Une revue thématique du MESSAGE SOCIAL du Pape FRANÇOIS par UCC- IPCM: une contribution de Jean-Louis BONGUNGU 01 Juin 2023
L’Église de Congo-Kinshasa laisserait-elle l’épais ombrage de l’ivraie de la récurrence d’une conjoncture sociale nuageuse et implosivedessécher ou étouffer la germination des graines de la paix et de l’espérance répandues par le Saint-Père François en terre congolaise ?
Vivement que le peuple de Dieu se lève et dresse le front pour assumer, au prix de la réconciliation des cœurs et de l’unité de tous, la refondation et la construction d’une nation forte, prospère et juste au service du bonheur commun dans le cadre d’un pacte social de paix, un pacte républicain authentiquement congolais bâti dans le moule de pensée papal « Dialogue - Éducation -Travail » !
COMPENDIUM INTRODUCTIF
Yambi -Yambi[1] ! Papa Francisce, Christi pacis amator, seminatorque– « Tous réconciliés en Jésus Christ » : Une visite papale de tous les enjeux et espoirs au Congo-Kinshasa…
Vatican, 9 janvier 2023 : Rentrée parlementaire – Comme prélude du message papal, la visite du Saint-Père François en terre congolaise est annoncée « sous l’espérance de la cessation des hostilités à l’Est de la RDC en privilégiant un dialogue » en vue de la réconciliation des cœurs.
L’archevêque métropolitain de Kinshasa, Fridolin Cal Ambongo Besungu, fixa tout de go le clou des préludes du message papal, en déclarant par exemple : « Le Pape vient chez nous non pas comme un touriste, mais il vient comme le Pasteur universel. Il vient au nom du Seigneur. Son message sera essentiellement un message de réconfort considérant la réalité du peuple congolais, un peuple qui souffre dans sa partie Est du pays…pas seulement nous réconforter naïvement ; … ce sera aussi une invitation à la responsabilité d’un peuple qui souffre… cette souffrance du peuple congolais n’est pas une fatalité…»
Ainsi, le peuple de Dieu accueillait le Pape Françoisen semeur de la paix du Seigneur, à la lumière de ses nombreuses exhortations et adjurations dont celle du message délivré à l’occasion de la 3èmeJournée Mondiale des Pauvres, 13 juin 2019) : « À toutes les communautés chrétiennes et à tous ceux qui ressentent l’exigence d’apporter espérance et réconfort aux pauvres, (je leur demande) de travailler pour que cette Journée Mondiale des Pauvres renforce chez beaucoup, la volonté de collaborer efficacement afin que personne ne se sente privé de proximité et de solidarité ».
Au nom des millions d’anonymes,avec le sens de l’accueil, la confiance, la pugnacité et la ténacité rageuse de Zachée comme de Bartimée, le Guetteur de la Nation se tint sur le sycomore et emboucha le cor pour souffler un haut-le-cœur du peuple d’en bas qui peste contre son exécrable fortune : la situation sociale est intenable, lecorps social est entré en phase ultime de pourrissement dans tous ses organes, secteurs et segments par le grand mal de la corruption devenue endémique.
La météo socio-politique congolaise annonce un tsunami égalisateur des destins[2]à un horizon très proche, une révolution violente, une guerre de tous contre tous, sur le point de déferler sur le pays, ravageant indistinctement et irrémédiablement.Congo-Kinshasa, notre maison de la terre sous les ondes de choc des vagues à répétitions d’une chicaya politique récurrente à nulle autre pareille dans le monde habité, vit peut-être le dernier acte de la tragédie de son pourrissement, à en juger à travers de nombreux signes manifestes d’effondrement et d’engloutissement qui s’épaississent de jour en jour.
Les élites dirigeantes se noient dans des travers sociaux de la bêtise, du mensonge et dela trahison,le peuple d’enbas trinque. Le spectre d’untsunami social dévastateur, égalisateur des destins !La coupe déborde depuis ces années 2020 qui auront accumulé comme un concentré des tragédies que le pays vit depuis le 30 juin 1960, date de son accession à la souveraineté nationale et internationale !Une pauvreté massive, le règne de l’injustice, des services publics de base minés par une corruption institutionnelle et le ciment pour le vivre ensemble ruiné, des frustrations et colères qui s’accumulent et grondent…marquent l’inéluctabilité d’une révolution imminente.
Le tableau est apocalyptique, conséquence de l’incompétence et l’incurie des élites dirigeantes durant les trois dernières décennies, de leur orgueil, leur dédain, leur insolence, leur indifférence voire leur inhumanité, tous travers comportementaux résultant sur la disparition de l’autorité de l’État : des nuages chargés des colères s’accumulent dans le ciel congolais.
Les gens de peu sont traités comme desordures, sans qu’aucun sentiment de culpabilité n’affecte les gouvernants, complices de ce scandale. La fracture sociale, devenue fossé social, est en train de se muer à un rythme effréné, en un immense abîme social qui sépare dangereusement et spectaculairement les deux sections d’un même peuple : le peuple d’en-bas avec quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la population du pays ploie sous une sorte de tyrannie de groupe, cruelle et impitoyable, celle des membres de la ploutocratie, locataires et squatteurs de la calotte supérieure de la coupole institutionnelle du pays. Regards indifférents et méprisants, ceux-ci sont le peuple d’en-haut soit à peine un pour cent des quelque cent millions d’âmes que compte le pays.
La rue hurle, elle étouffe de frustration et derage; elle veut en finir avec les systèmes de gouvernement incompétents et impunément prédateurs.Comment ne pas lire à travers les signes de temps comme l’imminence d’une apocalypse du corps social congolais et même de l’ensemble du pays dans tous ses compartimentset articulations ?
Le degré de délitescence morale des élites dirigeantes est si abyssal et la défiance du peuple si généralisée qu’au regard des données du terrain congolais, il apparait humainement légitime de douter de la moisson du travail du semeur de la paix du Seigneur en terre congolaise !
L’exhortation papale a-t-elle entendue par les deux sections du même peuple que tout oppose et le processus de la réconciliation des cœurs prendrait-il effectivement et durablement corps dans un contexte institutionnel national marqué par une pauvreté massive et extrême, l’injustice sociale, l’exclusion, les inégalités, la discrimination, le tribalisme et tutti quanti ? Où sont ces hommes et ces femmes de bonne volonté qui se disposent à porter le joug du nécessaire « programme de dessouchage, d’amendement, de chasse aux oiseaux nuisibles aux cultures etc… » à l’effet de catalyser la germination des graines de la culture de l’espérance de la réconciliation et de celle du bonheur commun ?
Le décor du corps social congolais est, à s’y méprendre, aux excès du clan biblique de Hérode (Mc 6,17-29)[3]: Jean, victime du caprice d’un roi, Hérode Antipas, un habile politique mais un faible, un personnage sans envergure, un jouet pour Hérodiade, une femme de tête, ambitieuse, tyrannique, une hyène : une vipère et magicienne, qui met son intelligence au service de sa haine contre le Baptiste.
Hérode ne reflète-t-il pas ce funeste prototype de politique congolais contemporain, assoiffé du pouvoir pour le pouvoir, imperturbablement et complètement subjugué par les trois forces du mal : la passion, le pouvoir, la vie luxueuse, soit la convoitise de la chair, la convoitise des yeux (le pouvoir sans fin) et l’orgueil de la richesse » ?
Et la princesse Salomé ne donne-t-elle pas l’image de la jeunesse congolaise « danseuse » qui ne vit que pour plaire, n’existe que dans le miroir et les désirs des autres mais n’a rien dans la tête, s’en tient aux idées de sa mère et ne sait même pas quoi répondre quand Hérode lui offre un cadeau royal ?
Que des prélats catholiques en plein exercice de leur mission prophétique, alors qu’ils prêchent l’amour et la justice entre et pour tous en avocats de la cause du peuple de Dieu en déshérence et en détresse, ne sont-ils pas publiquement menacés et outragés par des « sbires à la violence de tueurs à gages » opérant à visage découvert ?Et parmi ces « tueurs » et leurs commanditaires il se compte des hommes et des femmes, de toutes catégories sociales du peuple congolais, d’en-haut comme d’en bas, des jeunes et des vieux, y compris des responsables religieux, qui étaient ostensiblement en vue et même dans la coordination des activités du 23 juin 2019 dans l’enceinte du Stade des Martyrs de la Pentecôte à Kinshasa.
Amnésiques, ceux-ci auraient oublié voire balancé dans la poubelle de leur conscience leurs bruyantes prières et vos supplications de la dédicace solennelle du Congo et les voilà devenus, avec leur Congo, sujet de fable et d’opprobre aux yeux de toutes les nations du monde !
Ils ont trahi leur serment et déshonoré Dieu en méprisant délibérément ses prescriptions et ses ordonnances (1 Rois 8 et 9).
La faute à la greffe culturelle du multipartisme politique inadaptée et à une démocratie cosmétique !
L’immense désastre germait depuis le début de la décennie des « années Délire »à travers le spectacle de l’historique forum-défouloir, la Conférence Nationale Souveraine (CNS), théâtre grandeur nature de la profonde crise des valeurs dans une sociétéalors aux mœurs débridées voire dissolues, tous ses repères, règles et références littéralement gommés.
