprend à entendre les dirigeants à tous les niveaux, y compris à celui de chef de l'État, se plaindre avec le peuple de ce qui ne va pas dans tel ou tel autre secteur de la vie nationale, et cela au prétexte que chacun doit assumer ses responsabilités, oubliant l'importance et la nécessité du contrôle par l'autorité hiérarchique et de la sanction. C'est à juste titre que les archevêques et évêques catholiques écrivaient en mars 1990 : "Dans un tel système, la critique publique des institutions faite par le chef de l'État et ses collaborateurs convainc difficilement, car elle donne l'air d'une démission du pouvoir ou, pour le moins, d'une confession dont on évite de tirer les conséquences. Par-là, le chef de l'État est placé dans une situation très inconfortable, car, constitué juge et partie, il ne peut sanctionner les fautes de ses subalternes qui se présentent comme ses conseillers ou de simples exécutants de ses ordres ».
B. B. Yahmed présente plus simplement "l'idée directrice" qui guide l'action du tombeur de Mobutu et ses collaborateurs placés aux rênes du pays, qu'il trouve presque tous "inexpérimentés", n'ayant pour eux que "leur bonne volonté" à savoir "réparer les dégâts vertigineux causés par leurs prédécesseurs, faire le contraire de ce qu'ils ont fait (ils n'ont laissé que des caisses vides, un pays sinistré et de mauvaises habitudes)".
Seulement, tout en voulant justifier de la sorte les tâtonnement, les erreurs ou les insuffisances du nouveau pouvoir, l'on court le risque certain de pousser l'opinion à s'accommoder à du déjà vu et à du déjà entendu en Afrique : "arrivé au pouvoir comme par hasard, pourquoi pas, je réclame mon droit à un sursis, le temps d'apprendre pour pouvoir faire mieux que mon prédécesseur",dirait tout nouveau dirigeant ; bref à chacun son jeu d'essais-erreurs, le peuple souverain attendra l'essai gagnant avant de trouver son compte ! À la fin de l'an II du régime, le peuple Congolais n'avait toujours pas eu écho d'un tel projet ! Face à l’attentisme persistant, l'opinion politique semble très tranchante voire définitive, telle cette déclaration du Parti Lumumbiste Unifié, qui crucifie le Gouvernement Kabila en ces termes : "... A ce jour - avril 1999 soit au terme de près de deux ans de l'exercice du pouvoir - notre Peuple est en droit de vous - gouvernement Kabila - demander là où vous l'avez conduit et la situation dans laquelle vous avez plongé le pays. Qu'avez-vous fait de l'unité du pays et de sa souveraineté ? Où en sont l'économie et la situation sociale du peuple congolais ? Quelavenir préparez-vous à ce Peuple et à ce Pays ? Quelles sont les ressources dont vous disposez pour cela ? Devant le constat unanime de la passe catastrophique dans laquelle vous avez engagé la Nation Congolaise, il faut effectivement un débat national et un vrai.Ce débat ne doit pas être considéré comme un évènement ordinaire d'une action gouvernementale mais comme un moment crucial pour la survie et le devenir de notre Nation... Si vous agissez comme nous vous le conseillons ci-haut, le Parti Lumumbiste Unifié (Palu) et son chef, M. Antoine Gizenga, seront les premiers à adhérer au débat et à y prendre part activement. Faute de le faire ainsi et à temps, votre Régime portera la lourde responsabilité, devant Dieu, nos ancêtres, le Monde entier et l'Histoire, de la catastrophe imminente qui guette notre Pays et notre Peuple...".Le questionnement du Palu se termine par un constat inquiétant : les rares acquis de la 2e République que sont l'unité et la souveraineté nationales sont, depuis, soldées et l'avenir du Peuple gravement compromis ; plus grave, le chemin emprunté n'est ni balisé ni clairement connu : l'on en est à s'interroger même sur la survie de la Nation. L’hebdomadaire Jeune Afrique faisait tomber dans le même temps tel un couperet la sentence du bilan du règne de Kabila : "L'ombre l'emporte sur la lumière". L.-D. Kabila ne manque pas d'amour pour son peuple, ni de sagesse ni d'intelligence. Seulement il semble qu'il lui a manqué l'indispensable levain divin qui fit du roi Salomon le bâtisseur d'Israël uni. Quelle est sa vision de la marche générale du pays et des aspirations de ses populations ? Quel est surtout le schéma politico-socio-économique de son action à la tête de l'État pour pouvoir rencontrer ces aspirations ? Personne ne le saura jamais.
La longue transition politique des années 1990 a étalé au grand jour les plaies morales d'un pays en l'état de non-Etat : un gouffre sans fond où poussent allègrement toutes les antivaleurs. Sampassa Kaweta Milombe, alors ambassadeur du Congo au Canada, sortit un jour de sa réserve pour inviter les congolais à un sursaut national pour un nouveau départ moyennant une relecture du passé récent en plus de l'autocritique sérieuse dressée par la CNS mais il stigmatisa : l'intransigeance des uns et l'instinct de survie exacerbé des autres, ont fait échouer la réconciliation nationale, préalable incontournable pour tout nouveau départ. L'atmosphère de règlement de comptes, la culture de l'irresponsabilité collective et la duplicité des puissances d'argent ont été autant d'ingrédients qui ont hypothéqué les résultats de ce forum. La diabolisation à outrance, une légèreté déconcertante d'acteurs politiques qui passaient allègrement du camp mobutiste à celui de l'opposition et vice versa, l'intolérance et l'exclusion sont autant de faits qui ont conduit à un retour à la case départ ».En effet, appelés à raser l'immoralité et à combler l'amoralité qui ont caractérisé l'État zaïrois pendant plus de deux décennies, les Congolais réunis à la CNS avaient pris un dangereux raccourci dans le choix de matériaux : ils ont eu recours aux déblais provenant de l'immoralité pour tenter de remblayer le vide de l'amoralité. Et s’ensuivit une triste moisson : l'illusion du titan Atlas !
IV. Manifeste ArmÉR.Congo Constitution par conscription de l’Armada des Élites Résistantes(ArmÉR.Congo) à l’assaut de l’endémie à coronavirus de la corruption 1960-2020 (Covidec-60).
« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs », opine l’illustre révolutionnaire français Maximilien de Robespierre. Et, « si le peuple n’a pas sa révolution pacifique alors l’éruption devient irréversible », renchérit JF Kennedy. Mieux vaut prévenir que guérir. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard, il urge de donner au peuple du Congo sa révolution, d’autant plus que le peuple de Dieu gagne toujours. Il est reconnu qu’un peuple en état de révolution est invincible..À bien des égards, il est préférable d’engager une révolution pacifique car « les moyens violents sont bons pour renverser, pour détruire, mais ils ne sont bons que pour cela. Les moyens pacifiques sont les seuls qui puissent être employés pour édifier, pour construire, en un mot, pour établir des constructions solides. », comme concluait un contemporain de la Révolution française Claude Henri de Rouvioy, comte de Saint-Simon.
Dénoncer une situation sans rien faire ensuite est la pire des fautes : on n’a même plus l’excuse de l’ignorance. Reconnaître un problème n’autorise pas ceux qui gouvernent à se dispenser de le résoudre
Dans cette croisade nationale contre le mal, nousrêvons d’une révolution pacifique, voulue et menée dans un élan de réconciliation entre les deux peuples, le peuple d’en-haut et celui d’en-bas, et qui se dénoue, comme ce fut le 4 août 1789, la date la plus fameuse de l’histoire parlementaire française : la Révolution était inscrite dans les esprits. Il restait à la construire dans les faits. Tous les cœurs étaient animés du plus saint enthousiasme. Tous les ordres confondus annonçaient ce mélange heureux des enfants de la mère commune. Les députés ont en effet fait trêve à la Constitution et aboli les privilèges, tous les privilèges, quels qu’ils soient, des personnes, des villes, des provinces et des corporations
Nous rêvons d’un jour où dans un mouvement de masses transversal, brassant tous les groupes d’opinions significatifs – méprisant ces appartenances virtuelles à la gauche ou à la droite car il n’existe pas de partis politiques à proprement parler en RD Congo mais des adversaires voire ennemis des gouvernants ! -- les rares élites brillantes et/ou résistantes, se liguer sous le respect du serment sur la charte des valeurs éthiques – excellence, rigueur , intégrité, amour , solidarité, humilité cf. DES pour l’avènement des valeurs évangéliques d’amour, de justice et de paix dans la vie des hommes et dans les structures sociales
Congo, État zombi ! Notre mère-patrie, le Congo, est à l’article de la mort.Depuis quelque trois décennies (1990-2020), le pays vit une histoire faite exclusivement de tragédies dont les protagonistes sont majoritairement des enfants du Congo élevés en dignité politique et sociale . Il court de façon effrénée et spectaculaire vers le chaos final dans tous les domaines de la vie nationale notamment morale, politique, économique, sociale, etc. De la terre ferme un stoïcien le regarde avec un détachement enjoué et le compare à un bâtiment de haute mer pris dans une tourmente de très forte amplitude, oscillant dans toutes les directions sur les eaux de la mer en furie et sur le point d’être complètement submergé avant de se fracasser contre les berges et fonds rocheux où surnagent des masses solidifiées de fanges et d’écumes dérivant des exutoires immondes grouillant des rejets de la constellation des cités surpeuplées et déshéritées.
Visiblement l’équipage, lui-même ivre comme le navire, semble n’avoir jamais guère été lui-même instruit par le peupleembarqué à bordni de la destination désirée ni du cheminconduisant à celle-ci, c’est-à-dire au du biencommun,à la vie heureuse que tous les enfants du Congo ambitionnent. Apparemment, il ne se préoccupe même pas non plus de savoir comment mettre l’ensemble du peuple d’accord ni sur le moyen d’arriver ni surle chemin à prendre pour parvenir à réaliser la vie heureuse que tous sont unanimes à aimer. Il ne se met pas dans l’angle du fameux questionnement de saint Augustin : « Comment se fait-il que de toutes les conditions de la vie, il n’en est pas une seule qui soit agréable à tous les membres d’une société, alors que tous sont unanimes pour aimer la vie heureuse ? ».
Toujours absorbées dans des disputes récurrentes, fratricides et implacables pour le contrôle des sinécures et rentes, les générations successives des membres de l’équipage du navire congolais se révèlent singulièrement inaptes, insouciantes et imprévoyantes, et indubitablement aujourd’hui davantage qu’hier et surtout avant-hier.
Mais l’incurie des acteurs en vue au-devant de la scène socio-politique nationale post-chaos électoral de décembre 2018,a crevé le plafond de la bêtise humainement imaginable au cours des deux « années délire » 2019-2020. Le spectacle est ahurissant et fait douter des lendemains. Des figures marquantes, pompeusement auréolées du sablonneux qualificatif de leaders les plus représentatifs de la société nationale, étonnent et détonnent. Leurs discours, faits et gestes passés au crible des laboratoires d’analyses des pays normaux réfléchissent une image collective guère reluisante : des leaders qui ne rassurent nullement quant à leurs capacités à forger le consensus et à montrer le cap à la communauté nationale mais qui, insuffisamment formés sur le concept de l’état, succombent facilement aux tentations du pouvoir. Ils demeurent désespérément prisonniers de leurs désirs et passions, sous l’emprise « du plus grand péché, celui de céder à ses désirs, de la plus grande faute, celle de ne pas se contenter de ce que l’on a et de ce que l’on est, et du plus grand malheur, celui de vouloir toujours posséder plus ».
Le leader politique ou leader social tout court est avant tout ce citoyen qui accepte et s’engage dans un apostolat, au service etpour l’intérêt de la communauté avant de songer à sa propre vie. Le chef doit être le serviteur de ses serviteurs, le bon maître à l’image de Jésus-Christ, comme le prêchait opiniâtrement le Cal Joseph-Albert Malula, « être tout simplement bon au point que les hommes nous traitent de faible ou de je ne-sais-quoi ».Certes, humainement, l’intérêt personnel passe avant( sans primer) l’intérêt commun. Mais ce qu’il faut c’est admettre et reconnaître par tous et chacun des citoyens que le premier ne peut être bien servi que si le second se réalise. L’exigence morale a-t-elle toujours été si forte depuis la gouvernance gréco-romaine qu’il est admis que même la femme de César doit être insoupçonnable (Quiasuam uxorem etiam suspicione vacare vellet !).
Comme affranchie de toute exigence morale et encouragée dans sa gouvernance licencieuse par le laxisme et la débonnaireté de l’opinion publique congolaise, la classe dirigeante congolaise donne de nos jours cette funeste impression qu’elle se contenterait de privatiser gilets et bouées de sauvetage pour le salut du peuple d’en haut et qu’elle se résignerait à délester définitivement le bâtiment Congo de son gouvernail avant de le déserter et laisser couler avec à son bord près de cent millions d’enfants du Congo en déshérence!