Alphonse Kangafu, un éminent penseur et un des plus flamboyants idéologues du M.P.R, parti-État, se fendit alors d’une lugubre prédiction, laquelle s’accomplit aujourd’hui, malheureusement, l’imminence et même l’inéluctabilitéd’un horizon de déshérence pour le peuple zaïrois : « n’importe lequel des citoyens s’autorise, au nom d’une démocratie dévoyée, la libertéd’affirmer n’importe quoi, les personnes les moins expertes échafaudent, avec ingéniosité, des théories les plus audacieuses. Le spectacle inquiète et fait douter des lendemains ! »
La prolifération par scissiparité et à la vitesse microbienne des partis politiques sans ligne doctrinale très définie dans leur projet politique du reste connu de la « seule autoritémorale »et malades de l’impréparation de la gestion des affaires publiques mais dont l’action farouchement menée porte presque exclusivement sur la contestation de rue, la désacralisation des animateurs des institutions, les grèves et marches contestataires, des opérations de distributions des tracts, des journées villes mortes, bref la chasse aux sorcières et les traques, mais peu d’actions de conquête du pouvoir !
Un gouvernement perçu par son peuple comme illégitime puisque formé des traîtres, des collabos et des profiteurs, ne pourrait jamais emporter la confiance des citoyens et donc ne réussirait pas à conduire à la réconciliation des cœurs. Et si l’Église venait à la rescousse ?
Des gouvernants « d’essence hérodienne » n’inspirent pas seulement de la défiance mais surtout de la haine. Qui aurait invité les disciples de Jean à chanter et danser le soir de la décollation du Baptiste, décapité sur ordre d’Hérode Antipas, à la demande d’Hérodiade et de sa fille Salomé ?
Néanmoins, du point de vue de l’Église, rien n’est impossible pour des témoins de Jésus Christ, ces cœurs capables d’assumer les exigences d’humilité, honnêteté vis-à-vis de soi-même, intégrité, pardon, amour ! La visite papale apportait au peuple de Dieu le pain de l’ouverture du chantier de la paix durable et de l’espérance de la mise en œuvre de son programme de développement intégral, pensa le Père Rigobert Kyungu[4], qui postulait « aux Congolais de travailler à la réconciliation entre eux et avec Dieu », et « au Souverain Pontife d’aider à démasquer et à dénoncer tout ce qui empêche le décollage de la RD Congo».
Et Mgr Ettore Balestrero[5]de demander « aux Congolais de tourner la page et de se réconcilier entre eux, de ne pas rester concentrés sur le passé…; de penser au futur et chercher à construire les uns avec les autres, et pas les uns contre les autres » dans la suite du message papal de« condamnation de toutes les violences qui se font, même le pardon pour toutes les violences qui se font encore aujourd’hui »… pour marcher sur le chemin de la paix et mettre fin à tous les messages de haine …» mais plutôt « aider à se réconcilier et à construire ensemble un Congo meilleur, un Congo juste, un Congo plus développé ».
Le Congolais lambda qui savoura comme du baume à son cœur désespéré la proximité et la sollicitude toute paternelle découlant de la visite papale du 31 janvier au 03 février 2023 en terre congolaise, serait-il désillusionné par la maigreur de la moisson du message papal ?
Anticipant sur les retombées du message papal, Le Guetteur de la nationadjura le Saint-Père d’interpeller ouvertement et fermement l’aréopage des figures socio-politiques marquantes du paysvenues à sa rencontre,gouvernants et législateurs, ces hommes et femmes pour la plupart sans amour ni humilité, et de leur délivrer l’ultime haut-le-cœur du peuple d’en bas en avertissant, apostrophant, menaçant et surtout en les exhortant instamment à prendre la très mauvaise situation du pays au grand sérieux et à engager le processus de remise en l’endroit de la marche du pays, le tout sur le ton de vérité qu’usa Jean-Baptiste face aux Pharisiens et Sadducéens, publicains, soldats et foules porteurs de la question « Que nous faut-il donc faire ? » (Lc 3,10).Même si entendre le Saint-Père les interpeller :« …Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la Colère prochaine ? » (Mt 3,7 & Lc 3,7), devait jeter nombre de ses interlocuteurs dans la confusion, à s’assombrir et s’en aller contristés comme le jeune homme riche de la Bible, car ayant de grandes fortunes (Mc 10,22) !
Le grain de la réconciliation a été répandu par le Saint-Père François. À l’Église de travailler à renforcer chez les chrétiens et hommes de bonne volonté la volonté de collaborer efficacement dans le champ afin que personne ne se sente privé de proximité et de solidarité.
Dans le champ congolais longtemps et profondément miné par les démons de la division et de la haine, le chantier « Tous réconciliés en Jésus Christ au Congo-Kinshasa » mériterait d’être spécialement pris en charge au Vatican sous le couvert d’une Intention Universelle du Saint-Pèredans la période 2023-2025, par exemple, de manière à disposer que la proximité papale à ce titre reste permanente, organisée, structurée et durablement administrée à travers les réseaux d’action institutionnels de l’Église du Congo qui opéreront en étroite collaboration avec les services du Saint-Père !
Dans cette perspective, l’action pourra notamment susciter des « Zachée »qui s’offrent à contribuer à fournir « le plus grand effort auquel ne se soit jamais livré aucun peuple afin de couper définitivement pour ainsi dire en deux notre destinée et séparer par un abîme ce que nous avons été jusque-là » de ce que nous voulons être désormais » (A. de Tocqueville).
À susciter parmi ses enfants engagés en politique qui se reconnaissent témoins de Jésus Christ, au moins un reste abrahamique dans la Représentation nationale qui soit sage et généreux, qui se dispose à libérer spontanément un haut-le-cœur jaculatoire de la nature et de l’intensité de celui dont se fendit par exemple l’illustre tribun français Victor Hugo (9 juillet 1849),alors lui-même soulevé par le dédain et l’insouciance de ses contemporains représentants du peuple français face à une misère ambiante indicible (… ) etsuffisamment fougueux, hargneux et même téméraire pour faire surgir de l’un ou l’autre hémicycle du Parlement bicaméral congolais une voix patriotique de cette rare veine, pour se tenir à la brèche et exiger que le Gouvernement donne au peuple le droit de pouvoir renouer simplement avec la vie.
Je lève les yeux vers les montagnes : mon secours, d’où viendra-t-il ?Le secours vient de Yahvé qui a fait le ciel et la terre(Ps 121, 1-2).
Le peuple de Dieu s’abandonne, comme il sied, à la Providence (Mt 6, 33 : Quaerite primum Dei regnum et justitiam suam) mais il est en droit de désirer et de travailler pour mener une vie heureuse à la sueur de son front.
Il s’agit, faute de pouvoir supprimer la souffrance, concomitamment à la recherche des voies de résolution de l’insécurité récurrente, de se donner des moyens de relever le défi coupe-gorge, celui de l’obligation de transformer l’enfer social terrestre des pauvres de Congo-Kinshasa en un havre de paix. Oui, un tel chantier postule une croisade nationale car il est particulièrement complexe, immense et lourd, induisant un gigantesque et profond changement de mentalité et d’organisation, lequel peut à première vue sembler à peu près impossible surtout dans le bref laps de temps qui nous reste, avant que le désastre ne devienne irréversible.
LeCongo traîne, comme un boulet terriblement pesant dirimant à sa navigation, lequel est consubstantiel à un double péché des origines, le péché des pères de l’indépendance, en rapport à sa destinée et à sa construction. En effet, le pays ne s’est jamais donné ni un destin commun propre ni un régime politique qui soit conforme à la fois au caractère de son peuple et aux traditions nationales, lequel soit à même de lui assurer le bonheur temporel qui est la fin de la société civile. La destinée n'est pas le fruit du hasard mais du choix. Ce n'est pas quelque choseque l'on attend, mais quelque chose que l'on construit.
Les éphémérides de l’an 1885 ressortent, entre autres faits historiques marquants pour notre nation, la naissance et le baptême du Congo sous le nom ÉtatIndépendant du Congo(EIC), et une encyclique[6]du Pape Léon XIII stipulant que le gouvernement idéal, parfait, applicable à chaque peuple, n’existe pas.
L’enseignement du Pape Léon XIII tomba au moment (1885) où l’EIC était engendré pour le Roi Léopold II : ‘‘Le droit de commander n’est en soi nécessairement lié à aucune forme politique. Il peut fort bien s’adapter à l’une ou l’autre, pourvu qu’il soit, en fait, apte à la réalisation de l’intérêt et du bien général. Mais quelle que soit la forme de l’État, tous les gouvernants doivent absolument avoir le regard fixé sur Dieu, suprême gouverneur du monde et, dans l’administration de la cité, le prendre pour exemple et pour loi.’’En 1956 J. Adriaenssens en fera une brillante reprise spécifique dans son traité[7] : « … En principe, tout gouvernement qui respecte les droits de Dieu et de l’Église, ainsi que les droits imprescriptibles de la personne humaine, peut être bon… « …Le gouvernement idéal, parfait, applicable à chaque peuple, n’existe pas. Concrètement, pour un peuple déterminé et dans un temps donné, le meilleur régime politique sera celui qui, à la fois, est le plus conforme au caractère de ce peuple et à ses traditions nationales, et lui assure de fait le bonheur temporel qui est la fin de la société civile »
Le double péché politique des origines ! La faute à toutes : religieuses et morales, intellectuelles et scientifiques, artistiques, techniques et tout spécialement l’élite politique !
La classe dirigeante congolaise a définitivement oublié la lumineuse admonestation collective dont s’était fendu le premier ministre Patrice Emery Lumumba appelant à la tenue d’assises nationales fondatrices du Congo authentiquement congolais : « …Nous n’avons pas choisi les voies de la facilité mais celles de la fierté et de la liberté de l’homme…Nous avons compris que tant qu’un pays n’est pas indépendant, tant qu’il n’a pas assumé son destin, il lui manque l’essentiel. Et ceci reste vrai quel que soit le niveau de vie des colonisés, quels que soient les aspects positifs d’un système colonial… Notre volonté d’indépendance rapide sans période intermédiaire, sans compromis, nous l’avons imposée avec d’autant plus de force que nous avions été davantage niés, dépersonnalisés, avilis…À quoi nous aurait servi d’ailleurs de tarder, de pactiser davantage alors que nous avions pris conscience de ce que tôt ou tard, il faudrait tout revoir, tout repenser par nous-mêmes, créer des structures nouvelles adaptées aux exigences d’une évolution proprement africaine et reconvertir les méthodes qui nous avaient été imposées et surtout nous retrouver nous-mêmes, nous débarrasser d’attitudes mentales, des complexes, d’habitudes dans lesquels la colonisation nous avait maintenus durant des siècles » ?
Malheureusement, le vide ne sera point comblé par des "colons" congolais et il ne se trouvera pas d’élites préparées et animées du nécessaire élan pour concevoir un Congo nouveau selon la volonté des Congolais solennellement annoncée par le Premier ministre P.E. Lumumba ! Paul Boliya, n’eut de cesse de rappeler la réserve (sur ce saut dans l’inconnu) du Parti National du Progrès, PNP, et alliés - LUKA et autres - parti taxé d’émanation de l’administration belge désireuse de retarder l’échéance de sa politique coloniale en 1959.
L’Église catholique incita à se lancer :« l’accès à l’indépendance des pays africains devait se faire dans la tranquillité et la paix, un quart d’heure trop tôt qu’un quart d’heure trop tard » (Abbé Joseph-Albert Malula)
Le 30 juin 1960 : alea jacta est ! Alors après, l’Église ? Où sont les repères des empreintes de l’Église du Congo sur la marche du pays de 1885 à nos jours ? Soit pratiquement allant de la naissance de la Doctrine Sociale de l’Église (DSE) en 1891 à la visite papale du saint Père François en 2023 ?
La DSE est née de la réflexion de l’Église sur les temps modernes et leurs difficultés particulières eu égard au souci permanent de mise en œuvre concrète de l’Évangile au quotidien dans la société, d’adaptation à son époque et à ses besoins spécifiques !
Elle s’est développée du pape Léon XIII à nos jours, en trois étapes marquantes, en réponse aux problèmes de la condition ouvrière et des idéologies politiques, d’abord, de 1891 à la deuxième guerre mondiale, puis autour du Concile Vatican II (ouvert par le pape Jean XXIII, octobre 1962 et clôturé par le pape Paul VI, décembre 1969) jusqu’aux années 1980, enfin avec le Catéchisme de l’Église Catholique et les trois derniers papes – contemporains des générations actives - , Jean-Paul II, Benoît XVI et François, dans une humanité qui connaît de plus en plus la mondialisation aux bouleversements et défis complexes.
Que n’aurait pu in illo tempore non suspectoservir, par exemple, de source d’inspiration à l’exercice de refondation, la Doctrine Sociale de l’Église (DSE)en ce qu’elle propose une vision réfléchie de la société ainsi que des objectifs, des principes, des valeurs et des réflexions indispensables pour la mettre réellement au service de la personne humaine !
Sublata causa, tollitur effectus - Il n’est pas trop tard pour recommencer. Un modeste don du Guetteur de la nation : un défrichage du terrain à semer débouchant sur des préconisations pour l’action de refondation et reconstruction de la nation qui mettrait un termeau règne de la navigation à vue.
Plus que dans un rôle de catalyseur, l’Église, communauté des enfants du Congo témoins de Jésus Christ, tous réconciliés et unis, détient un atout moteur de l’indispensable réconciliation des cœurs et de l’union des forces vives au service de l’édification d’un nouveau socle de la stabilité nationale. Et à ces fins, elle peut opportunément influencer favorablement l’élan révolutionnaire naissant pour adopter une démarche coordonnée de matérialisation du chantier de la paix, celle d’élaboration d’un pacte social suivantle triptyque « Dialogue - Éducation Travail » préconisé par le Pape François : le dialogue entre les générations comme base pour la réalisation de projets communs ; l’éducation en tant que facteur de liberté, de responsabilité et de développement ; le travail pour une pleine réalisation de la dignité humaine.
LE CONGO N’APPARTIENDRAIT PAS EN PROPRE AUX CONGOLAIS
Des pages d’Histoire
L’Histoire[8]renseigne que le Congo-Kinshasa est le fruit de la volonté tenace d’un jeunehomme et de sa pensée coloniale, celui qui sera couronné roi Léopold II seulement en 1865. Encore duc de Brabant, il se lance déjà un défi fou à lui-même, celui d’un rêve national de quête de la grandeur de son pays, ce qui sera le leitmotiv de son action future.
À son initiative sera tenue à Laeken en 1876 une conférence géographique internationale, laquelle donne naissance à l'Association Internationale Africaine (AIA) dont l'objectif avoué est d'organiser des expéditions en vue de l'accroissement des connaissances géographiques, tout en servant principalement une grande ambition nationale sur les traces des expéditions britanniques (1857-1875) à la découverte de l'Afrique, alors réputée partiellement « terra incognita ».
Le Roi se lia à un partenaire « mal famé » (surnommé « Bula Matadi » ou casseur des montagnes) aux yeux des populations noires victimes de ses tueries, Henry Morton Stanley, journaliste-explorateur américain, un Gallois à l’origine. L'AIA sera remplacée par le Comité d’Études du Haut-Congo (CEHC) en 1878 et plus tard en 1883 par l'Association Internationale du Congo (AIC). À la conférence internationale sur la coopération entre puissances « coloniales » tenue à Berlin de novembre 1884 à février 1885, Léopold II réussit à imposer, devant les grands colonisateurs (la France, la Grande-Bretagne et le Portugal), l'AIC comme garante de la libre navigation dans le bassin et l'estuaire du Congo.
Ainsi naquit l'État Indépendant du Congo (EIC), lequel sera exploité etadministrécomme propriété du Souverain des Belges (1885-1908), avant d’être annexé à la Belgique aux termes du traité du 28 novembre 1907 portant cession de la totale propriété du Congo, un document authentique de 5 pages revêtu de 12 signatures de ministres et secrétaires généraux et de 12 sceaux à la cire, disparu mystérieusement lors de l’invasion allemande en 1940 et récupéré par les archives générales du Royaume (selon la Presse belge). Le Congo belge naquit le 18 octobre 1908 au moment où l’existence du très petit état européen (Belgique) ne comptait alors qu’un peu plus de 75 ans.
Congo belge (1909-1960), le pays a acquis sa souveraineté et son indépendance le 30 juin 1960. Il a été baptisé République du Congo (1960-1964), puis République Démocratique du Congo (1964-1971), ensuite République du Zaïre (1971-1997), et est devenu à nouveau République Démocratique du Congo (depuis 1997), dont le peuple a, au fil des ans, perdu sa dignité et garde le front toujours courbé.
La présente revue ne remonte pas au temps de la première évangélisation des « peuplades » dans le peuple Kongo principalement. Sa case départ confine au mouvement historique « d’évangélisation, de transmission du message du Christ à la fin du 19èmeet au début du 20èmesiècles par des hommes de bonne volonté venus d’outre-mer et de surcroit de race blanche engagés dans le travail de traduction en langue autochtone »[9].
Prêtre séculier du diocèse de Kisantu, Mgr[10]Hippolyte, célébrant ses 50 ans de vie sacerdotale, dans son ministère d’Éducateur, de Pasteur ou d’homme de Culture (1970-2020), décline son testament spirituel dans un précieux ouvrage, mettant par ailleurs en exergue le parcours d’essais et erreurs du Congo à l’image de la célèbre controverse autour du Plan Van Bilsen : « les congolais étaient-ils prêts à assumer leurs responsabilités dans l’immédiat ou devraient-ils attendre des années , le temps qu’ils y soient bien préparés »,et rappellecombien les opinions étaient partagées aussi bien chez les belges que chez les congolais, dans la sphère politique comme dans la sphère religieuse.
Reprendre et poursuivre le Combat inachevé du Congo Belge en 1960. Enjeux d’une refondation.
Au terme du premier Plan Décennal de mise en valeur du Congo presqu’exclusivement tourné vers la prospérité de la Belgique et au moment de lancer un second Plan dont l’action allait réorienter les objectifs vers le progrès du Congo, le Gouvernement belge pensa bon et juste de proposer une évolution progressive vers l’indépendance : le plan Van Bilsen pour l’émancipation progressive du Congo dans trente ans 1955 – 1985. Intention objectivement et difficilement blâmable. Si Van Bilsen prôna un « Plan de 30 ans », un plan de 60-65 ans (Horizon 2085) siérait opportunément car devant en même temps doter le pays d’une vision et d’un schéma de mise en valeur en corrigeant le parcours des 60 ans passés et en arrimant àl’universalité pour préparer la véritable indépendance du Congo, que les experts et les dirigeants fustigeaient comme irréaliste en 1956 sans proposer une alternative.
L’indépendance immédiate sera qualifiée par la suite de fictive et nominale car aucune des réformes préalables préconisées ou simplement envisagées alors ne fut mise en œuvre. Le « Combat du Congo était inachevé » certes par rapport à la construction du Congo pour le bien des Congolais mais également voire surtout par rapport aux objectifs de mise en œuvre du territoire congolais au profit de la métropole.
Congo, apprends, connais et affronte ton histoire : tu dois ton existence à Léopold II. Alors, en connais-tu l’actif et le passif ?