Tous coupables ! Les élites nationales ont failli. Le mantra « Tous coupables de l’effondrement du Congo » n’est ni injuste ni excessif. Le verdict est même clément. « C’est l’ensemble des élites du pays, élites religieuse et morale, intellectuelle et scientifique, artistique, technique, qui font le pays, sa prospérité, sa grandeur… Le Chef d’un État ne peut gouverner qu’en s’appuyant sur une classe dirigeante, composée d’hommes et de femmes que leur formation, leurs capacités, leur situation sociale, placent à côté de lui… En toute société, qu’elle soit démocratique ou non, le pouvoir est entre les mains d’une minorité. Le gouvernement sera bon si cette minorité est une vraie élite… Tout bon gouvernement suppose l’existence d’une élite intègre, active, dévouée au bien public, et capable de guider avec compétence un peuple probe, honnête et travailleur » (J. Andriansens)
Si rien n’est fait à très brève échéance, le monde entier risquerait d’assister sur des champs de ruines ou des cratèressociaux à un cataclysme sans précédentdans l’histoire de l’humanité de l’ère chrétienne : un tsunami égalisateur des destins sociaux ! « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue ». Cette confession d’Albert Einstein semble coller comme une prophétie séculaire à la bêtise congolaise innommable de notre temps : le Congo n’avance point, et quand il tente de le faire, le mouvement ressemble à rétropédalage de forcené ! Le Congo ne sera pas détruit à cause de ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire, ainsi que le faisait remarquer A. Einstein dans son regard sur la marche du monde.
Le Hussard Solitaire suffoque de frustration et de rage. Il est bien conscient et assume cette conviction de Philippe Muray : « C’est certes, une grande infortune que de vivre en des temps abominables. Mais c’est un malheur encore pire que de ne pas tenter, au moins pour la beauté du geste, de les prendre à la gorge. Je tâcherai de le faire sans acrimonie. ».
Sursaut révolutionnaire ! Rien n’est définitivement perdu.Malheureusement, tous, les Congolais sont abrutis, lesgouvernants par la puissance de l’abus d’autorité, les gouvernés par la peur de la force hommes forts, les richespar l’opulenceet les pauvrespar l’indigence. À l’échelle individuelle comme collective, seule la résignation ou la colère semblent possibles.Un aphorisme gidien nous incite à fuir le refuge de l’accablement et de la résignation. Si tu ne fais pas cela, quile fera et quand sera-ce ? (A. Gide). Si tu ne peux pas faire le bien que tu voudrais, tâche de vouloir celui que tu peux faire. Car celui (donc) qui sait faire ce qui est bien, et qui ne le fait pas, commet un péché ( Épitre de saint Jacques 4,17). Ce devoir moral ou spirituel de tout homme de bonne volonté, revêt une essence sacrée pour toute âme de révolutionnaire, celle dont « la plus belle qualité est d’être toujours capable de ressentir au plus profond de son cœur n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le monde » (Ernesto Guevara, dit Che Guevara).
Dans sa navigation à vue et à cause de son impéritie structurelle, le gouvernant congolais s’est peu à peu défiguré,perdant son rôle de garant et pourvoyeur des services publics, socle du vivre ensemble et liant essentiel de la solidarité nationale, pour finir par être perçu comme le bourreau de son propre peuple. Celui-ci regarde l’État comme source de ses malheurs, l’État qui l’appauvrit et l’affame sansremords. Le gouvernant est un parfait clone du maitre-baron qui trône sur des quasi-esclaves, ses propres concitoyens.
Nul au Congo, ou presque, n’a plus les moyens du devenir-soi. Nul n’est à même de pouvoir devenir librement tout ce qu’il doit être, en partant de ce qu’il est. La jeunesse n’a plus d’avenir et donc le Congo est sans avenir. La jeunesse risque de n’hériter que d’une société déglinguée, amorale et immorale, plongée dans des antivaleurs allègrement célébrées à travers des hymnes populaires de la banalisation et de la dérision, cet antidote typiquement congolais de la honte.
Résiliente et accro à son arme redoutable de la dérision, la jeunesse l’use et en consomme sans prescription et sans retenue. Son inventivité intarissable en crée des perles à profusion dans le registre « Voler n’est pas bon ! », comme une litote pour suggérer prosaïquement « malheur à toi, voleur, qui t’es laissé attraper !» ou encore « Chance, ëlökö pamba ! » pour paraphraser, à la manière bien de « chez nous », une repartie jaculatoire attribuée à Georges Pompidou selon laquelle « la politique n’a rien de scientifique car quand le courant passe, l’on peut même faire élire une chèvre » !
Le peuple a sans doute beaucoup perdu mais il garde la voie de la résistance pour se libérer des tenailles de son nouvel oppresseur, né de ses propres entrailles, l’armée néo-esclavagiste formée de ses propres enfants, membres d’une tyrannie, la plus cruelle, celle qui s’exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice (Charles-Louis de Secondat, Baron de La Brède et de Montesquieu). Aucune réforme, quelle qu’en soit l’efficacité escomptée, ne viendrait à bout d’une telle tyrannie asphyxiante et impitoyable, qui afflige et crucifie les faibles ainsi que les pauvres, les confinant dans la prison du silence de mort et de la résignation complice.
La survie du peuple est au prix non pas d’un vague aggiornamento ni des réformes cosmétiques tant ressassées par une classe politique tôt sevrée du lait démocratique secrété depuis les années « délire » de la Conférence Nationale Souveraine(années 1990), mais plutôt à celui d’une véritable révolution institutionnelle politique, culturelle, économique et sociale, endogène, assumée et maîtrisée. Nous ne sommes pas condamnés à nous résigner à accepter le suicide du Congo sans réagir. Pour éviter de dériver vers un pire irréversible, il nous faut changer, sans délai, mentalité et organisation.
Coronavirus de la corruption (Covidec-60) : Ennemi public numéro un ! La corruption s’est généralisée et profondément enracinée dans la sociétécongolaise. Elle a ses origines dans les tares de l’organisation du pouvoir post-Indépendance. Le corps social congolais a commencé à se désintégrer littéralement et irrémédiablement sous la poussée invasive du coronavirus de l’endémie de la corruption 1960-2020, Covidec-60. Pour combattre efficacement ce coronavirus, il faut en comprendre le processus de reproduction et les mécanismes d’auto-multiplication de manière à le démonter et déstructurer et ainsi pouvoir ôter le mal.
De riches essais de Jean-Claude Willame permettent de cerner les contours germinaux et l’effroyable étendue et profondeur des métastases de la corruption dans le corps social congolais à partir du terreau du couple infernal « pouvoir-argent ».
" Dans les pays et les continents développés, l'argent donne le pouvoir, permet d'y accéder ou, à tout le moins, en facilite l'accès. Sur le continent africain, et plus particulièrement en Afrique noire, c'est l'inverse qui est vrai : une fois que vous l'avez conquis, le pouvoir politique vous donne les clefs du coffre ; tout d'un coup, vous avez à votre disposition de l'argent et, parfois, beaucoup d'argent. C'est pourquoi, en Afrique noire, on tue et on se fait tuer pour accéder à la tête de l’État ou pour y rester ; pourquoi on tue pour en chasser l'autre..."
"Il est reconnu que la prédation-destruction de l'État par ses représentants, s'accompagne de la "struggle for life" à tous les niveaux, la "débrouillardise" ou "article 15" comme règle de conduite pour la survie. “Parce que personne n'est sécurisé et que tout le monde sait que les ressources sont rares, on en vient à penser qu'il est préférable d'accumuler tout ce que l'on peut et aussi rapidement que l'on peut. La tendance inévitable est alors d'extraire tout ce qui est possible de ceux qui se trouvent dans les positions inférieures de la hiérarchie (...)Le terrain est tout propice à la culture de la politique du ventre. L’enracinement de la tare ne manque pas de toucher au spirituel, tellement les gouvernants n’hésitent plus à recourir à des dieux réputés protecteurs en tout genre. Le tout se passe comme si le maître mot est : prends ta part et tais-toi !
« Dans un pays où tous ceux qui détiennent le pouvoir sont d’accord pour en profiter, où des dirigeants comme deshauts fonctionnaires peuvent disposer avec désinvolture des fonds publics mis à leur disposition, il est impossible d’avoir un bon gouvernement. Là où la vénalité des hommes politiques est devenue coutume, où des cas d’injustice et de corruption chez les hauts fonctionnaires sont légion au lieu d’être exceptionnels et de faire scandale, où la conscience du peuple ne se révolte pas, il est clair que la moralité publique est relativement peu élevée.
« Si toute la population sait que les hommes politiques vendent les faveurs et personne ne s’en effarouche ; si on trouve normal que celui qui a l’occasion de s’enrichir ne la laisse pas passer ; si nul ne s’émeut lorsque la loi est violée au détriment d’autrui ; si l’opinion publique ne se cabre pas ; dans ces conditions, les meilleures lois deviennent mauvaises ou inefficaces car il n’y a pas de dispositions légales qui tiennent contre les mœurs. » (J. Andriansens)
Le peuple est tombé dans une profonde torpeur. Son indifférence ou son indolence entretient l’impéritie et la corruption de la classe dirigeante. Quand le Parlement vote par exemple un budget en équilibre recettes-dépenses de l’équivalent en franc congolais de quelque onze milliards de dollars américains pour l’exercice 2020 et qu’au terme des douze mois d’activité, il est fait état d’un niveau de réalisation des recettes de l’ordre de trois milliards sept cent millions de dollars américains soit un taux d’exécution de trente-quatre pour cent (34 %) - niveau très ridiculement bas que la pandémie à Covid-19 ne peut nullement justifier à elle seule -, que ce gap abyssal ne soulève aucune onde de choc au sein de la population d’environ cent millions d’âmes ni ne renverse l’ordre institutionnel en place du fait de ses répercussions désastreuses sur la vie nationale dont la plus terrible est la mort clinique des services publics essentiels – eau et électricité en tête -, démontre à suffisance que le Congo a cessé d’être un État normal. Il n’y a pas de démocratie quand les ventres sont vides (Noureddine Taboubi, Ugtt). S’il veut survivre ou renaitre, l’État se doit de reconstituer, renforcer et étendre ses capacités de fournisseur de services publics. Il en est ainsi sous toutes les latitudes. Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté doit commencer par leur garantir l’existence (Léon Blum).
Pas un seul représentant du peuple qui soit sage et généreux ? Au cours des années 2019-2020, a-t-on vu ou entendu surgir de l’un ou l’autre hémicycle du Parlement bicaméral congolais une voix patriotique de la veine des Victor Hugo français pour se tenir à la brèche et exiger que le Gouvernement donne au peuple le droit de pouvoir renouer simplement avec la vie par le rétablissement immédiat des deux services publics vitaux et structurants de l’économie nationale, au moins à Kinshasa et dans les grandes villes du pays où ces services confinent si étroitement à la question de santé publique et de sécurité ? L’on est en droit d’en douter. Où sont des leaders au cœur véritablement généreux, qui aiment le peuple du Congo et sont enclins à servir l’intérêt commun? Qui, parmi les flamboyants locataires et squatters des palais de la République, démentirait cet autre mantra fredonné aujourd’hui par le peuple d’en bas : « 1960-2020: 60 ans d’indépendance pour rien »? Qui se porterait volontiers candidat à la greffe de cœur d’essence généreuse pour plagier aujourd’hui par exemple le puissant et mémorable haut-le-cœur que Victor Hugo, un illustre tribun, balança à l’Assemblée Nationale le 9 juillet 1849, soit 60 ans après la Révolution française du 14 juillet 1789?
Un volontarisme d’airain et un réalisme de vérité...Pas une union sacrée mais plutôt une révolution, un régime fort!
Au niveau de pourrissement et de délitescence atteintpar le Congo dans son effondrement, les petitsmoyens ne produiraient même pas de petits effets; ils ne produisent absolument aucun effet. Ceserait une lourde erreur stratégique que de morfondre le leadership au sommet dans des voies péchant par procrastinations funestes ou par précipitations inconsidérées ! Puisque le vin du pourrissement est tiré par la faute et l’indolence des élites, il faut le boire » (Alphonse Kangafu).
Au lieu d’une union sacrée « de façade » des figures socio-politiques marquantes du pays, si représentatives soient-elles, le Congo ne pourra survivre et renaître qu’au prix d’un exploit comparable à celui du 4 août 1789 français, la date la plus fameuse de l’histoire parlementaire française, jour où, comme le décrivent aujourd’hui les meilleurs historiens et autres experts du pays, « la Révolution inscrite dans les esprits se construisit dans les faits ».
L’heure a sonné d’engager notre révolution, une révolution pacifique et de rupture, de faire comme le voulurent et réalisèrent les Français en 1789 : « le plus grand effort n’auquel se soit jamais livré aucun peuple afin de couper définitivement pour ainsi dire en deux notre destinée et séparer par un abîme ce que nous avons été jusque-là » de ce que nous voulons être désormais » (Alexis de Tocqueville).
« Tous les cœurs, animés du plus saint enthousiasme, virent tous les ordres confondus annoncer ce mélange heureux des enfants de la mère commune : les députés firent trêve à la Constitution et abolirent les privilèges, tous les privilèges, quels qu’ils soient, des personnes, des villes, des provinces et des corporations. En une séance historique, l’assemblée constituante abolit la société de privilèges, ordre multiséculaire sur lequel reposait l’Ancien Régime, régime féodal, une société divisée alors en trois ordres et reposant sur la notion de privilèges : la noblesse, le clergé, le tiers état. Le texte final du 11 août 1789 consacra tout de go et dans une formulation univoque en son article premier, la volonté commune : l’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. »
Il nous faut répudier et combler définitivement l’hideux abîme social qui menace de recouvrir définitivement le Congo! Une plume occidentale alerte fustigeait vertement en son temps une situation sociale explosive dans la Fédération de la Russie naissante : « D’énormes fortunes se bâtissent en quelques mois. Elles s’affichent en limousines blindées, hôtels particuliers et frasques invraisemblables. Rien n’est plus révulsant que ce contraste entre le train de vie royale des nouveaux riches et la mendicité qui se répand comme une lèpre. Empruntant le ton de médecin de guerre qui ampute à vif, l’économiste dirait qu’il faut bien que nous passions par l’accumulation primitive pour que se forment des fortunes privées et qu’elles imposent, un jour, l’état de droit qui légalisera leurs avoirs ». Le pays est entièrement et profondément miné, envahi et délabré par une tumeur maligne en phase avancée de métastases ! Cette tumeur du corps social du Congo est morale. Le pronostic vital du patient Congo est notablement engagé : une corruption systémique généralisée. Cette corruption est multisectorielle et multidimensionnelle, profondément et durablement installée dans le corps social dont la désintégration a atteint un niveau inquiétant et quasi-irréversible.
À ce niveau, seules une laparotomie et une craniotomie avec ablation des cellules et des organes sévèrement affectés, peuvent ébranlerla puissance injustede cette méchante pathologie sur la société.Une pareille entreprise ne peut être conduite que par des mains exercées de chirurgiens et oncologues aguerris, eux-mêmes jouissant d’une parfaite santé.
Le premier devoir de l’homme honnête est celui de dénoncer et combattre la bêtise, le mensonge et la trahison (Colonel Spartacus). « Quand les dirigeants manquent d’intégrité et de probité, on ne peut remédier à aucun des maux dont souffre le pays qu’en ôtant la corruption. Tout autre remède est, ou inutile, ou nouveau mal » (J. Andriansens).
Toutes les élites du pays,élites religieuse et morale, intellectuelle et scientifique, artistique, technique, politique, économique, administrative, médiatique, sont interpellées et concernées par l’appel à conscription pour la constitution d’une armée, l’Armada des Élites Résistantes(ArmÉR.Congo), à l’assaut de l’endémie à coronavirus de la corruption 1960-2020, Covidec-60.C’est dans une croisade nationale que l’armée des conscrits se lancera pour éradiquer le mal et travailler inlassablement à l’extirpation du coronavirus de l’endémie de la corruption. Elle se fondera sur le leitmotiv « Jamais plus le Congo ne tombera ! » et sur un serment de respect et culture des valeurs partagées.
Le défi à relever par ArmÉR.Congoest cornélien. Pour venir à bout d’une élite corrompue, c’est à une masse critique des forces de changement mues par un élan d’éveil patriotique sans précédent, et constituée d’élites résistantes à l’âme de révolutionnaire qu’il faut faire appel. Des élites capables et déterminées à mutualiser des efforts multiformes nécessaires destinés à conjurer l’effrayant spectre du surgissement éruptif d’un redoutable mouvement égalisateur de destins, lequel couve milieu des foules des damnés de la terre, des oubliés, des maltraités, des malmenés ! Cequ’il y a de pire en tout et partout, c’est la corruption de ce qu’il y a de meilleur. Corruptio optimi pessima est ! Il faut donc une élite éclectique pour affronter efficacement une élite corrompue.
Victoire possible ?! Le peuple de Dieu gagne toujours mais à condition qu’ilchange de mentalité
et d’organisation à l’échelle nationale dans une révolution institutionnelle politique, culturelle, économique et sociale, endogène,assumée et maîtrisée, laquelle n’est elle-même possible que si l’ensemble de la jeunesse du pays se mobilise pour la cause.
Ou le peuple d’en haut abdique et se résout à supprimer le régime ignoble des privilèges, et le comblement de l’abîme social est lancé avec la jetée en pont de réconciliation avec le peuple d’en bas, ou il s’obstine à creuser l’abîme en entretenant la misère du peuple d’en bas et la distanciation sociale finira par faire déborder la mer de la colère dont les entrailles cracheront l’horreur !
En effet, si la pauvreté continue à être considérée comme normale ; si l’injustice sociale continue à creuser l’inégalité entre les masses des pauvres et la poignée des riches ; si la pauvreté et l’injustice sociale continuent à s’amplifier dans le pays ; si dans leur gouvernance, les dirigeants, au lieu de remplacer le logiciel de la suffisance, de l’autosatisfaction et de l’arrogance par celui de l’amour et de l’humilité, continuent plutôt à mépriser le peuple, ils doivent compter avec une poussée foudroyante de l’indignation, de la rage, de la colère, de la révolte des cœurs et même avec une révolution insurrectionnelle !
‘Le rapport des forces ira toujours crescendo en faveur du peuple d’en bas, principal réservoir de l’appel à conscription de l’ArmÉR.Congo : « Vous tous, loqueteux, souffrants, ventre-creux, va- nu-pieds, exploités, meurtris, déshérités desriches terres (eaux, forêts, minerais…) de vos ancêtres… Prenez conscience de vos droits, de vos forces et de la grande peur qui étreint de plus en plus vos spolieurs, vos bourreaux. Chaque jour diminue la puissance et le prestige de vos maîtres, et chaque jour, vos bataillons deviennent de plus en plus formidables. Prenez conscience de vos droits ! » (Sébastien Faure)
Dieu fasse qu’il s’en trouve, dans l’immense mosaïque socio-culturelle congolaise, quelque 144.000 grands esprits issus des quelque 254 ethnies et à même de communiquer dans l’un ou l’autre des quelque 400 dialectes du pays, qui daignent répondre à l’appel et se mobiliser comme messagers propagateurs du virus contaminant de l’éveil révolutionnaire et patriotique et de la veille stratégique! Une armée qui ne sera pas cantonnée dans un quelconque champ géographique délimité ! Elle essaimera parmi les cent millions de compatriotes congolais disséminés sur l’ensemble du territoire national et dans toutes les communautés de la grande Diaspora Congolaise sur tous les continents, du centre du continent africain jusqu’aux confins de la Terre !
Vivre ensemble - Ubi bene, ibi patria ! Vaincre les barrières et discuter entre des grands esprits !
« Les hommes se haïssent parce qu’ils ont peur les uns des autres. Ils ont peur parce qu’ils ne se connaissent pas. Ils ne se connaissent pas parce qu’ils ne peuvent apprendre à se connaître. Ils ne peuvent apprendre à se connaître parce qu’ils sont séparés, même par un simple fossé psychologique ». Alors, Citoyens, « apprenons à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ! » (Martin Luther King).
Priorité au Bien commun - Bonheur pour tous et chacun Personne qui ne désire être heureux, et qui ne le désire par-dessus tout. Je dirai plus, tout ce qu’on peut désirer d’ailleurs, c’est pour le rapporter au désir d’être heureux. Les hommes sont entrainés par des passions diverses, l’un désire une chose et l’autre en veut une autre ; il y a dans le genre humain bien des conditions différentes (alors comment créer le ciment du vivre ensemble), et dans cette multitude de conditions chacun choisit et adopte celle qui lui plaît ; mais quel que soit l’état de vie dont on fasse choix, il n’est personne qui ne veuille être heureux.La vie heureuse est donc le bien commun que tous ambitionnent ; mais quel moyen d’y arriver, quel chemin prendre pour y parvenir, c’est là que les hommes ne sont plus d’accord….
L’un dit : « Heureux ceux qui suivent la profession des armes » ; un autre soutient le contraire et dit : « Heureux ceux qui cultivent les champs. » « Vous vous trompez, dit celui-ci, heureux ceux qui brillent au barreau par leur éloquence, qui défendent les intérêts de leurs concitoyens et dont la parole devient l’arbitre de la vie et de la mort des hommes ». « Non, répond celui-là, heureux plutôt ceux qui jugent et qui ont l’autorité pour écouter les débats et prononcer la sentence. » « Vous êtes dans l’erreur, dit un autre, heureux ceux qui traversent les mers, ils apprennent à connaître du pays et réalisent des gains considérables ? » (…) Comment se fait-il donc que de toutes les conditions de la vie, il n’en est pas une seule qui soit agréable à tous, tandis que tous sont unanimes pour aimer la vie heureuse ?
Jamais le Congolais n’a voulu écouter l’écho réfléchi et tropicalisé de la voix de l’illustre socialiste français Jean Jaurès à ses concitoyens : « Congolais, prompts à détester votre pays et son histoire, écoutez la grande voix de votre Cassandre : « Ce qu’il faut ce n’est pas juger toujours, juger tout le temps, c’est se demander d’époque en époque, de génération en génération, de quels moyens de vie disposaient les hommes, à quelles difficultés ils étaient en proie, quel était le péril ou la pesanteur de leur tâche, et rende justice à chacun sous le fardeau »
Le défi premier de l'élite congolaise se situe à ce niveau : prendre conscience de la ruine nationale, refuser de perpétuer l'état de non-pays et de non-Etat dans lequel nous nous trouvons, dénoncer courageusement tout comportement qui confine à l’institutionnalisation de la médiocrité, qu'il soit le fait des pouvoirs publics à tous les niveaux comme celui des particuliers dont notamment des élites nationales, et ramener voire contraindre tout le monde dans la voie de la raison, de l’État de droit. Agir autrement serait perpétrer la complicité du silence et condamner le Congo-Zaïre à l'état embryonnaire d'association internationale.
V. Alors vivement les nouvelles élites résistantes au front de la renaissance du Congo
"A ceux qui l'étudient comme un phénomène isolé, la Révolution française peut être vue comme une énigme sinistre et sombre. C'est seulement lorsque nous la voyons à la lumière des évènements qui l'ont précédée que nous pouvons saisir sa vraie signification. Et, de la même manière, sans une idée claire de l'ancien régime, de ses lois, de ses vices, de ses préjudices, de ses faiblesses et de ses grandeurs, il est impossible de comprendre l'histoire des soixante années qui ont suivi sa chute" (Alexis de Tocqueville, L'ancien régime et la Révolution).
L'histoire congolaise des quatre dernières décennies contraste étrangement avec celle des huit décennies d'exploitation et de gestion du Congo par le Roi des Belges d'abord et par la Belgique ensuite. Depuis l'Indépendance, alors que la population a plus que triplé, la production par habitant a diminué de 2/3 en valeur estimative et l'investissement n'a cessé de tomber pour atteindre quasiment le niveau zéro. La contraction de l'activité économique a été spectaculaire au point de consacrer le retour à l'ère de la ponction d'avant la colonisation, à l’âge de l’arbalète, de la cueillette et de la pêche traditionnelle. Une page de l'Histoire retracée récemment par Me Nkulu Kilombo, dans « CONGO-ZAIRE : De la Charte coloniale à la Constitution de la Troisième République », Collection Prospective & Réalités, décrit avec une rare concision le système d'exploitation du Congo par la Belgique pendant les périodes léopoldienne et coloniale. Je lui emprunte bien volontiers de larges extraits dans ces lignes. Plus intéressant encore est le contenu de cet ouvrage quand il rappelle et analyse "les options socio-économiques ayant marqué le devenir économique et social du pays depuis l'Etat Indépendant du Congo jusqu'au Zaïre de l'authenticité" !