Les Congolais ont appris sur le tard que Georges Prosper Remi (dit Hergé), illustre auteur de la bande dessinée Les Aventures de Tintin au Congo(1931), servait une œuvre à la vocation éminemment de propagande, savoir encourager les jeunes Belges à s’intéresser au Congo. Mais connaissent-ils la porte des cénotaphes érigés au pied d’une église à Tervueren en mémoire des sept Congolais morts et enterrés dans un charnier lors de l’Exposition universelle de 1897 : 267 Congolais, dont des femmes et des enfants, furent exposés pendant plus de trois mois dans des zoos humains?
Jean Stengers[11]pose un postulat à l’évidence historique criante : « le Congoest une création artificielle qui aurait pu ne pas exister »; « il n’y aurait eu ni de colonisation belge ni de Congo » sans le Souverain Léopold II, lui, qui, inspirépar l’expérience des Pays-Bas, martelait déjà le 17 février 1860 devant le Sénat belge « la nécessitéde promouvoir le commerce belge àl’étranger et l’exportation des produits belges », moyennant une colonie pour créer une marine et obtenir de nouveaux marchés pour son industrie.
J. Stengers[12]illustre richement cette fixation séculaire et la volonté quasi-obsessionnelle du duc de Brabant de forger le rêve belge : « Je crois que le moment est venu de nous étendre au dehors, sous peine de voir les meilleures positions, rares déjà, successivement occupées par des nations les plus entreprenantes que la nôtre… Il faut une colonie à la Belgique ! ».
À la conférence internationale sur la coopération entre quatorze puissances coloniales à Berlin de novembre 1884 à février 1885, le roi des Belges, déterminé dans sa voie de conquête pour la grandeur de la Belgique, « réussit à imposer, devant les grands colonisateurs (la France, la Grande-Bretagne et le Portugal),l’Association Internationale du Congo (AIC)comme garante de la libre navigation dans le bassin et l'estuaire du Congo : est ainsi né l'État Indépendant du Congo (EIC) ».
L’EIC sera « le moteur de la victoire royale dans la bataille du rail, premier repère de l’effort de mise en valeur de l’immense territoire congolais dès 1898 en vue de faire de la Belgique une puissance grâce aux produits agricoles et surtout de la cueillette, fruit d’un travail forcé des indigènes congolais : le caoutchouc et l’ivoire. »
Certes, dans le Congo, propriété du roi Léopold II comme de la Belgique, l’indigène, même affublé du titre flatteur de « compatriote noir » sous la colonie, était un animal de somme et de traite, bref animal tout court. Mais, malgré le passif d’exactions et cruautés tant décriées des « comtes » et « missi dominici » belges, le Congo ne saurait dénier la portée historique du fiatdu duc de Brabant, instrument clé par sa volonté et son action de l’érection de l’immense État du Congo.
Congolais, avons-nous notre Congo ? Le Congo n’appartient en propre aux Congolais !
L’histoire des origines permet de répondre à la question-débat « Le Congo est-il à nous seuls ? -Balkanisation du Congo, mythe ou réalité ? » [13]Reconnaissance de l’ancienne AIC à l’égal d’un État ou d’un Gouvernement par chacun des États signataires plus tard de l’Acte général de Berlin du 25 février 1885 (art 36 consensus comme mode de gestion de toutes les crises et 37 : ouvre l’empire de l’Acte Général aux Futures Puissances Privées du monde avec la Stratégie universelle : un État, Grande Puissance Géostratégique et Géopolitique du monde telle que préfixée au 31 décembre 2098.
Il incombe aux Congolais de comprendre et arracher une mise à jour et un rééquilibrage au regard des intérêts du Congo, dans la perspective d’extirper la servitude et la copropriété inavouées et pouvoir refonder conséquemment l’EIC en étant partie prenante centrale, étant entendu que l’AIC fut tenue comme l’œuvre exclusivement politique et personnelle léopoldienne.
Larécurrence des crises du Congo tend à cristalliser une thèse de Gabriel Banza Malale M. : « le Congo n’est pas totalement la terre des seuls Congolais, le pays appartient également à la Communauté des Puissances occidentales »largement commentée par le journal Le Soft International n° 1479 du 23 janvier 2020,rappelant son édition papier n° 934 datée 26 décembre 2007 : titrant » « Cet homme est dangereux » couvrant la Unedu Softdans son édition à savoir : « ce pays ne nous a jamais appartenu en propre mais nous en sommes gestionnaires pour compte des quatorze puissances présentes à la table de Berlin »et plus affligeant « nous ne nous sommes jamais approprié le Congo ».
Ilnous gratifie d’une tournure allégorique : « les Congolais arrachèrentle gouvernail à l’équipage belge et levèrent brutalement les ancres le 30 juin 1960 sous les regards médusés des plénipotentiaires des« puissances fondatrices » (au nombre de quatorze : États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Autriche-Hongrie, Pays-Bas, Espagne, France, Russie, Suède-Norvège, Portugal, Belgique, Danemark, Turquie ), alors que celles-ci n’auraient pas encore vendu leurs « actions » ni été désintéressées mais qu’elles voudraient - en communion inavouée avec les voisins de notre pays - un Congo éperdument faible dans notre village planétaire où il n’existe pas de code de conduite morale ».
Quoi de plus normal quand J. Stengers[14]met en exergue l’originalité de la pensée coloniale du duc de brabant ainsi que de la propriété du Congo même : «le Roi Léopold II a été un original …a fait le Congo… uniquement, exclusivement en raison de ses idées, de sa doctrine comme individu, et le tout en fonction de la grandeur et de la prospérité de son pays, la Belgique !
Congo, connais-toi toi-même et sois toi-même...approprie-toi ton existence et détermine-toi ta destinée…confesse et répare, ce faisant, ton double péché des origines !
Pourquoi le Congo dérivant irréversiblement et définitivement, échoue-t-il irrémédiablement offrant le spectacle d’avant le spectre de l’imminent fracas qui rappelle la tragique fin de l’insubmersible paquebot Titanic ?
Depuis le 30 juin 1960, le Congo ne s’est donné ni un destin commun qui lui soit propre ni un régime politique qui soit à la fois conforme au caractère de son peuple et à ses traditions nationales, et à même de lui assurer le bonheur temporel qui est la fin de la société civile.L’indolence, l’irrésolution, l’attentisme des dirigeants du Congo indépendant ont été tels que, Lumumba mort, le pays s’est inexorablement éloigné de son suprême destin africain au point où l’on peut aujourd’hui constater avec émoi que l’Afrique est en marche sans le Congo.
Notre nation est en train de sombrer à l’image de ce bâtiment de haute mer tanguant sur les eaux d’une mer en furie que son commandant insouciant ainsi que tout l’équipage ont décidéde délester de son gouvernail avant de le déserter et le laisser couler avec plus de 100 millions de Congolaises et Congolais !
C’est parce que le dirigeant congolais est devenu ce maitre-baron qui trône sur des quasi-esclaves, ses concitoyens. Il s’est érigéen bourreau de son propre peuple qu’il a appauvri et affamésans remords. Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce àl’ombre des lois et avec les couleurs de la justice (Montesquieu). La tyrannie de cette nature inhibe toutes les initiatives de progrès car celles-ci nécessitent un climat de paix et de sécurité.Rien n’est, cependant, définitivement perdu !
Le peuple a la voie de la résistance pour se libérer des tenailles de l’oppresseur, savoir : ‘’Tenter, braver, persister, persévérer, s’être fidèle àsoi-même, prendre corps-à-corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilàl’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise’’ (Victor Hugo.Les Misérables)
Quoique disposant de ressources prodigieuses, le pays n’aura toujours pas réalisé le progrès souhaitable, du reste jamais expressément ni formellement souhaité car le peuple ne s’est jamais autodéterminé en ce qui concerne une certaine utopie, un destin national de grandeur et de prospérité. Alors que notre Congo n’a jamais été pensé, nous sommes benoitement surpris de ne point avancer mais plutôt de reculer. Non progredi, regredi!
Les capitaines jusqu’au commandant de marine en chef et tous les membres de l’équipage du vaisseau se tiennent comme barricadés dans la cuirasse du dôme institutionnel national. Dans leur siège exclusif du peuple d’en haut, ils feignent l’émotion mais demeurent imperturbablement sereins, sourds aux grommellements du peuple d’en bas définitivement en déshérence. Ils sont comme insensibles aux cris de détresse, lamentations et pleurs de leurs concitoyens.
Dédaigneuses et insouciantes, les élites dirigeantes se prélassent dans des palais somptueux. La situation du pays empire chaque jour davantage. Des nuages chargés des colères s’accumulent. La rue hurle, étouffe de frustration et de rage. Elle veut en finir avec les mauvais régimes politiques et surtout avec les systèmes prédateurs.
Pire qu’àl’époque de leurs prédécesseurs, les dirigeants de la troisième République feignent d’ignorer ou dedéfier l’existence de cette bombe àretardement, de minimiser l’ampleur de dégâts qu’elle est susceptible d’occasionner en cas d’explosion ou de ne pas voir l’imminence de l’atteinte du point d’achèvement, c’est-à-dire le point de l’irréversibilitédu processus de pourrissement du Congo dans tous les secteurs et domaines de la vie nationale.
Plus dangereux encore, ils se méprennent royalement surla vraie nature du Peuple Congolais, ce peuple scandaleusement indolent mais à l’émotion extraordinairement imprévisible. Ils ont, en effet, réussi un exploit cruel rare, celui de transformer la nation en une basse-cour des poules d’Hitler : le peuple d’en bas est réduit en une masse des affamés, des faibles et des pauvres, des oubliés, des loqueteux, des piétinés, des hachés, tous des gens de peu, physiquement et moralement corvéables àsouhait, le peuple qui acclame ses bourreaux pour les miettes prélevées de leurs butins de guerre accumulés en dépouillement de la nation !
Il est de ces grands soulèvements collectifs qui, faute de signes prémonitoires, sont pratiquement imprévisibles : « Lorsque les Belges voyaient en 1955 lors du voyage de leur Roi au Congo, les foules congolaises manifester un enthousiasme et un loyalisme unanimes, lorsqu’ils entendaient monter vers le Roi les acclamations pouvaient-ils deviner que, quatre ans plus tard, ces mêmes foules clameraient des slogans nationalistes ? Lorsqu’àla mêmeépoque, sous la plume d’un jeune évoluéaussi remarquable que Patrice Lumumba, ils trouvaient des éloges bien sertis de la Belgique et de son œuvre coloniale, pouvaient-ils deviner ce que deviendraient dès 1958 les discours du même Lumumba? Àvrai dire, personne ne l’a deviné »[15].
Une révolution violente pourrait naître ex nihilo, plutôt d’unmouvement de type attrape-tout surgissant spontanément de nulle part, lequel fédérerait des colères de toutes sortes de plus en plus bruyantes et finir par tout balayer. Une telle révolution violente hâterait la délitescence du Congo. Et un soir, le destin immédiat du peuple basculerait : «Oui, un soir, le peuple lâché, débridé, galoperait sur les chemins, et il ruissellerait du sang des bourgeois, il promènerait des têtes, il sèmerait l’or des coffres éventrés ; les femmes hurleraient, les hommes auraient ces mâchoires de loups, ouvertes pour mordre …S’il fallait qu’une classe fût mangée, n’était-ce pas le peuple, vivace, neuf encore qui mangerait la bourgeoisie épuisée de jouissance?» (E. Zola, Germinal ).
L’ensemble des élites du pays : religieuses et morales, intellectuelles et scientifiques, artistiques, techniques et tout spécialement l’élite politique, elles qui font le pays, sa prospérité, sa grandeur, ont lamentablement failli à leur mission; elles n’ont jamais su s’engager de manière concertée et soutenir la nation dans l’indispensable exercice de définition et de constructiond’un Congo de grandeur.
Où sont les empreintes de l’Église du Congo sur la marche du pays de 1885 à nos jours ? Soit pratiquement allant de la naissance de la Doctrine Sociale de l’Église en 1891 à la visite papale du saint Père François en janvier 2023 ?
Les élites dirigeantes doivent donner l’exemple. Le pape Jean-Paul II exhortait les fidèles catholiques et les hommes et femmes de bonne volonté à s’engager au service du bien commun en ces termes : « Le plus grand défi pour réaliser la justice et la paix en Afrique consiste à bien gérer les affaires publiques dans les deux domaines connexes de la politique et de l’économie. Certains problèmes ont leur origine hors du continent et, pour cette raison, ne sont pas entièrement sous le contrôle des gouvernants et des dirigeants nationaux. Mais (…) beaucoup de problèmes du continent sont la conséquence d’une manière de gouverner souvent entachée de corruption. Il faut un vigoureux réveil des consciences, avec une ferme détermination de la volonté, pour mettre en œuvre des solutions qu’il n’est plus désormais plus possible de remettre à plus tard (…) Que surgissent en Afrique des responsables politiques – hommes et femmes – saints, pour qu’il y ait de saints chefs d’État qui aiment leur peuple jusqu’au bout et qui désirent servir plutôt que se servir.
PRÉCONISATIONS ET MATÉRIAUX POUR LE CHANTIER ABYSSAL DE LA REFONDATION ET LA RECONSTRUCTION DU CONGO-
Les réquisitoires du Guetteur de la nationne sont point accommodants et ses adjurations ne nullement complaisantes, elles exorcisent les élites à lever sans plus tarder et sans atermoiements l’unique option de sauvetage qui subsiste encore pour la nation, savoir trancher le nœud gordien… au prix d’une révolution : « couper définitivement pour ainsi dire en deux notre destinée et séparer par un abîme ce que nous avons été jusque-là » de ce que nous voulons être désormais » (A. de Tocqueville).
Dans une sorte de subsidiarité dans l’approche, l’Église devrait, sans plus tarder, agir pour aider à briser la grande inertie qui maintient depuis de longues années la société congolaise dans l’expectative et engager les forces vives dans la voie de la refondation et la reconstruction suivant quelques axes d’orientation et d’action pour un nouveau pacte social ci-après.
Axe 1 - Les Congolais s’approprient le Congo vis-à-vis des quatorzepuissances coloniales parties prenantes à la conférence internationale sur la coopération à Berlin de novembre 1884 à février 1885 ainsi que toutes autres« Futures » Puissances Privées du monde enrôlées dans l’empire de l’Acte général de Berlin du 25 février 1885.
En perspective, il est à entrevoir des négociations particulièrement sensibles auxquelles les meilleures intelligences et compétences nationales de la trempe de celles qui ont déjà abordé la thèse chère à Prof. Gabriel Banza Malale et au Pasteur Job Mukadi, devront être mises à contribution pour permettre au pays de lancer ce chantier hautement stratégique.
Axe 2 – La préparation et l’organisation d’un grand débat national de refondation du Congo, lequel sera censé transformer les colères en solutions et ne devra pas être un défouloir où tout un chacun vient dire n’importe quoi dans l’illusion entretenue que son sentiment deviendra la loi commune.
Se fondant sur la réconciliation avec le grand peuple d’en bas, le Grand débat national visera à (1) confesser et conjurer les conséquences du double péché des origines avant projeter comment finir le travail des pères de l’indépendance en dotant le pays d’un socle, d’une « vision pour le Congo » bicentenaire 2085 assorti d’une « charte de valeurs de la République et devoirs du citoyen » et à (2) négocier un grand moratoire de deux à trois ans dans l’action gouvernementale et un programme de déclics de confiance pour le futur immédiat (2023-2025)
Oui, un nouveau socle de fondation de la maison Congo en lieu et place du Congo fait à partir de 1885 par le Roi Léopold II, le Roi-bâtisseur, en fonction de la grandeur et de la prospérité de son pays, la Belgique, et uniquement, exclusivement en raison de ses idées, de sa doctrine jusqu’à la fin de son règne en 1908, et en remplacement du même rêve rationnellement perpétué à partir de juin 1909 par la Belgique avant d’être plus tard littéralement hérité pour être naïvement, nonchalamment et même inconsciemment consommé de génération en génération, depuis le 30 juin 1960 jusqu’à ces tumultueux jours des années 2020 par le Congo-Zaïre-Congo indépendant dans un mimétisme effarant.
Oui, un grand moratoire (2023-2025) durant lequel les gladiateurs politiques et sociaux mettront en sourdine tous ces débats rances sur les festins de la démocratie culturellement mal seyante, des élections, de la légitimité du pouvoir, des réformes et autres régals des libertés et droits de l’homme, des mimétismes en termes cosmétiques des questions de genre ou d’égalité homme-femme, d’orientation sexuelle assumée, de mariage pour tous, bref de velléités de légalisation de l’amoralité voire de l’immoralité par un affranchissement débridé de notre socle culturel propre !
Oui, le pays pourra alors seulement se refonder institutionnellement au pas de course mais sereinement en accord avec le Congo des rêves des générations successives de notre jeunesse qui sera ainsi lancée au défi de l’exploit de pensée et d’action du jeune duc de Brabant alors âgé de 25 ans en 1860 !
C’est le destin de ce Congo de l’an 2085 que les générations successives construiront à partir des premières élections générales et normales de refondation institutionnelle à l’horizon 2025 ! Ces générations des enfants du Congo seront formés dans le creuset de notre destin choisi et suivant le profil de l’être Congolais authentique qui soit en cohérence avec celui du moule défini dans la Charte des valeurs (partagées) et des devoirs résultant des options levées à l’issue du grand débat national.
Ces assises nationales aideront dans l’immédiat à stopper la descente aux enfers du pays et à conjurer le spectre d’un tsunami social dévastateur, à définir un plan de renflouage du paquebot Congo dangereusement à la dérive, un programme de réconciliation des cœurs appuyé par un programme d’actions d’urgence dites déclics de confiance et le lancement du processus d’élaboration du destin du Congo bicentenaire (1885-2085).
L’expérience sénégalaise des « Assises nationales »[16]lancées le 1erjuin 2008 à l’initiative de l’opposition et clôturées le 24 mai 2009 (avec la participation de plus de 140 organisations de la sociétécivile, partis politiques, personnalités diverses) avaient comme objectif principal de trouver une solution « consensuelle, globale, efficace et durable àla crise »au moment oùle dialogue politique était quasiment inexistant.
Elles produisirent un rapport de synthèse décrivant les maux dont souffrait le pays et une « Charte de la gouvernance démocratique »posant les bases d’un développement durable, résultant d’échanges avec la population sur tout le territoire et même àl’étranger et constituant le référentiel des actions à venir.
Cette note d’optimisme du président de ces assises peut convaincre sur l’utilité et l’opportunité de l’action : « Tout peut changer, mais rien ne changera sans l’effort des volontés de tous ceux dont le destin est en cause. Notre destin n’est inscrit dans aucune fatalité. »(Amadou Mahtar Mbow , ancien DG UNESCO)
Aux atouts naturels immenses du Congo, il faut un grand rêve et une vision forte et haute du devenir national, que des éclaireurs et des traducteurs à recruter parmi l’élite intellectuelle nationale, se chargent de traduire en programmes de formation et de construction d’un modèle social et économique congolais digne et authentique. À l’Église d’identifier, reconnaitre et convaincre ces traducteurs et ces éclaireurs à la conscription dans cette croisade nationale de refondation.