Globalement, l'ère léopoldienne comme la période coloniale ont enregistré une activité économique de loin plus prospère que celle de la période postcoloniale. L'esquisse d'une gestion du Congo en tant qu'ensemble n'a, cependant, vu le jour qu'au lendemain de la première guerre mondiale, au moment où sont élaborés les grands plans décennaux. En effet, affirme Jean-Claude Willame,le Congo est "un vaste territoire composé de grands fiefs industriels, agro-industriels ou en voie de tertiairisation défendant chacun les intérêts de son hinterland naturel" et "la diversité congolaise" ne tardera pas à prendre "sa revanche au lendemain d'une décolonisation politique manquée, avec la montée d'irrédentismes régionaux (Bas-Congo, Katanga, Kivu, Kasaï, Province Orientale) suivis de la création des 22 "provincettes" dont le tracé s'inscrivait on ne peut plus clairement sur la réalité des anciens districts coloniaux". Le système économique extraverti, par exemple, est un héritage de la colonisation, qui, au fil des ans, n'a cessé de subir des déséquilibres structurels profonds, faisant perdre aux Congolais leur pouvoir d'achat ainsi qu'une bonne partie de maigres avantages économiques et sociaux autrefois garantis par l'administration coloniale.
L'ère de l'exploitation léopoldienne tire son essence du programme de la Conférence de Berlin dont les objectifs avoués étaient d'ouvrir à toutes les nations le commerce dans le bassin du Congo et tracer les frontières de ce bassin, de mettre fin à la traite et au commerce des Noirs, de déterminer le régime fluvial des fleuves Congo et Niger, d'établir les règles auxquelles serait soumise, dans l'avenir, l'occupation des territoires africains. Rendez-vous du partage de l'Afrique entre les puissances coloniales, la Conférence de Berlin donna naissance à l'Etat Indépendant du Congo (EIC). Celui-ci sera marqué du sceau du libéralisme, du moins au niveau des déclarations officielles ; la liberté de commerce et la liberté de conscience, la liberté des cultes, le principe de la laïcité de l'Etat sont affirmés, d'autre part. Ici, le rêve politique s'énonce sans ambages : pour la puissance de la Belgique, en fait celle du Roi, propriétaire de l'EIC - toutes les terres non occupées par les villages ou les champs des villageois sont, en effet, réputées vacantes et les produits des terres vacantes appartiennent à l’État - des privés métropolitains sont associés à l'exploitation économique du Congo dans l'optique fondamentale de la production par le travail forcé des indigènes et l'exportation vers la métropole du caoutchouc, de l'ivoire et de divers autres produits agricoles.
C'est cette ambition économique gargantuesque du Roi des Belges qui présida au développement des infrastructures de transport, avec en priorité numéro 1 l'ouverture de la ligne de chemin de fer Matadi - Léopoldville dès 1898 pour garantir l'accès des produits agricoles à la côte pour leur exportation. L'historique "bataille du rail", selon l'expression de Cornet, trouve là sa justification.
L'histoire de la période précoloniale du Congo est véritablement celle du Roi Léopold II, qui réalise ce qu’il veut pour lui et pour la Belgique. En 1855, le duc de Brabant, alors jeune prince fougueux et ambitieux, s'exclamait : « Je crois que le moment est venu de nous étendre au dehors, sous peine de voir les meilleures positions, rares déjà, successivement occupées par des nations plus entreprenantes que la nôtre ». « Il faut une colonie à la Belgique ! ».
« Du sang sur les lianes », ouvrage réalisé par Daniel Van Groenweghe (1986), raconte la cruauté du système d'exploitation monté par le roi propriétaire pour tirer la force et les richesses tant recherchées de l'immense territoire qu'il n'avait jamais vu et où il ne mettrait jamais les pieds jusqu'à sa mort. Pour les Congolais, cette époque sonne comme une page de sang : coups de fusil et de canon, incendies de villages, la politique des mains coupées, tels sont les traits honteux du système léopoldien, un système d'abus et de sur-abus de la force avec tous les excès inimaginables, comme l'évoquait un aperçu historique de l'hebdomadaire Jeune Afrique en mai 1993 : « En 1906, le roi Léopold II est mis au ban des accusés par les parlementaires belges à la suite des dénonciations de ces exactions au Congo d'abord en 1890 par George Washington, dans son rapport sur la politique des mains coupées, et ensuite en 1904 par une Commission internationale d'enquête mise sur pied à l'instigation des États-Unis et de la Grande-Bretagne. 1908, c’est la « déchéance » et le Congo du roi Léopold II devient alors une colonie belge.
Le système colonial ne sera pas moins déshumanisant mais il présentera le mérite de favoriser la prospérité des grands groupes financiers belges, tels la Société Générale, le Groupe Empain, le Groupe Cominière et le Groupe Brufina qui contrôlent pratiquement toute l'économie du Congo belge.
« Sans chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny ». Ce célèbre dicton attribué à Stanley sous-tend la continuité de la politique économique de la période léopoldienne à celle coloniale. Loin d'être une oeuvre philanthropique, la colonisation est une entreprise capitaliste et en tant que telle, elle poursuit comme objectif l'exploitation des ressources naturelles par une main-d'oeuvre peu onéreuse, de manière à rétribuer le mieux possible le risque pris par l'investisseur du capital. L'action conjuguée "Etat-Église - Capital" a réalisé la prospérité du Congo belge tout en procurant aux partenaires étrangers des profits et bénéfices considérables.
L'entreprise léopoldienne est en fait poursuivie par la Belgique. Comme pour le système léopoldien, le monopole d'Etat sur les principaux produits d'exportation est garanti par le système colonial belge. Le développement des infrastructures de transport demeure prioritaire. Les participations de la colonie aux côtés du capital belge dans l'exécution du programme économique de l'entreprise coloniale formeront le "Portefeuille" du Congo. Si le capital belge est présent dans l'exploitation du pays, l’administration - déjà, une administration du développement - assume le maintien de l'ordre et de la sécurité publique, l'entretien et la maintenance des infrastructures routières, et la mise en place d'une infrastructure hygiénique et médicale appropriées pour assurer aux entreprises une main-d’œuvre en bonne santé, avec le concours important de la "mission", foyer de "civilisation" au sens le plus large du terme et centre de propagation de la foi chrétienne au travers de la mission évangélisatrice, de l'éducation, de l'instruction, de l'administration des soins de santé, de l'apprentissage de certaines activités économiques.
Aujourd’hui, tout cela sonne dans les oreilles des Congolais du troisième âge ou encore même de ceux du deuxième âge tirant sur le troisième comme un très lointain souvenir guère accessible aujourd'hui ! L'évocation du social ne passe pas sans susciter une forte charge nostalgique. Jadis l’État colonial, seul ou en collaboration avec les missions chrétiennes qu'il assistait - à l'exception de l’Église protestante, les missions et congrégations étaient alors fortement subsidiées par l’État - exécutait d'importants programmes de développement des infrastructures scolaires, sanitaires et autres encore fort enviables aux yeux des enfants d’aujourd’hui qui puissent en apercevoir des vestiges. L'ensemble de ces actions concouraient harmonieusement à l’application du programme politique du pouvoir colonial au Congo. La Belgique attendait poursuivre encore son oeuvre mais le plan du professeur Van Bilsen pour une émancipation progressive du Congo dans 30 ans, 1955 - 1985, ne sera pas matérialisé. Le réveil politique des Congolais détermine, en effet, la Belgique, à l'issue des tables rondes sur l'indépendance, à Bruxelles, en janvier et en avril 1960, à lever l'ancre plus tôt, le 30 juin 1960. Par un accouchement dystocique, le Congo indépendant est né.
Une grande crise politique éclate aussitôt, troublant inexorablement le lit du jeune État. Déjà en janvier 1960, lors de la deuxième visite du Roi des Belges Baudouin, les cris fusent de partout : Indépendance ! Libérez Lumumba ! Mais pour le roi, le Congo n'est pas prêt à se passer de la tutelle belge, n'ayant ni administrateurs, ni juristes, ni ingénieurs, ni architectes, ni médecins.
La première université congolaise, Lovanium, fondée en 1954, ne comptait alors que onze étudiants congolais et la métropole, en l'absence de toute velléité politique de promotion de la formation des enfants du Congo, ne comptait pas un nombre significatif d’étudiants congolais.
Loin l'idée d'exalter une période coloniale où l'intérêt commercial passait avant tout souci de développement et de bien-être, force est de reconnaître que le Congo belge affichait un bilan économique impressionnant au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Hormis l'insuffisance de l'investissement dans les ressources humaines et le partage équitable des fruits de la croissance économique - ce qui retarda le recul de la pauvreté - la volonté de l'autorité coloniale de tirer le maximum de l'immense potentiel de développement du Congo fut manifeste.
Le plan décennal de développement pour la période 1950 - 1958 fut à maints égards un succès remarqué : une augmentation moyenne du PIB de l'ordre de +6,5 % en valeur réelle, avec +64 % pour la production minière, +140 % pour les plantations industrielles (huile de palme et caoutchouc notamment), +35 % pour la production des exploitations agricoles de type traditionnel.
Ces résultats découlent d'une volonté politique univoque de gouvernement caractérisée par une bonne gestion du cadre macro-économique assortie de taux élevés de l'épargne et de l'investissement. Des analystes soutiennent que si le pays avait pu maintenir le taux de croissance de 1950-58, il aurait aujourd'hui un PNB par habitant de l'ordre de 1500 $ US soit dix fois supérieur à celui actuel qui le fait passer pour l’un des pays les plus pauvres du monde.
La situation financière du Congo belge était solide voire enviable : en 1958, par exemple, l'encours de la dette n'atteignait guère 40 % du PNB, le service de la dette était inférieur à 10 % des exportations de biens et services et à 11 % des recettes budgétaires. Est-ce suffisant pour dire que le congolais était heureux ? Non. Il eut un point sombre : le ratio de la consommation privée par habitant des Européens par rapport à la consommation des Congolais demeura mauvais soit de 89 : 1 en 1950, mais il s’améliora sensiblement, jusqu'à revenir à 54 : 1 en 1958. L'autorité coloniale ne prit-elle pas ouvertement conscience des mauvaises conditions de vie des populations autochtones notamment en milieu rural dit coutumier ? C’est ainsi qu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la Belgique créa, dès 1947, le Fonds du Bien-être Indigène, FBI, comme organisme d'utilité publique doté de ressources importantes et jouissant d'une autonomie suffisamment large, appelé à jouer le rôle de l’instrument le plus efficace pour la promotion du bien-être, tant matériel que moral des populations vivant en milieu "coutumier". Celles-ci qui constituaient la grande masse du peuple congolais mais n'avaient pas encore bénéficié des mesures d'ordre social prises par l’État ainsi que des retombées sociales de l'importante activité économique des sociétés. En réalité, le Congo était jusque-là géré plus en appendice de l'économie de la métropole et moins comme un système, un Etat à part entière.
Le 30 juin 1960, c'est en fait un Congo malade, très malade et dépourvu d'une structure intrinsèque classique, que la Belgique abandonne dans l'impréparation totale à une classe politique congolaise incapable de poser un quelconque diagnostic et de prendre conséquemment en charge le grand malade. S’ouvre l’ère d’une longue et interminable navigation à vue du Congo-Zaïre Indépendant : le grand désastre
La plus grande méprise dont la conscience de l’homme politique congolais a été coupable depuis l’indépendance est d’avoir ignoré ou oublié que la vraie libération de l’homme passe par le travail.Les nationaux prennent la relève du colonisateur dont les méthodes de travail ont été largement décriées, car jugées inhumaines.Mais les conflits de partage du pouvoir ainsi que des attributs de celui-ci ne tardent pas à éclater et à se généraliser : c'est le début de l'ère de la "ponction" et de la jouissance. Les nouveaux gouvernants, au visage "humain", reprennent certes la place, les avantages, la "civilisation", bref l'héritage matériel et autre exaltant laissé par le colonisateur belge, mais oublient l'essentiel, à savoir la part de la responsabilité et du nécessaire travail. Ces turpitudes conduisent vite au chaos : guerres, sécessions des riches provinces du Katanga et du Kasaï, avec des roitelets pères de l'Indépendance, démembrement - balkanisation du Congo en provincettes sous la lutte sans merci entre les deux tendances dominantes, l'une radicale et l'autre modérée, qui cherchent à s'assurer le contrôle exclusif du pouvoir. S'ensuivent désordre politique et anarchie économique et le pays n’est tout simplement plus géré.
Dans cette confusion, les gouvernants n'ont généralement pas de rêve ni pour le pays - la nation congolaise est loin d'être affirmée - ni pour la province ni pour la provincette ni même pour le territoire, mais peut-être oui pour le village et assurément pour soi-même : confortablement assis à la place du colon belge, en train de cueillir et de jouir, de "mimer", de puiser pour distribuer à sa gloire à des thuriféraires gracieusement payés pour applaudir et encenser le nouveau riche, le "blanc" à la peau noire, le chef « mwana-mboka » dispensé de « la sueur ».
Qui, dans l'immense concert cacophonique de la veille et du lendemain du 30 juin 1960, s'étonnera que P.-E. Lumumba, notre héros national, fixe son premier regard sur le rôle du Congo pour l'indépendance de toute l'Afrique, avant sa propre consolidation politique et économique ?