L’Église s’imposera de ne pas juger et se laissant pénétrer de l’appel à la réconciliation « tous réconciliés en Jésus Christ, le ressuscité », chevillé au cœur du pape François, elle exhortera et recommandera : « Congolais, prompts à détester votre pays et son histoire, écoutez la grande voix de votre Cassandre : « Ce qu’il faut ce n’est pas juger toujours, juger tout le temps, c’est se demander d’époque en époque, de génération en génération, de quels moyens de vie disposaient les hommes, à quelles difficultés ils étaient en proie, quel était le péril ou la pesanteur de leur tâche, et rende justice à chacun sous le fardeau » (Jean Jaurès).
Par contre, l’exigence de « bon gouvernement » en termes de justice et d’équité, commande d’ôter tout mal, qu’il s’agisse du péché des origines ou de tout autre durant le long parcours du Congo indépendant pour bien refonder et construire sainement et durablement : « Quand les dirigeants manquent d’intégritéet de probité, on ne peut remédieràaucun des maux dont souffre le pays qu’enôtant la corruption. Tout autre remède est, ou inutile, ou nouveau mal … »[17].
Axe 3 – La démarche coordonnée de matérialisation du chantier de la paix, celle d’élaboration d’un pacte social suivantle triptyque « Dialogue - Éducation Travail » préconisé par le Pape François : le dialogueentre les générations comme base pour la réalisation de projets communs ; l’éducation en tant que facteur de liberté, de responsabilité et de développement ; letravailpour une pleine réalisation de la dignité humaine.
Le discours tranchant du Pape François sur la gouvernance éclaire totalement: ’’ Qui gouverne doit aimer son peuple, car un gouvernement qui n’aime pas, ne peut pas gouverner, au maximum il pourra discipliner, mettre un peu d’ordre, mais pas gouverner… On ne peut pas gouverner sans amour et sans humilitéàl’égard du peuple ! Et chaque homme, chaque femme qui doit prendre possession d’un service àgouverner, doit se poser des deux questions : est-ce que j’aime mon peuple, pour mieux le servir ? Suis-je humble et suis-je àl’écoute d’opinions autres que les miennes, pour choisir le meilleur chemin ?’’.
L’exigence morale a toujours étéforte et incompressible par rapport aux comportements de ceux qui sont appelés àprésider aux destinées de la communautéUn homme qui s’élève au sommet dans un pays doit être un homme compétent, une forte personnalité, et avoir un comportement d’une rectitude irréprochable dans sa vie publique. (N. Mandela).
La survie de la communautédépend, en effet, des bonnes dispositions morales des élites dirigeantes : ce qu’il y a de pire en tout et partout, c’est la corruption de ce qu’il y a de meilleur (corruptio optimi pessima est). Aussi, même la femme de César doit être insoupçonnable (Quia suam uxorem etiam suspicione vacare vellet). L’intimitédes hommes publics éclaire les zones d’ombre !
À l’Église d’exiger que le pouvoir, responsable et digne de son peuple, sache engager celui-ci
dans l’œuvre de construction du développement, en faisant appel aux forces préparées et prédisposées àjouer un rôle déterminédans l’organisation de la société; de former le peuple à cesser de paraitre naïf ou complaisant àl’égard de ses dirigeants mais à exiger àceux-ci d'être àla hauteur de leurs ambitions politiques, de proposer àsa sanction explicite leur vision globale sur le devenir de la nation, sur son destin de dignité, de grandeur, de puissance, de bonheur par le travail de tous et pour tous les citoyens; d’exiger de donner à la nation de disposer d’un « bon gouvernement ».
À l’Église de se ressourcer utilement comme d’un vade mecum dans le traité sur L’organisation du pouvoir en Belgique[18] dont l’exposé rappelle notamment que « bon gouvernement» suppose de bonnes mœurs publiques : « il faut àla fois le soucidu bien commun, socle des vertus sociales, fait d’un équilibre de droits personnels et d’obligations sociales, et la volontéde réaliser ce bien commun. C’est aussi une question d’honnêtetéet de travail. En effet, les meilleures institutions ne sont efficaces que si les dirigeants et le peuple veulent travailler ensemble au bien commun dans un esprit de confiance réciproque ».`
Au Congo, le sens social s’est complètementémoussé, chacun ne pense qu’àsoi, et estime avoir le droit de se servir de l’État sans le servir. Dans ces conditions aucun gouvernement ne réussira. « Un bon gouvernement ne suppose pas seulement, àla direction, des hommes et des femmes intelligents et capables, il faut de plus que ces hommes et ces femmes, aient la volontéde réaliser ce qu’ils ont jugéet favorable au bien commun et qu’ils ont, dans leur quête de mandat, promis de réaliser. Il ne suffit pas de délibérer, de créer des lois admirables de sagesse et de prudence, des lois qui règlent tout, prévoient tout, permettent tout et … encore plus. Avec cela rien n’est encore fait. Il faut avoir la volontéd’arriver au but, chercher les méthodes efficaces, plier les obstacles et maintenir la discipline dans l’action. L’action doit suivre l’idée ! De plus, il faut que les gouvernants mettent effectivement leur esprit et leur activitéau service de la prospéritécommune »… « Dans un pays oùtous ceux qui détiennent le pouvoir sont d’accord pour en profiter, oùdes dirigeants comme des hauts fonctionnaires peuvent disposer avec désinvolture des fonds publics mis àleur disposition, il est impossible d’avoir un bon gouvernement.
làoùla vénalitédes hommes politiques est devenue coutume, oùdes cas d’injustice et de corruption chez les hauts fonctionnaires sont légion au lieu d’être exceptionnels et de faire scandale, oùla conscience du peuple ne se révolte pas, il est clair que la moralitépublique est relativement peu élevée »
Si toute la population sait que les hommes politiques vendent les faveurs et personne ne s’en effarouche ; si on trouve normal que celui qui a l’occasion de s’enrichir ne la laisse pas passer ; si nul ne s’émeut lorsque la loi est violée au détriment d’autrui ; si l’opinion publique ne se cabre pas ; dans ces conditions, les meilleures lois deviennent mauvaises ou inefficaces car il n’y a pas de dispositions légales qui tiennent contre les mœurs »
« Par ailleurs, dans un pays oùon ne travaille que sous le coup d’une nécessitépressante, aucun gouvernement n’atteindra des résultats.
La législation peut être sage, les institutions bien agencées, l’inertie générale en aura vite raison. Les plus belles réformes s’enlisent dans l’apathie publique. Le progrès est liéau travail. L’histoire de la civilisation est l’histoire du travail de l’homme et de ses conquêtes. Et le progrès n’amène pas l’homme àtravailler moins mais àtravailler autrement. Il élève la qualitéde son travail… »
« Malheur au peuple assez imbécile et assez sauvage pour penser qu’il y a un Dieu pour sa seule province ; c’est un blasphème. Quoi ! La lumière du soleil éclaire tous les yeux, et la lumière de Dieu n’éclairerait qu’une petite et chétive nation dans un coin de ce globe ! Quelle horreur et quelle sottise ! La Divinité parle au cœur de tous les hommes, et les liens de la charité doivent les unir d’un bout de l’univers à l’autre…Pourquoi Dieu serait-il un miracle ? Pour venir à bout d’un certain dessein sur quelques êtres vivants ! Il dirait donc : Je n’ai pu parvenir par la fabrique de l’univers, par mes décrets divins, par mes lois éternelles, à remplir un certain dessein ; je vais changer mes éternelles idées, mes lois immuables, pour tâcher d’exécuter ce que je n’ai pu faire par elles. Ce serait un aveu de sa faiblesse, et non de sa puissance ; ce serait, ce semble, dans lui la plus inconcevable contradiction. » (Voltaire, Dictionnaire philosophique)
L’Histoire regorge d’expériences de réussite des peuples qui ont désiré s’en sortir de leurs difficultés voire drames et qui ont œuvré pour y arriver :
La leçon turque « Les accusés de l’Ile aux Chiens, le plus grand procès de l’histoire ! Au lendemain du coup d’État de mai 1960 - exécutéen moins de vingt minutes et sans faire couler une goutte de sang - le général Gürsel, nouveau chef de la Turquie, fit enfermer Adnan Menderes, son prédécesseur, et quatre cents de ses complices àl’île Yassiada surnommée l’île aux Chiens, une île plate, grise et aride, oùles sultans de l’Empire ottoman déportaient jadis leurs fils trop turbulents après leur avoir fait crever les yeux et oùplus tard les édiles de Constantinople y faisaient reléguer les chiens errants pour qu’ils y crèvent de faim.
La leçon saoudienne - Une vaste purge spectaculaire. Quelque 350 dignitaires saoudiens accusés de corruption, concussions et détournements des deniers publics, séquestrés avec tout le confort sauf leur liberté dans l’hôtel le plus luxueux de Riyad, un bunker hautement sécurisé, et au bout de deux mois quelque cent milliards de dollars récupérés par le Trésor public. Le prince héritier saoudien M.B. Salman, un jeune monarque très autoritaire, avait décidé d’enfermer dans un hôtel-bunker à Riyad sans limitation de délai, quelque 350 dignitaires saoudiens, richissimes personnalités dont un prince milliardaire, propriétaire de l’hôtel Georges V de Paris et deux ministres déchus, des finances et de l’économie. Personne n’eut à plaindre ces milliardaires, tous sévèrement traités de corrompus et de voleurs par l’opinion nationale. Au bout de deux mois, cela a rapporté cent milliards de dollars « vomis » par ceux qui avaient résolu de transiger (trois quarts des 350 détenus) et ainsi recouvrer leur liberté.
L’Église doit semer ce qu’il manque ..Il a généralement manquéàl'homme politique congolais la bonne dose de sève de l'amour, de l'humilité, du sens du devoir, de la tolérance ou de la tempérance, du détachement de l'argent et du pouvoir-maitres, du respect de l'intérêt, de la dignitéet de la vie du citoyen ou de l'homme tout court au point que la majoritéa généralement penséau pouvoir, pour ce qu'il apporte comme argent et honneurs, sans penser le pouvoir.
L’Église veillera à adjurer le peuple de répudier l’inaptocratie, ce système de gouvernement oùles moins capables de gouverner sont élus (se font élire ou reconnaitre comme élus) par les moins capables de produire (majoritédes Congolais placés dans l’impossibilitéde produire) et oùles autres membres de la sociétéles moins aptes àsubvenir àeux-mêmes ou àréussir (encore majoritéécrasante), sont récompensés par des biens et des services qui ont étépayés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle(l’immortel français Jean d’Ormesson).
L’Église suscitera, soutiendra et encouragera le nouveau leadership, celui de rupture,à dire les situations que la sociétévit :ses angoisses, ses doutes, ses souffrances mais surtout ses attentes, ses aspirations, et pour qu’elle ne soit pas trompée par les charlatans, aller au-delà : lui dessiner un horizon neuf, et, avec elle et pour elle, agir, innover, créer des richesses et veiller àleur répartition équitable, pour tous, l’aider àquitter la débrouillardise, àgérer la chose publique dans la rationalitéet avec efficacité.
Et considérant que la communauténationale doit sa survie àla prise de conscience àla fois individuelle et collective, la conscience étant cette facultédonnée àl’homme de distinguer le bien du mal, et donc de porter une appréciation sur ses propres actes ou pensées,l’Église veillera à la formation de la conscience politique du peupleet encourager chaque membre à se servir de cet instrument de mesure personnel. Il est reconnu que comme appareil de mesure, « la conscience est mise en conformitéavec une norme, laquelle dépend de l’éducation que chaque homme a reçue, elle est influencée par les règles en vigueur dans sa famille, dans son environnement immédiat, sa culture, sa religion, son pays » Le règne asservissant des « autorités morales » doit être découragé et même combattu.
La refondation du système éducatif national constitue un chantier hautement prioritaire :« La personne humaine n’accède vraiment et pleinement à l’humanité que par la culture, celle-ci signifiant, dans son sens historique et social, le patrimoine moral, juridique, philosophique, religieux, spirituel, etc. Or, il se fait que l’Africain se trouve à la croisée des chemins, dans une situation ambiguë par rapport à sa propre culture. Celle-ci lui étant connue à travers d’autres systèmes de pensée qui la méconnaissent, voire la méprisent, l’Africain a lui-même appris à la mépriser, à la combattre comme un système de superstition, de magie, etc. D’où son désemparement, son déséquilibre au sein de la nouvelle société qui est désormais la sienne, suspendu qu’il est entre deux ou plusieurs systèmes apparemment et même réellement incompatibles » (Concile Vatican II, cité par A. Ngimbi N.[19])
L’Église s’adjurera constamment de réinventer des méthodes et stratégies pastorales pour assurer notamment :
• Une proximité papale permanente (IntentionUniverselle du Saint-Pèredans la période 2023-2025, action intensive de communication sociale loin du « prosternement & lynchage » ou du « je lèche, je lâche, je lynche » à l’égard du pouvoir et également loin de la « communication d’affrontement » au mode réducteur du « oui/non » ou du « pour/contre »;
• Une proximité papale permanente à travers une structure multiconfessionnelle de suivi et d’appui non pas principalement des élections mais du processus de réconciliation des cœurs à partir des assises de refondation sous l’éclairage de la DSE;
• Des Séminaires « St François d’Assise »à créer suivant la pépinière que Mgr Hippolyte Ngimbi Nseka pourra aider à monter, avec l’objectif de redressement de l’éducation, de formation des « prêtres aumôniers & artisans de paix franciscains, au statut spécial d’incardinés mais missionnaires interdiocésains »;
• Un programme scolaire de redressement moral basé sur la culture et les langues nationales (« académie des cultures locales autochtones… »); « la politique linguistique ayant pour principe l’apprentissage des langues pour servir à mieux comprendre le modèle de vie et la mentalité d’autres peuples et leur patrimoine culturel »(Conseil de l’Europe), ce qui en souligne l’importance cruciale eu égard à la volontéforte et inébranlable du peuple congolais de vivre ensemble, de partager un territoire et une histoire, quelles que soient leur origine, leur langue, leurs traditions ou leurs convictions politiques, idéologiques, philosophiques et religieuses et à la réalité qu’il n’est « pas un peuple mais un ensemble de grands groupes ethniques constituant chacun un peuple » (Joseph Iléo )et qui a fini par devenir un peuple, un vaste conglomérat de 365 ethnies devenu une nation, démembréen 1960-1965 puis réunifié, consolidéet cimentésous l’ère Mobutu mais constamment soumis à des menaces et risques d’explosiondepuis 1996;
• Une organisation démocratique des masses àla base, qui réponde aux impératifs de reprise en main urgente et responsable par le peuple de sa destinée, une organisation qui ne soit point bâtie pour servir àasseoir le pouvoir d’un individu ou d’un groupe d’individus qui, abusant de la « naïveté »des masses et de leur faible niveau de formation, chercheraient ànouveau àretourner le peuple àl’ère du culte de la personnalitédes hommes-forts, des messies et libérateurs de tous poils.
L’Église s’adjurera d’inculquer sur l’apostolat du « leader politique (qui) est avant tout ce citoyen qui accepte et s'engage dans un apostolat, au service et pour l'intérêt de la communautéavant de songer àsa propre vie… Le chef doit être le serviteur de ses serviteurs, le bon maître àl'image de Jésus-Christ : être tout simplement bon au point que les hommes nous traitent de faible ou de je ne-sais-quoi" (Joseph-Albert CalMalula).
« Les fondements d’un bon gouvernement doivent être établis sur la saine base de lois qui protègent les droits et définissent les devoirs des citoyens (…). Le laïc chrétien engagédans les luttes démocratiques selon l’esprit de l’Évangile est le signe d’une Église qui se veut présente àla construction d’un État de droit, partout en Afrique »… « Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. Même les croyants courent ce risque, certain et permanent. Beaucoup y succombent et se transforment en personnes vexées, mécontentes, sans vie[20] »
Rédigé à Kinshasa, le 01 juin 2023
Par Jean-Louis BONGUNGU Loend’a-Namba Jelo, Laïc catholique
Président de la Commission des Intellectuels et communication sociale
Paroisse St Jean-Apôtre, Cité Mama Mobutu/ Mont-Ngafula
Gorki l’Ancien et Amer, Guetteur de la Nation
E-mail : nambasiswa@gmail.com /jl.bongungu@gmail.com
Tél. : +243 99 99 20 948 // 81 82 95 555 // 81 50 47 6
[1]Visite papale au Congo/Kinshasa, 31 janvier - 03 février 2023 – Message de Bienvenue : « Yambi -Yambi ! Papa Francisce, Christi pacis amator, seminatorque !-Tous réconciliés en Jésus Christ ». Sous ce titre fut publiée dans Le Journal, édition n°1631 du 30 janvier 2023, la Lettre ouverte au Pape Françoissous la signature du Guetteur de la nation,Johannes Ludovicus Bongungu, un fidèle laïc du Diocèse de Kisantu, Paroisse Saint Jean-Apôtre, en zone territoriale de la ville de Kinshasa. Bienvenue au Congo-Kinshasa !Yambien Lingala, une des langues nationales du Congo, échos de l’accueil chaleureux mêlés au soupir de soulagement du peuple d’en bas saluant le pape François qui foule la terre africaine de deux des martyrs de la Deuxième Évangélisation du Congo, Bse Anuarite Nengapeta et Bx Isidore Bakanja, patron des laïcs/RDC à l’image d’Éléazar, martyr d’Israël, exemple de noblesse et mémorial de vertu (2 M 6, 24 -33)
[2]Une prophétie transcontinentale et intemporelle de Jacques Attali,Vivement après-demain ! 15 ans pour sortir de l’impasse, Paris, fayard, 2016, pp.224
[3]Dans le texte toutes les références sont titrées de La Bible de Jérusalem, cerf, 2007. Le décor du clan de Hérode est un digest des lectures de quelques récents compendiums sur des études spécifiques consacrées à la décollationdu Baptiste
[4]Père Rigobert Kyungu, Provincial de la Compagnie de Jésus en RD Congo et Angola
[5]Mgr Ettore Balestrero, Nonce apostolique, Kinshasa/RDC
[6]Pape Léon XIII, EncycliqueImmortale Dei (1885)
[7]J. Adriaenssens, L’organisation du pouvoir en Belgique, Bibliothèque de l’Etoile, Leverville (Lusanga), juin 1956
[8]J. STENGERS, Congo : Mythes et réalités.100 ans d’histoire, (Document - Duculot, ISSN 0180-7641), Louvain-la-Neuve, Duculot, 1989. 1 vol. (283 p.)
[9]H. NGIMBI Nseka : Propos intempestifs, mon testament spirituel, Kinshasa, Presses de l’Université Catholique du Congo, 2022 - Lire opportunément la préface de Joseph NDUNDU K.