Léopoldville (Kinshasa), 30 juin 1960, Patrice-Emery Lumumba, jeune Premier ministre (37 ans) tout fougueux, donne le ton de l'ère des convulsions : "Je ne suis rien d'autre qu'un nationaliste africain. J'utiliserai toute la puissance du Congo indépendant pour émanciper tous les autres peuples africains, à commencer par ceux de l'Afrique du Sud".
N'est-ce pas là tout de même l'expression d'un grand rêve, démesuré soit-il, mais qui présente le mérite d'exister ? Est-il véritablement le rêve du peuple congolais ? L'explication de la précipitation et des turbulences n’est-elle pas à trouver dans cette amertume que cachent difficilement ces autres propos d'adieu du Congo à la Belgique tenus par le tout premier Premier Ministre congolais quand il évalue le bilan de la colonisation : "un esclavage humiliant imposé par la force... des moqueries, des insultes, des coups auxquels nous avions à nous soumettre matin, midi et soir, parce que nous sommes des Noirs..." ?
P.E. Lumumba payera tôt, le 17 janvier 1961, de sa vie l'audace d'avoir voulu "forcer la prophétie".
La révolte de la Force Publique, partie de Thysville (Mbanza-Ngungu), base principale du dispositif militaire belge, est l'expression de cette amertume séculaire. Ce sera le point de départ d'un mouvement d'anarchie et de dissociation, avec quelque 23.500 hommes, ayant à la tête Emile Janssens, la Force Publique créée dès 1885 par un recrutement opéré dans toutes les tribus des gens séparés par des haines héréditaires mais emprisonnés tous dans les mailles d'une discipline de fer que mille officiers et sous-officiers, tous européens, se chargent de faire respecter, et parlant le lingala, une sorte d'esperanto. Le Congo, qui se voulait un "émancipateur" se devait de rester uni. Mais très tôt, il craquelle. Appelé à la tête de l'armée, ou de ce qui en restait après les mutineries qui suivirent l’indépendance, Joseph-Désiré Mobutus'attachera à forger l'unité du Congo, et il passera sa vie à accomplir ce préalable à la réalisation du vœu politique de P.E. Lumumba. Unité et Paix, Unification et Pacification, tels sont les axes de l'action Mobutu, commandant en chef de l'armée et chef de l'Etat. Il s'y enfermera à jamais.
À son accession, le Congo est donc fragile. Moïse Tshombé, sécessionniste, a tout de suite compris dès qu'il a accédé à la tête du gouvernement central que sans l'aide des techniciens et des capitaux belges, son peuple est pour longtemps incapable d'exploiter le complexe minier et industriel qui fait la richesse du Katanga. À la conférence de Bruxelles déjà, il avait prévenu : "Les Katangais paient les deux tiers des impôts du Congo. Il est juste que d'autres n'aient pas la libre disposition de ce gâteau. Nous acceptons de rester dans une fédération congolaise, mais il est nécessaire que le Katanga y jouisse de l'autonomie la plus large. Il est nécessaire aussi que cette fédération soit belgo-congolaise, ou, tout au moins, que le Katanga puisse rester uni à la Belgique, puisque sans elle, il sécherait sur pied...". Mais Patrice-Emery Lumumbaavait, le 22 juillet 1960, en partance pour l'ONU à New-York, déclaré : "Nous savons que ce pays a été construit par les Belges, les Portugais, les Grecs et d'autres colons étrangers qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes". Et d'ajouter, plus tard en septembre : "Je suis chrétien. Nous ne sommes ni Russes, ni Américains. Nous n'allons ni avec les Russes ni avec les Américains. Nous restons au milieu, c'est cela qui fera notre force". Mais comme tant d'autres avant lui, il a payé de son sang la révolution qui était en partie son oeuvre. A trente-sept ans ! A son âge et à son époque, vu son niveau de formation et le contexte congolais, n'était-ce pas un prodige en termes d'ambition politique ? Mais dans un contexte d’impréparation criante et dans la voie de la précipitation, la cacophonie interne ne put que conduire au blocage de la machine et au déraillement du train en case de départ.
Dressant sommairement le bilan de développement du Congo depuis l'indépendance, la Banque Mondiale écrit dans un document réputé à diffusion restreinte daté de novembre 1994 et intitulé "Zaïre-Orientations stratégiques pour la reconstruction économique" : "Le traumatisme de l'accession à l'indépendance, le conflit ethnique initial, la poursuite de politiques mal inspirées et incohérentes (parfois soutenues par des partenaires extérieurs) et, surtout, la mauvaise gestion des affaires publiques, tout cela s'est traduit par une régression économique et une mauvaise gestion financière qui ont retardé d'au moins un demi-siècle le développement du Zaïre. Sa production économique et son potentiel d'exportation ont enregistré une baisse significative, tandis que son capital physique et humain se trouve gravement affaibli. Le nouveau passif comprend, notamment, un grave surendettement, une administration et un secteur public devenus pléthoriques et inefficaces, une corruption généralisée, à la fois dans la gestion des affaires publiques et la pratique commerciale, une conscience professionnelle gravement affaiblie, des tendances sécessionnistes plus fortes et une augmentation des problèmes de l'environnement. Entre 1958 et 1993, la population a triplé tandis que la production par habitant a diminué de 65 % en valeur estimative (377 dollars en 1956 contre 117 dollars en 1993 de PIB par habitant). Durant la même période, les exportations officielles de biens et de services sont tombées de 2,2 milliards de dollars à 1,2 milliard (en dollars constants de 1993)". La Banque ajoute que l'investissement est tombé largement au-dessous de 10 % du PIB, même si durant la période 1967-74 les problèmes de gestion des affaires de l’État étaient encore maîtrisables et la gestion macro-économique relativement bonne, une incise cruciale.
L’État, qui doit être garant de l’égalité des citoyens vis-à-vis de la fourniture de l'eau, du courrier, de l'électricité, des moyens de transport, du logement, de la santé, de l'éducation, prône un libéralisme mal compris, qui n'est qu'une démission larvée et l'expression d'une incapacité avérée, quand il ne se livre tout simplement pas à une « prestidigitation économique », selon une expression du journaliste Tshidibi Ngondavi commentant la terrible avalanche de mesures gouvernementales en matière économique et financière, courant 1999 par la commission de répression des crimes économiques.
Le Congo est enveloppé d'une misère de mort. Des millions d'enfants ne peuvent se rendre à l'école, sinon au prix d'angoisses qui étreignent les parents. Nombre d'écoles n'assurent plus qu'un enseignement au rabais. La situation sanitaire est lamentable. Des hôpitaux, là où ils existent encore-après avoir résisté à l'usure du temps qui a fait rendre l’âme à tous les équipements médicaux qui n'ont plus été renouvelés depuis des lustres et même aux infrastructures matérielles -, ne ressemblent plus qu'à des "mouroirs", où les malades, qui peuvent encore y arriver, attendent dans l'anxiété la "belle mort" faute de soins requis. Le chômage est devenu structurel, exacerbé par les pillages de 1991 et 1993 qui ont détruit, soldé les infrastructures économiques et socio-sanitaires longtemps laissées à l'abandon faute d'entretien et de maintenance.
Le congolais ironise sur ce drame social quand il affirme par exemple, pour stigmatiser la malnutrition "infantile", "juvénile" et "sénile" qui frappe la société, que les familles congolaises ne mangent convenablement qu'un jour sur deux, que l'on ne mange qu'à tour de rôle dans une famille. Le taux de mortalité, infantile notamment, a flambé depuis. La précarité voire la disparition du système sanitaire et le manque d'hygiène dans les milieux urbains où l'action d'assainissement est nulle depuis belle lurette, ont fait resurgir des maladies éradiquées autrefois.
Telles sont les conséquences d'une gestion calamiteuse et piteuse des ressources nationales et autres extérieures par la minorité détentrice du pouvoir qui a fini par privatiser l’État. Le pays ne ressemble plus qu'à une jungle où s’applique la "struggle for life", l'instinct de survie présidant à tous les comportements des hommes et des femmes « quasi-déshumanisés » :
Dans l’euphorie « Indépendance Cha-Cha » et l’illusion d’insubmersibilité « Titanic » - mais carnets de bord avec destination et route maritime en moins – ils se lancèrent à l’assaut de tous les niveaux et compartiments de l’énorme bâtiment battant désormais « pavillon congolais » mais encore sur « un mât Congo-belge ».
Sans avoir procédé au check-up obligatoire de l’arsenal de navigation classique suivant la check-list usuelle (baromètre, boussole, ancres, gilets de sauvetage…) ni colmaté les trous dans la coque ni surtout assimilé les métiers de capitaine et membres d’équipage, ils arrachèrent le gouvernail à l’équipage belge et levèrent brutalement les ancres le 30 juin 1960 sous les regards médusés des plénipotentiaires des« puissances fondatrices », lesquelles, selon la thèse de Pr Gabriel Banza Malela,n’auraient pas encore vendu leurs « actions » ni été désintéressées mais voudraient - en communion inavouée avec les voisins de notre pays - un Congo éperdument faible dans notre village planétaire où il n’existe pas de code de conduite morale.
Aussi longtemps que le peuple congolais n’aura pas confessé et réparé son péché originel et qu’il n’aura surtout pas entrepris de finir le travaildes pères de l’Indépendance suivant la promesse faite et le rendez-vous fixé unanimement depuis six décennies déjà, l’horloge nationale ne sonnera pas véritablement la première heure de l’envol pour le grand voyage de conquête des rives de la mer, celles de la vie heureuse et la chaîne des échecs et des tragédies continuera de déferler au grand dam des populations congolaises en déshérence.
Confesser et réparer le péché originel pour un retour à l’endroit sur la démarche gouvernementale, à savoir par une progression contrôlée de « l’urgence de pensée à l’urgence d’action » en remplacement du volontariste « agir d’abord et réfléchir après » qu’emboucha tôt P.E. Lumumba sous les feux du front de la lutte pour l’autodétermination !
Pleinement conscient du saut dans l’inconnu que le Congo se devait et s’apprêtait à faire depuis juin 1960, P. E. Lumumbamartelait avec une volonté d’airain : « … Nous n’avons pas choisi les voies de la facilité mais celles de la fierté et de la liberté de l’homme. Nous avons compris que tant qu’un pays n’est pas indépendant, tant qu’il n’a pas assumé son destin, il lui manque l’essentiel. Et ceci reste vrai quel que soit le niveau de vie des colonisés, quels que soient les aspects positifs d’un système colonial… À quoi nous aurait servi d’ailleurs de tarder, de pactiser davantage alors que nous avions pris conscience de ce que tôt ou tard, il faudrait tout revoir, tout repenser par nous-mêmes…? »
Les nationalistes congolais de tous bord, élite politique comme élites intellectuelle, culturelle et même religieuse, partageaient alors la même volonté, la même détermination voire la même hargne de conquérir l’indépendante.
Jugeant le processus de décolonisation comme un phénomène inéluctable et urgent, l’AbbéJ.A. Malula ne s’encombrait guère de circonlocutions sur le sujet : « l’accès à l’indépendance des pays africains devait se faire dans la tranquillité et la paix, un quart d’heure trop tôt qu’un quart d’heure trop tard. ».
Que n’aurait été opportunément le rayon d’inspiration de la population si engagée dans l’exercice de définition et construction d’un Congo de grandeur avec l’encadrement et l’accompagnement de l’Église Catholique du Congo sous l’éclairage de la DSE, ce trésor bien trop méconnu, qui « propose une vision réfléchie de la société ainsi que des objectifs, des principes, des valeurs et des réflexions indispensables pour la mettre réellement au service de la personne humaine » (Joël Thoraval) !
Une refondation géo-référencée à la DSE, un authentique sésame ? Il ne s’agit pas du tout ici d’une œuvre apologétique ou catéchistique d’appel général à la conversion des Congolais à la foi catholique. Face au spectre du cataclysme, le temps nous est compté ! Ce ne serait pas faire œuvre utile pour le Congo en déshérence que de chercher à réinventer le vaisseau de l’explorateur Stanley. Aussi, l’exhortation s’adresse-t-elle à des millions de Congolais de bonne volonté de toutes croyances et sensibilités spirituelles. Allons puiser la sève inspiratrice des enseignements sociaux à la source de la DSE afin de nous accorder aisément dans l’exercice de formation du destin national ! S’est-on posé la question de savoir comment les grandes nations dites développées de la civilisation judéo-chrétienne avaient érigé les fondations de leurs États ?
Les deux objectifs clés de la DSE sont la « destination universelle des biens » et la « promotion du bien commun » (ensemble des conditions sociales qui permettent, tant au groupe qu’à chacun des membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée :nourriture, vêtement, habitat, droit de choisir librement son état de vie, fonder une famille, droit à l’éducation, au travail, au respect, à une information convenable, droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris en matière religieuse.
Les trois principes qu’elle promeut pour atteindre ce double objectif sont les principes de subsidiarité (ce qu’un niveau inférieur peut gérer harmonieusement ne doit pas être traité par un niveau supérieur) , de solidarité (complète la subsidiarité pour compenser les disparités et contrebalance la tendance naturelle à préférer son intérêt immédiat à celui de l’ensemble) et de participation (le citoyen, comme individu ou en association, directement ou au moyen des représentants, doit vivifier la vie culturelle, économique, sociale, politique de la communauté civile. « Que chacun s’examine pour voir ce qu’il a fait jusqu’ici et ce qu’il devrait faire. Il ne suffit pas de rappeler des principes, d’affirmer des intentions, de souligner des injustices criantes ! » (Paul VI)
L’ensemble s’appuie sur quatre valeurs de référence qui donnent le « souffle » nécessaire à la mise en œuvre des objectifs et des principes de la DSE : les valeurs de vérité, de liberté, de justice et de charité.
Armée de ce cadre doctrinal fondateur, réfléchi et cohérent, la DSE s’est exprimée avec force sur un certain nombre de réalités pratiques essentielles : la famille, le travail, l’économie, le développement - en opposition à la croissance économique- ou progrès, c’est-à-dire un développement authentique, favorable à l’homme ; intégral, tout l’homme et tout homme ; solidaire, toute l’humanité ; et plénier, un humanisme ouvert à Dieu, le développement étant l’autre nom de la paix, l’écologie, la communauté politique, la communauté internationale, la paix, les droits de l’homme, la culture, la morale et la civilisation - de l’amour et non celle dite moderne qui a pris ses distances vis-à-vis de Dieu.
Les temps particulièrement éprouvants que vit la RD Congo depuis quelque trois décennies peuvent paradoxalement constituer, ainsi que le martelait l’Abbé François Luyeye par exemple, le « kaïros » pour sa refondation par la remise en l’endroit des institutions en fonction de la destination que le peuple aura choisi de poursuivre pour son bonheur commun.
Vivement un gouvernail présidentiel d’orientation de l’avenir ! Évaluer, anticiper, débattre, proposer pour déterminer les grandes orientations de l’avenir de la nation, une mission significativement fondatrice pour justifier l’institution d’un Commissariat général à la stratégie et à la prospective ! La question de refondation est globalement un exercice collectif et communautaire consistant à lever les options fondamentales et par la personne humaine et par la société civile avant de les soumettre à la sanction de la communauté politique.
La personne humaine du fait de sa vocation communautaire doit vivre dans le cadre de la société civile, c’est-à-dire une société ouverte au bien commun, à la démocratie, au principe de subsidiarité, de solidarité, de participation, de justice dans la charité. Il appartient à la communauté politique d’assurer le bon fonctionnement de l’ensemble dans le cadre des institutions économiques, sociales et politiques. Ce rôle ne confère pas à la communauté politique ni au chef de l’État le droit de se substituer au peuple, celui réservé exclusivement à ce dernier de se déterminer souverainement et directement l’avenir de son choix.
Mais, c’est à travers le rôle de coordination et de pilotage de l’action de toute la communauté politique généralement dévolu à un Commissariat général au plan dit Commissariat général à la stratégie et à la prospective lui-même placé sous son autorité directe que le président de la République pourra disposer de tous les leviers lui permettant de s’assurer de pouvoir imprégner de bout en bout de son empreinte le processus de détermination du destin national par le peuple et à ce titre de passer royalement à la postérité des générations successives à venir d’ici à l’horizon 2085 du Congo bicentenaire un héritage réellement glorieux !
Pour l’indépendance, toutes les élites finirent par faire le choix de la voie de l’autodétermination par le Congolais ! Perceptible dans leurs discours de révolte à forte charge d’émotion quoique mêlée à une bonne dose de lucidité, mais sans un front idéologique franc et univoque de la transformation de la société et cela dans l’éducation et la mise en place des structures nouvelles (mentales, morales, sociales, économiques, politiques, éducatives)
« À l’occasion du cinquantenaire (1909-1959) de l’annexion du Congo, la Belgique doit s’obliger, sans équivoque, à conduire le Congo, endéans un délai à préciser, ne pouvant dépasser 25 à 30 ans, vers le plein exercice de sa souveraineté… », telle fut la trame des propositions de Van Bilsen !
Par contre, dans la suite de l’esprit de la Ligue des Évolués catholiques du Congo ( LEC) – dont entre autres leaders, Cyrille Adoula, Joseph Iléo et leur animateur l’Abbé Joseph Albert Malula - qui publient « le Manifeste » dans le journal « Conscience africaine » le 30 juin 1956, la position congolaise est de réclamer le respect de la dignité humaine bafouée et de mener une réflexion responsable sur la situation sociale et politique de la société congolaise et une analyse concrète pour en discerner les « signes des temps » !
Ainsi, lors de sa conférence sur « L’âme de l’Afrique noire » à l’Exposition Internationale de Bruxelles, J.A. Malula,jugeant le processus de décolonisation comme un phénomène inéluctable et urgent, ne s’encombra guère de circonlocutions sur le sujet pour s’opposer aux propositions de Van Bilsen, soutenant que l’accès à l’indépendance des pays africains devait se faire dans la tranquillité et la paix, « un quart d’heure trop tôt qu’un quart d’heure trop tard »
Le premier discours du tout premier Premier ministre congolais P.E. Lumumbaétait déjà porteur de l’attachement d’une génération d’hommes conscients du destin africain du Congo. Il tranchait sans équivoque ni ambages : Nous n’avons pas choisi les voies de la facilité mais celles de la fierté et de la liberté de l’homme. Nous avons compris que tant qu’un pays n’est pas indépendant, tant qu’il n’a pas assumé son destin, il lui manque l’essentiel. Et ceci reste vrai quel que soit le niveau de vie des colonisés, quels que soient les aspects positifs d’un système colonial.
Notre volonté d’indépendance rapide sans période intermédiaire, sans compromis, nous l’avons imposée avec d’autant plus de force que nous avions été davantage niés, dépersonnalisés, avilis.
À quoi nous aurait servi d’ailleurs de tarder, de pactiser davantage alors que nous avions pris conscience de ce que tôt ou tard, il faudrait tout revoir, tout repenser par nous-mêmes, créer des structures nouvelles adaptées aux exigences d’une évolution proprement africaine et reconvertir les méthodes qui nous avaient été imposées et surtout nous retrouver nous-mêmes, nous débarrasser d’attitudes mentales, des complexes, d’habitudes dans lesquels la colonisation nous avait maintenus durant des siècles ?
Malheureusement, l’action de J.A. Malula perçue par le régime Mobutu comme une opposition farouche à son projet politico-idéologique en ce que l’Église catholique rejetait les excès, les dérapages et l’irrationalité, n’a jamais été interrompue ! L’Église garde l’heureuse mémoire du Cardinal J.-A. Malula à travers son immense œuvre, celle d’un homme de grande foi et un mythique, un visionnaire, un prophète de son temps, un grand homme d’action, dont le rêve fut d’assister à la triomphale apothéose de l’œuvre belge au Congo : « Une Église congolaise dans un État congolais ». Lui qui, le 20 septembre 1959, lors de son sacre (Évêque de Kinshasa), émit le « vœu… de voir se poursuivre, dans l’avenir, cette collaboration franche et sincère dans l’esprit et le respect des droits respectifs des deux sociétés parfaites, afin que dans un avenir très proche, nous puissions assister à ce qui sera la triomphale apothéose de l’œuvre belge au Congo. »»
Ce sont les élites qui font le pays, sa prospérité, sa grandeur. Le Chef d’un État ne peut gouverner qu’en s’appuyant sur une classe dirigeante, composée d’hommes et de femmes que leur formation, leurs capacités, leur situation sociale,placent à côté de lui. En toute société, qu’elle soit démocratique ou non, le pouvoir est entre les mains d’une minorité. Le gouvernement sera bon si cette minorité est une vraie élite. Tout bon gouvernement suppose l’existence d’une élite intègre, active, dévouée au bien public, et capable de guider avec compétence un peuple probe, honnête et travailleur.
Pour conjurer le funeste destin qui étreint rageusement et impitoyablement le Congo, il urge que le commandant en Chef engage, sous peine d’être condamné un jour par l’Histoire pour faute lourde, la nation à « finir le travail des pères de l’indépendance». Dans cette exaltante mission, son rôle primordial est la formation d’un « bon gouvernement ».
En effet, « un monarque de génie, un dictateur, peut, à lui seul, pendant quelque temps, accomplir de grandes réformes, mais un bon gouvernement n’est durable et les réformes ne portent leurs fruits, que si une élite s’applique à les faire passer dans la pratique. C’est l’ensemble des élites du pays (élites religieuses et morales, intellectuelles et scientifiques, artistiques, techniques) qui font le pays, sa prospérité, sa grandeur. »
Nos pères de l’indépendance - et surtout leurs successeurs - omirent d’écouter la voix de J. Andriansens, cet essayiste Belge qui, vers le milieu du 20esiècle, soit en 1956, traitant de la problématique de l’organisation du pouvoir en Belgique et de celle spécifique de « bon gouvernement », interpelait les élites en ces termes en ce qui concerne les États alors sous-développés : « Dans un pays où tous ceux qui détiennent le pouvoir sont d’accord pour en profiter, où les fonctionnaires disposent avec désinvolture des fonds publics mis à leur disposition, il est impossible d’avoir un bon gouvernement. Si ces abus sont entrés dans les mœurs, s’ils sont généralement admis, le Chef de l’Etat le plus génial et le plus énergique n’y pourra rien changer ».
Un « bon gouvernement » est plus « affaire des hommes que des institutions politiques et suppose justement de bonnes mœurs publiques, des hommes et des femmes capables et actifs qui mettent leur esprit et leur activité au service de la prospérité commune ». Et pour avoir un bon gouvernement le défi central est dansle choix judicieux et le contrôle et la sanction… diriger, contrôler, sanctionner des élites qui font la prospérité dans son entourage
Des signes annonciateurs et des avertissements francs s’accumulent depuis quelques années, telle cette semonce du réalisateur belge Thierry Michel (mars 2017) : « La RD Congo sera libre le jour où le peuple se révoltera non seulement à cause des violations de sa constitution, d’élections truquées ou de mandats présidentiels prolongés illégalement. Mais bien à cause des conditions de vie inhumaines, humiliantes et dégradantes qui lui sont imposées par ses dirigeants dans un pays au sol et au sous-sol extrêmement riche, et dans ces provinces qui sont de véritables coffre-forts de matières premières et de minerais précieux, indispensables à la révolution technologique et numérique du monde contemporain et qui font la puissance économique des grandes multinationales et des pays occidentaux et asiatiques ».
Vivement un coup d’arrêt à la vertigineuse descente aux enfers du pays !En quoi de nouvelleslois et réformes serviraient-elles à un pays désintégré ? Nicolas Baverez, énarque français, faisait observer avec à-propos que « les réformes d’aujourd’hui créeront la production de demain et le pouvoir d’achat d’après demain ». Aucune nouvelle loi ne viendrait sauver le Congo du cataclysme qui le guette. Il faut regarder ailleurs, ou révolution ou rectification d’une révolution et cela va au-delà des lois et des réformes. C’est avant tout dans l’action !
Il est de ces grands soulèvements collectifs qui, faute de signes prémonitoires, sont pratiquement imprévisibles, analysait Jean Stengers (Congo-Mythes et Réalités 100 ans d’histoire, en 1989 ) : « Lorsque les Belges voyaient en 1955 lors du voyage de leur Roi au Congo, les foules congolaises manifester un enthousiasme et un loyalisme unanimes, lorsqu’ils entendaient monter versle Roi les acclamations pouvaient-ils deviner que, quatre ans plus tard, ces mêmes foules clameraient des slogans nationalistes ? Lorsqu’à la même époque, sous la plume d’un jeune évolué aussi remarquable que Patrice Lumumba, ils trouvaient des éloges bien sertis de la Belgique et de son oeuvre coloniale, pouvaient-ils deviner ce que deviendraient dès 1958 les discours du même Lumumba? À vrai dire, personne ne l’a deviné ».
Aujourd’hui, lepeuple d’en haut, celui des néo-esclavagistes, des affameurs, des gouvernants, des riches et des puissants, le peuple des oligarques sui generis, devenus sourds, oublieux, englués dans des travers sociaux de la bêtise, du mensonge et de la trahison, se vante allègrement d’avoir transformé le peuple d’en bas en des parias, qui vénèrent leurs propres bourreaux, ces hommes et femmes dont les fortunes ont des origines criminelles et qui, majoritairement, savent toujours sentir le vent tourner à l’approche des virages, à l’instar des soubresauts actuels consécutifs aux élections chaotiques de décembre 2018 ! Les dirigeants paraissent tellement déconnectés des réalités de la RDC d’en bas qu’ils ne comprennent le sentiment d’injustice criante qu’éprouvent les « gens de peu » ; les damnés de la terre congolaise…des villes comme du Congo périphérique.
Toutes ces colères…grondent sourdement depuis les années 2015…Quand on est confronté à une telle situation confuse, généralement c’est un mouvement de type attrape-tout, surgi de nulle part, qui arrive à fédérer des colères de toutes sortes et peut tout balayer.
La tenue d’un vaste débat national autour du pacte social, du moratoire pour une transition et surtout la vision en correction du péché originel. Il n’est jamais trop tard pour tout recommencer ….Le refus des élites dirigeantes serait plus qu’une erreur : une faute. Le système hérité de la colonisation avec sa vision léopoldienne craque de toutes parts et court à la faillite, suite au traitement injuste et dangereux réservé à ceux qui peinent pour financer les excès des dirigeants
En l’absence de repères ou de charte des valeurs et des devoirs rivés dans la conscience, des acteurs politiques, économiques, sociaux, même religieux…tous débridés et déchaînés dans leur quête quotidienne d’un mieux-être, avoir plus, pouvoir plus – vie pour les uns et survie pour les autres –aucune loi ne triomphe des mœurs dissolues. Comment en est-on arrivé à pareil niveau de délitement social, de déliquescence ?
Faire la révolution suppose néanmoins un investissement personnel de chaque instant. Or, la plupart de gens n’ont ni la force, ni le temps, ni l’envie de soutenir durablement le mouvement révolutionnaire. Dès lors, les foules révolutionnaires sont vite réduites à des minorités. Et plus ces minorités se réduisent, plus elles se radicalisent au nom du « peuple » dont elles affirment exprimer la volonté. C’est ainsi que la Révolution française s’est transformée en un théâtre d’ombres masquant la lutte entre factions ultra-minoritaires cherchant à s’approprier la prétendue volonté du peuple. La voie révolutionnaire n’a pas ouvert le chemin aux conquêtes sociales. Les progrès sociaux ne sont jamais sortis des révolutions (radicalisme), mais sont au contraire l’œuvre des gouvernements réformistes. (HistorienPatrice Gueniffey, cité par Jean Sévillia, article in Le Figaro Magazine du 28-29 février 2020 : Les progrès ne naissent pas des révolutions).
En RDC il s’agit de remonter au péché originel pour jeter des fondations profondes nouvelles en remplacement de celles léopoldiennes. Ainsi la Révolution française n’a pas mis en œuvre le pouvoir du peuple mais le pouvoir des minorités ; et même la tyrannie des minorités. Le peuple à la fois un principe de légitimité et une réalité sociologique. La souveraineté populaire est une, indivisible, inaliénable, irreprésentable et absolue.
La représentation produit une élite de la politique qui va s’autonomiser et fonctionner par esprit de corps, un phénomène de corruption et d’usurpation s’enclenche. Le contrat social ne saurait prendre la forme d’une délégation, sinon la liberté serait perdue. Obtenir l’indépendance du pays sans donner au peuple sa dignité et son auto-détermination ! Dirigeant devenu le bourreau de son propre peuple qu’il a appauvri et affamé sans remords. Un maître-baron trônant sur des
Quand les hommes et les femmes ont faim(soif), les discours sur la démocratie et la liberté qui ne prennent pas en compte cet aspect matériel peuvent sonner creux et éroder la confiance dans les valeurs que nous cherchons précisément à promouvoir (N. Mandela,2010)Les libertés qu’apporte la démocratie resteront des coquilles vides si elles ne s’accompagnent pas d’une amélioration réelle et tangible des conditions de vie matérielles de millions de citoyens ordinaires de ces pays.
La RDC ne se construira pas d’un coup, ni dans un élan de rêves sublime ; elle se développera par des réalisations concrètes, créant d’abord un projet social ambitieux, clair et réaliste assorti d’une charte de valeurs et de devoirs.
« Les peuples doivent avoir le droit de déterminer leur propre destin »…. « On peut dire qu’il y a quatre choses élémentaires que veut la masse des gens qui composent une société : vivre (ensemble) dans un environnement sûr ( à tous égards), pouvoir travailler et gagner son pain, avoir accès à des soins de qualité (allant de pair avec EHA) et offrir une éducation correcte à ses enfants. Aujourd’hui, en tant que société, nous luttons dans chacun de ces quatre domaines, mais ayons confiance : l’implication de tous et de chacun permettra de dépasser les obstacles vers le développement.Les rêves et les projets que nous avions formés s’avèrent difficiles à réaliser, et quand le sort s’acharne, le destin offre rarement des ponts d’or (N. Mandela).
Un pays où un trop grand nombre d’individus tâche de vivre d’expédients ou du travail d’autrui ne sera jamais un pays prospère. Devant l’oisiveté généralisée, devant l’esprit de spéculation qui veut moissonner sans avoir semé, le meilleur gouvernement est impuissant (…).
« Plus les membres d’une société sont culturellement divers, plus celle-ci doit veiller à la clarté des règles communes et à l’équité dans leur mise en œuvre ; plus une société est marquée par l’inégalité, plus les services publics doivent être les garants effectifs de l’égalité d’accès aux biens fondamentaux ; plus elle se vit comme disparate, plus il lui faut produire du lien social ; plus elle est travaillée par des tensions, plu selle doit avoir confiance en ses institutions politiques, en leur aptitude à définir le bien commun et en leur capacité à le faire respecter. »
Le moins que tout esprit critique puisse tirer comme conclusion de la confrontation BELGIQUE - CONGO des années 50 est que la nation colonisatrice n'était ni disposée à se départir de sa mainmise ni prête à accompagner les efforts des congolais dans la voie de la continuité de l'oeuvre de construction. Si les protagonistes avaient suivi la voix du professeur Van Bilsen de l'Institut Universitaire d’Outre-mer, lui qui en 1956 proposait "Pour un plan de 30 ans pour l'émancipation politique de l'Afrique Belge", peut-être que l'histoire du Congo-Zaïre s'écrirait autrement, comme celle du "plus grand des États indépendants d'Afrique" selon le vœu prophétique du roi Baudouin. Mais l'idée de la continuité n'était plus soutenable. Certes, le groupe de Joseph Iléo fut le premier à revendiquer l'indépendance du Congo dans une proclamation historique intitulée "Le Manifeste de Conscience Africaine", dont la démarche affichait de la modération dans sa quête de l'indépendance ou dans sa volonté de répudiation de la colonisation :
"La Belgique doit être fière que - à l'inverse de tous les peuples colonisés - notre désir s'exprime sans haine et sans ressentiment. C'est là une preuve indéniable que l'oeuvre des Belges dans ce pays n'est pas un échec.
Mais la Belgique qui se félicite, le Congo qui peste. Le roi Baudouin ne déclarait-il pas avec satisfaction et fierté : "l'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'oeuvre conçue par le génie du roi Léopold II, entreprise avec persévérance par la Belgique !" ? "Pendant 80 ans, poursuivit-il, la Belgique a envoyé sur votre sol les meilleurs de ses fils, d'abord pour délivrer le bassin du Congo de l'odieux trafic esclavagiste qui décimait ses populations ensuite pour rapprocher les unes des autres les ethnies qui, jadis ennemies, s'apprêtent à constituer ensemble le plus grand des États indépendants d'Afrique". "En ce moment historique, notre pensée à tous doit se tourner vers les pionniers de l'émancipation africaine et vers ceux qui, après eux, ont fait du Congo ce qu'il est aujourd'hui. Ils méritent à la fois notre admiration et votre reconnaissance, car ce sont eux qui, consacrant tous leurs efforts et même leur vie à un grand idéal, vous ont apporté la paix et ont enrichi votre patrimoine moral et matériel".
En dressant ce bilan, le roi Baudouin voulut convaincre quant au caractère salvateur de l'action belge au Congo quand, lors de la séance de clôture de la Table Ronde de janvier 1960 à Bruxelles, il relève : "Ce Congo, nous vous le rendons avec une administration constituée, des grandes villes, des chemins de fer, des routes, des aérodromes, des hôpitaux, des écoles, une élite intellectuelle, une monnaie, des industries, une agriculture considérablement développée, un niveau de vie et une activité économique que beaucoup de pays neufs vous envient". Pour la Belgique donc, il n'y a aucun doute que son oeuvre au Congo a été grandiose et bénéfique, même s'il reste vrai que beaucoup reste à faire, comme en témoigne l'ouvrage de l'ancien ministre belge des affaires étrangères, Paul-Henri Spaak, paru en 1969 aux Éditions Bayard sous le titre évocateur "Combat inachevé".Inachevé non seulement par rapport à la construction du Congo pour le bien des Congolais mais également et probablement surtout par rapport aux objectifs de mise en valeur du territoire congolais au profit de la métropole.
C'est d'ailleurs dans l'appréciation de ce dernier aspect que prennent naissance nombre de récriminations formulées à l'égard de l'action du colonisateur belge tout comme dans celle de la manière, des méthodes utilisées pour exploiter les richesses de la colonie.
Et Lumumba, enflammé, de marteler : "Congolais, Congolaises. Je vous demande de faire de ce 30 juin une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l'histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté. Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes car ce fut une lette noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force". "Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient pas de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des être chers.Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin , midi et soir, parce que nous étions des nègres". "Qui oubliera qu'à un Noir on disait "tu", non certes comme à un ami, mais parce que le "vous" honorable était réservé aux seuls Blancs ?". "La loi n'était jamais la même selon qu'il s'agissait d'un Blanc ou d'un Noir. Accommodante pour les uns, inhumaine pour les autres. Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses : exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même".
La Belgique ne pouvaitque récolter de telles récriminations, elle qui avait, comme l'indique Euloge Boissonnade, l'auteur du livre "Le mal zaïrois", dans son autre ouvrage "Kabila, clone de Mobutu ?" appliqué l'aphorisme "Pas d'élites, pas d'histoires". L'auteur cite le Journal Le Soir du 20 avril 1960 qui souligne que "le Congo aujourd'hui ne dispose que de seize universitaires pour remplir les tâches qui s'imposent à lui..., en tout et pour tout, que seize médecins, ingénieurs et hommes de loi pour le conduire vers ses nouvelles destinées. C'est peu pour ce jeune Etat indépendant".
Dire "peu" c'est sans doute un euphémisme. La Belgique octroie en fait une indépendance piégée, elle qui, comme l'affirme E. Boissonnade (pp34-35), accorde "une indépendance purement fictive et nominale". "Un calcul assez machiavélique, avoue M. Staelens, quand il écrit : "De Schryver, le ministre belge responsable, a octroyé l'indépendance tout de suite, mais il n'a opéré aucune des réformes préconisées par M. Van Bilsen". Pis, la Belgique s'employa, ajoute-t-il, à casser le Premier Ministre Lumumba.
Ainsi donc, à son accession à l'indépendance, le Congo n'a pas de capacités humaines pour esquisser les grandes lignes de son propre "combat", celui de son développement. P.E. Lumumba, devenu Premier Ministre, accaparé par la bataille pour le « redressement du front » du Congolais longtemps courbé sous les humiliations subies quotidiennement et les coups de fouet impitoyables administrés sur la place du village par l'autorité coloniale, n'eut ni opportunité ni temps pour tracer la nouvelle voie, celle qui put permettre aux Congolais de travailler dans la dignité pour des salaires justes, de manger à leur faim, de se vêtir ou de se loger décemment et d'élever leurs enfants de manière correcte.
Néanmoins, des éclaircies de gouvernance avec Moïse TSHOMBE comme Cyrille ADOULA, selon les dossiers du CRISP suffisamment instructifs sur le grand vide dont a souffert le Congo en ces folles années de la première République, 1960-1965, ainsi que le livre de E. Boissonnade (p.75) rapportant cette appréciation de Jean-Jacques Chouet, éditorialiste du journal suisse La Tribune de Genève,sur l'homme d'Etat Dr Moïse Tshombe Kapend,l'ancien Premier ministre Congolais en exil en Espagne, alors enlevé et interné à Alger où il mourut dans sa prison de Boufarik en 1968. Le journaliste écrit en date du 4 juillet 1967 : "Autant dire que sa vie ne tient qu'à un fil. Si le fil casse, il sera toujours temps pour les Congolais de regretter la disparition d'un homme qui, avec tous ses défauts, est le seul parmi eux à avoir montré jusqu'ici les qualités d'un véritable homme d’État".
Rappelé de son premier exil en 1964 pour diriger le gouvernement, et puissamment aidé par les Occidentaux, comme l'indique Elikya Mbokolo dans son ouvrage (p.160), M. Moïse Tshombe se révéla homme d'Etat ayant une vision globale sur le destin du pays, même si l'opinion n'épargne aucun dirigeant congolais de l'époque, tous étant réputés "penser par procuration", laissant "à d'aimables conseillers (blancs) le soin d'élaborer les idées et les programmes politiques".
Pendant la période de la première République, l'économie est, écrit Elikya Mbokolo, "totalement désorganisée". "La classe politique fit déjà de l'exercice du pouvoir le moyen le plus sûr et le plus rapide d'accumulation : elle suscita par exemple la création des provincettes (6 provinces en 1960; 21 en 1965) qui flattaient le particularisme ethnique des populations mais où la corruption, le népotisme, le détournement des biens publics furent érigés en système de gouvernement. Déchiré par la guerre civile, l'Etat était au bord de l'effondrement". C'est l'époque des « rivalités et des conflits les plus sordides entre politiciens libéraux, socialistes et démocrates-chrétiens, entre syndicalistes ou encore radicaux et modérés, régionalistes et nationalistes, fédéralistes et unitaristes », l'époque des « associations ethniques et tribales à vocation culturelle où se faisait la jonction entre l'élite et le peuple », tandis que l'élite, indique E. Mbokolo, était regroupée en « associations d'anciens élèves placées sous le contrôle et le patronage des missionnaires », creusets où se façonnaient les futurs dirigeants à l'image des "modèles coloniaux".
Dans ces années-délires, l’on doit à Cyrille Adoulad’avoir, somme toute, donné des signes forts de souci voire de volonté politique de bonne gouvernance. Tout comme plus tard, avec Moïse Tshombe.
En effet, c’est avec admiration que l'on peut par exemple lire la déclaration faite le 10 juillet 1965 par le Chef du Gouvernement de salut public, M. Tshombe,dressant le bilan d'un an de l'action de celui-ci. La clarté et la pertinence du texte ainsi que l'action même tranchent avec le « brouillamini général et la médiocrité structurelle » de l'époque. M. Tshombe résume ainsi ce bilan en principaux points que voici :
• Répudier les thèses des "soi-disant nationalistes" qui plongeaient le pays dans la misère et prendre les mesures pour le retour de l'ordre et de la légalité au pays, notamment le renforcement de l'armée nationale moyennant la réunification avec la gendarmerie katangaise et partie de celle du Sud-Kasaï, vestiges des sécessions respectives des deux régions;
• Organiser les élections après le regroupement de toutes les forces vives du pays dans un même ensemble afin d'élaborer une politique commune capable de mener le pays vers le bonheur et la prospérité. M. Tshombeeut pour sa part le bonheur de renforcer son leadership avec la CONACO sortie du congrès de Luluabourg grâce à l'adhésion de 49 partis politiques à une ligne de conduite commune, attachée à la construction d'un Congo nouveau dont le nom ne serait plus bafoué à l'étranger;
• Faire régner l'ordre et la paix dans le pays moyennant la modernisation de l'ANC et la réorganisation de la Police nationale à travers les mesures planifiées et concrètes;
• Élaborer un vaste programme social "que nous avons suivi étape par étape", notamment par l'aide en médicaments, en denrées alimentaires, en vêtements fournis aux zones libérées..., un programme général d'activités des foyers sociaux, de centres de perfectionnement de cadres et animateurs de centres ruraux...Ce volet d’actions sociales fut d’une efficacité indéniable dont notre mémoire d’enfance retint des réalisations remarquables en milieu rural lointain, par exemple au centre de rayonnement du FBI de Befale, qui vit ses foyers sociaux reprendre vie et des médicaments ainsi que des denrées alimentaires abonder en provenance du Gouvernement central.
• Récupérer tous nos droits que les Gouvernements précédents, corrompus, avaient abandonnés aux mains d'étrangers. C'est ici qu'est née la célèbre anecdote de la "mallette diplomatique" magique de M. Tshombe que la contre-propagande orchestrée sous la deuxième République présenta comme l'illusion d'indépendance économique nationale de M. Tshombé. Celui-ci se voulait rassurant à ce sujet quand il présentait le Congo comme « le seul pays africain qui, sans avoir nationalisé quoique ce soit, contrôle toutes les sociétés importantes et peut ainsi diriger les activités économiques du pays ». Nous avons récupéré, s’exclamait-il, notre Portefeuille, soit le pactole de 37 milliards de francs belges équivalent de 135 milliards de francs congolais de l'époque.
• Entreprendre un vaste programme des investissements et d'aide économique avec le concours des pays européens et des États-Unis.Ici, le Gouvernement avait mobilisé des experts tant nationaux (!) qu'internationaux afin d'attirer dans notre pays des capitaux sans distinction d'origine ni d'idéologie. Il s'attacha donc à créer des industries de transformation pour libérer le pays du joug des fluctuations des cours mondiaux des matières premières et à développer la capacité de production du pays, l'exploitation rationnelle de ses ressources naturelles et de son potentiel économique ainsi que de l'exploitation à plein rendement de la capacité de production des entreprises existantes.
Ce programme fut, par contre, moins perceptible en réalisations, la chose ne relevant pas de ces actions du court terme. Mais cet élan sera brisé soudainement quand, sortant d'un long et mystérieux "mutisme", le Président Kasa-Vubu révoque le "diable" de premier ministre congolais, M. Tshombé, le 13 octobre 1965 à l'occasion de son discours devant le Parlement lors de la 1ère session ordinaire de la deuxième législature ouverte le 7 octobre 1965 (les deux chambres réunies en congrès). Le premier Président de la République du Congo n’était donc pas de la race de ces chats qui, échaudés, craignent l’eau froide. N’était-il pas sorti une première fois vainqueur du bras de fer qui l’avait opposé au premier Premier ministre congolais, P.E. Lumumba ? Une fois n’est pas coutume.
En effet, il prépara cette fois plutôt le lit pour la grande muette : à l'aube du 25 novembre 1965, le haut commandement de l'ANC rend publique sa proclamation datée du 24 novembre 1965 de la prise du pouvoir - pour 5 ans ! - qui fait du lieutenant-général Joseph-Désiré Mobutu le nouveau chef de l'Etat et c'est le colonel Léonard Mulamba qui est désigné pour assumer les fonctions de premier ministre d'un gouvernement dit "d'union nationale dont fera partie au moins un membre de chacune des 21 provinces de la RDC et de la ville Léopoldville". . Joseph Kasa-Vubu a ainsi éliminé son principal rival politique alors en vue, M. Tshombe, mais n'a pas eu le temps de savourer sa victoire, lui qui venait de désigner M. Évariste Kimba formateur du nouveau gouvernement, en réalité pour opposer davantage ce dernier à son corégionnaire renvoyé, M. Tshombé, suivant le pernicieux jeu de 1960 : "diviser pour régner !"Le gouvernement Kimba fut quand même formé et nommé le 18 octobre 1965.
Au sujet des chances du colonel Mulamba désigné premier ministre le 25 novembre 1965, M. Tshombé dit notamment : "Le colonel est un excellent militaire, mais il va rencontrer des difficultés extraordinaires. La situation économique et financière est mauvaise, et je le plains de devoir supporter les responsabilités qu'il a acceptées... La situation économique et financière est préoccupante. La situation militaire n'est pas excellente. Pour affronter la rébellion il faut un fort appui populaire. Actuellement, le général (Mobutu) a certes l'approbation de toute la population, qui a d'ailleurs cru que je faisais le coup d’État avec lui. La population est soulagée, elle appuie Mobutu. Il faut que cela dure". Cela durera certes plus que cinq ans, mais les données socio-politiques et même économiques auront beaucoup évolué, et l’enthousiasme populaire de 1965 ne sera plus l’allié de Mobutu à la veille du 17 mai 1997.
Remarquons que 32 ans plus tard, au lendemain de la prise du pouvoir par L.D. Kabila le 17 mai 1997, c'est le même "soulagement" chez la même population. Une constante ? Il faut savoir lire et chercher à rencontrer les attentes de la population. En tout cas, jusqu'en décembre 1965, J.D. Mobutu et son gouvernement semblent remplir cette condition, du moins au niveau des intentions déclarées dont malheureusement la deuxième République s'est inexorablement éloignée au fur et à mesure de l'enlisement des gouvernants dans la poursuite de la satisfaction des ambitions personnelles au mépris du destin national. En décembre 1965, les déclarations du Président Mobutu à des journalistes sont d’une candeur et d’une noblesse saisissantes, plus particulièrement le discours-programme prononcé au stade de Léopoldville le 12 décembre 1965. Seulement ce programme ne fut plus intériorisé à proprement parler pour pouvoir être traduit en action dans une approche globale et intégrée de gestion gouvernementale. C'est que la volonté clamée de mettre à profit la période 1966-1968 pour créer des « organismes provinciaux et centraux de planification » qui assurent l'exécution du premier plan quinquennal du Congo ne fut point concrétisée, tout comme ne fut pas élaboré ledit plan de développement même.
L'explication est peut-être à trouver dans le manque criant d'une élite intellectuelle congolaise capable de gouverner cet immense et riche pays qu'est le Congo. C'est que les dirigeants n'ont pas su remplacer ces milliers de Belges "parmi les meilleurs fils du royaume" - selon l'expression du roi Baudouin 1er - qui avaient su donner le maximum pour bâtir, comme l'affirme E. Boissonnade dans son ouvrage (p.27) "un pays certes nanti d'une organisation administrative, économique, industrielle, agricole, sociale, remarquable et performante" mais "dépourvu de cadres administratifs, privé d'ingénieurs et de techniciens, sans officiers supérieurs, le pays ne possédant ni les instruments, ni les aptitudes indispensables pour gouverner...".
Les enfants du Congo-Zaïre ont les yeux hagards, tournés vers leurs élites, comme se demandant si les pères de l’indépendance congolaise avaient opéré le bon choix, avec P.E. Lumumba en tête, qui, en 1960, annonçait :
« Nous n’avons pas choisi les voies de la facilité mais celles de la fierté et de la liberté de l’homme. Nous avons compris que tant qu’un pays n’est pas indépendant, tant qu’il n’a pas assumé son destin, il lui manque l’essentiel. Et ceci reste vrai quel que soit le niveau de vie des colonisés, quels que soient les aspects positifs d’un système colonial. Notre volonté d’indépendance rapide sans période intermédiaire, sans compromis, nous l’avons imposée avec d’autant plus de force que nous avions été davantage niés, dépersonnalisés, avilis. A quoi nous aurait servi d’ailleurs de tarder, de pactiser davantage alors que nous avions pris conscience de ce que tôt ou tard, il faudrait tout revoir, tout repenser par nous-mêmes, créer des structures nouvelles adaptées aux exigences d’une évolution proprement africaine et reconvertir les méthodes qui nous avaient été imposées et surtout nous retrouver nous-mêmes, nous débarrasser d’attitudes mentales, des complexes, d’habitudes dans lesquels la colonisation nous avait maintenus durant des siècles ».
Quel splendide énoncé digne d’un orfèvre ! Pour une génération d’hommes très tôt conscients du destin africain du Congo des années 60, un tel discours de révolte ne pouvait, en dépit de la forte charge d’émotion mêlée à une lucidité tous azimuts, qu’emporter la plus large adhésion des têtes et des bras de l’ensemble des forces vives nationales et continentales. Mais, comme le souligne André Gide, « savoir libérer n’est rien ; l’ardu est de savoir être libre, s’assumer ».
Le grand Congo-Zaïre est fondamentalement sous-administré et même très insuffisamment géré. Cette triste réalité saute aux yeux quand l’on considère que le territoire, la structure politico-administrative fonctionnelle de base par excellence, en moyenne presque aussi grand que le Djibouti ou le Rwanda, n’a pour principal animateur à ce jour qu’un administrateur de territoire assisté de quelque trois ou quatre adjoints, tous catapultés comme lui-même, des études ou d’un chômage prolongé à la tête de ce qui ressemble à un pays, et cela généralement sans aucune expérience de gestion ou références professionnelles tout court. L’image la plus affligeante est donnée par Kinshasa, la Capitale, une mégapole de plus de dix millions d’habitants, nullement « gouvernée » par un gouverneur de la ville qui, à la tête d’une équipe dirigeante qui ne gouverne point, s’ingénie le plus souvent à faire « la mouche du coche » pour se flatter la conscience.
[1]Thandika Mkandawire, alors Secrétaire Exécutif du Conseil pour le Développement de la Recherche Économique et Sociale en Afrique, CODESRIA, dans sa préface du 11 octobre 1991 pour le magnifique ouvrage "prophétique" de Kankwenda Mbaya & douze co-auteurs: "Le Zaïre - Vers quelles destinées ?"
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