[10]Abbé Hyppolyte NGIMBI Nseka a été, en date du 1ermars 2023, élevé par le saint Père le Pape François au rang de Chapelain de sa Sainteté et porte depuis lors le titre de Monseigneur.
[11]J. STENGERS, Congo : Mythes et réalités.100 ans d’histoire, (Document - Duculot, ISSN 0180-7641), Louvain-la-Neuve, Duculot, 1989. 1 vol. (283 p.)
[12]J. STENGERS, op.cit.
[13]Lire dans Soft International n° 1479 du 23 janvier 2020 dans la suite du débat ouvert dans l’édition du 21 janvier 2020
[14]J. STENGERS, op.cit.
[15]Jean STENGERS, op.cit.
[16]Cécile SOW, Assises nationales : et après, Jeune Afrique N° 2525 du 31 mai au 6 juin 2009
[17]J ; Adriaenssens, op.cit.
[18]J ; Adriaenssens, op.cit.
[19]H. NGIMBI Nseka, op.cit.
[20]Pape François Evangelii Gaudium, n°2
Lettre ouverte au Pape Françoispar M. Johannes Ludovicus Bongungu, laïc catholique, Paroisse Saint Jean-Apôtre/Diocèse de Kisantu,en date du XXX Janvier de l’an de grâce MMXXIII.
Résumé soumis au Comité de direction de l’Institut Panafricain Cardinal MARTINO pour l’Enseignement social de l’Église (IPCM) au titre d’offre de contribution au projet d’ouvrage « Debout Congolais ! Message social du Pape François pour un Congo nouveau »
Notre lettre ouverte au Pape François avait été publiée sur neuf pages de l’édition du 31 janvier 2023 du quotidien kinois Le Journal. Nous y avions passé un message recoupant la quintessence de certaines des grandes thématiques constitutives de la trame du projet de l’ouvrage collectif en chantier à la diligence de l’IPCM.
Cette lettre était rédigée à la veille de la visite papale mais à la lumière du prélude du message papal délivré lors de la rentrée parlementaire au Vatican (9 janvier 2023), savoir son souci de voir cesser la violence à l’Est de la RD Congo, plaçant sa visite « sous l’espérance de la cessation des hostilités en privilégiant un dialogue », alors un dialogue en vue de la réconciliation des cœurs !
Un résumé
RDC : l’un des « sanctuaires de la pauvreté, de la misère, de la souffrance humaine ! Devenus eux-mêmes partie d’une décharge humaine, les pauvres y sont traités comme des ordures, sans qu’aucun sentiment de culpabilité n’affecte ceux qui sont complices de ce scandale »
Ce tableau est apocalyptique, conséquence de l’incompétence et l’incurie des élites dirigeantes durant les trois dernières décennies, de leur orgueil, leur dédain, leur insolence, leur indifférence voire leur inhumanité, tous travers comportementaux résultant sur la disparition de l’autorité de l’État.
La météo socio-politique nationale annonce un tsunami égalisateur des destins à un horizon trèsproche, une révolution violente, une guerre de tous contre tous, sur le point de déferler sur le pays, ravageant indistinctement et irrémédiablement, et le peuple d’en bas et celui d’en haut.Des signes manifestes d’effondrement et d’engloutissement s’épaississent de plus en plus : une apocalypse imminente du corps social et même del’ensemble du pays dans tous ses compartimentset articulations !
Nous priions le Saint-Père, Christi pacis amator, seminatorque, d’interpeller ouvertement et fermement l’aréopage des figures socio-politiquesmarquantes du paysalignées aux premiers rangs des assemblées, gouvernants et législateurs principalement, hommes et femmes pour la plupart sans amour ni humilité ; de leur délivrer l’ultime haut-le-cœur du peuple d’en bas, la rage des masses des gens de peu désespérément en déshérence et les presser à prendre au grand sérieux cette situation sociale explosive, en avertissant, apostrophant et menaçant, en les exhortantà engager le processus de remise en l’endroit de la marche du pays et cela, sur le ton de vérité de Jean-Baptiste : « …Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la Colère prochaine ? » (Mt 3,7 & Lc 3,7), dans l’espoir de susciter des « Zachée » selon le plan merveilleux et éternel de Dieu pour son peuple de Congo-Kinshasa.
Car, avec des élites dirigeantes noyées dans des travers sociaux de la bêtise, du mensonge et dela trahisonalors que le peuple d’enbas trinque, comment l’exhortation papale « Tous réconciliés en Jésus Christ ! » sera-t-elle entendue par les deux sections du même que tout oppose et le processus de la réconciliation des cœurs prendra effectivement et durablement corps dans un contexte institutionnel national marqué par une pauvreté massive et extrême, l’injustice sociale, l’exclusion, les inégalités, la discrimination, le tribalisme et tutti quanti ?
Le Pape François apportait le pain de l’ouverture du chantier de « la paix durable et de l’espérance de la mise en œuvre de son programme de développement intégral » (Père Rigobert Kyungu) ; alors « aux Congolais de travailler à la réconciliation entre eux et avec Dieu », et « au Souverain Pontife d’aider à démasquer et à dénoncer tout ce qui empêche le décollage de la RD Congo ». Dans notre Lettre ouverte une proposition au Peuple de Dieu : Duc in altum, et laxate retia vestra in capturam !
Au-delà dessésames sans lendemain du genre de l’entourloupette institutionnelle Union sacrée de la Nation, un cul-de-sac, il faut engager une croisade contre la pauvreté absolue, massive et extrême de la population, l’obstacle le plus dirimant à la réconciliation des cœurs par des acteurs capables d’assumer les exigences d’humilité, honnêteté vis-à-vis de soi-même, intégrité, pardon, amour.
Nous suggérons une démarche pour matérialiser le chantier de la paix à travers l’élaboration d’un pacte social suivantle triptyque « Dialogue - Éducation Travail » du Pape François : le dialogue entre les générationscomme base pour la réalisation de projets communs ; l’éducation en tant que facteur de liberté, de responsabilité et de développement ; le travailpour une pleine réalisation de la dignité humaine !
Notre source inépuisable, la Doctrine Sociale de l’Église (DSE), nous aidera à baliser notre exercice à la lumière des matériaux locaux dont, par exemple, « Propos intempestif - Mon testament spirituel » de Hippolyte Ngimbi Nseka, Éducateur -Pasteur-Homme de Culture, traitant, à l’occasion de ses 50 ans de vie sacerdotale1970-2020, des sujets d’intérêt majeur, entre autres le déficit culturel et identitaire, et même celui spirituel et pastoral !
Parler de la « reconstruction du Congo » commande de remonter à ses origines pour comprendre qu’il s’agit plutôt de « refondation-construction ». Les éphémérides de l’an 1885 ressortent, entre autres, la naissance et le baptême du Congo sous le nom ÉtatIndépendant du Congo(EIC), et une encyclique du Pape Léon XIIIstipulant que le gouvernement idéal, parfait, applicable à chaque peuple, n’existe pas… »(Encyclique Immortale Dei). Et se convaincre que leCongo traîne, comme un boulet terriblement pesant qui entrave sa navigation, un double péché des origines en rapport à sa destinée et à sa construction : le pays ne s’est jamais donné ni un destin commun propre ni un régime politique qui soit conforme à la fois au caractère de son peuple et aux traditions nationales, lequel soit à même de lui assurer le bonheur temporel qui est la fin de la société civile. La destinée n'est pas le fruit du hasard mais du choix. Ce n'est pas quelque choseque l'on attend, mais quelque chose que l'on construit.
RDC : l’un des « sanctuaires de la pauvreté, de la misère, de la souffrance humaine ! Devenus eux-mêmes partie d’une décharge humaine, les pauvres y sont traités comme des ordures, sans qu’aucun sentiment de culpabilité n’affecte ceux qui sont complices de ce scandale »
Ce tableau est apocalyptique, conséquence de l’incompétence et l’incurie des élites dirigeantes durant les trois dernières décennies, de leur orgueil, leur dédain, leur insolence, leur indifférence voire leur inhumanité, tous travers comportementaux résultant sur la disparition de l’autorité de l’État.
La météo socio-politique nationale annonce un tsunami égalisateur des destins à un horizon trèsproche, une révolution violente, une guerre de tous contre tous, sur le point de déferler sur le pays, ravageant indistinctement et irrémédiablement, et le peuple d’en bas et celui d’en haut.Des signes manifestes d’effondrement et d’engloutissement s’épaississent de plus en plus : une apocalypse imminente du corps social et même del’ensemble du pays dans tous ses compartimentset articulations !
Nous priions le Saint-Père, Christi pacis amator, seminatorque, d’interpeller ouvertement et fermement l’aréopage des figures socio-politiquesmarquantes du paysalignées aux premiers rangs des assemblées, gouvernants et législateurs principalement, hommes et femmes pour la plupart sans amour ni humilité ; de leur délivrer l’ultime haut-le-cœur du peuple d’en bas, la rage des masses des gens de peu désespérément en déshérence et les presser à prendre au grand sérieux cette situation sociale explosive, en avertissant, apostrophant et menaçant, en les exhortantà engager le processus de remise en l’endroit de la marche du pays et cela, sur le ton de vérité de Jean-Baptiste : « …Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la Colère prochaine ? » (Mt 3,7 & Lc 3,7), dans l’espoir de susciter des « Zachée » selon le plan merveilleux et éternel de Dieu pour son peuple de Congo-Kinshasa.
Car, avec des élites dirigeantes noyées dans des travers sociaux de la bêtise, du mensonge et dela trahisonalors que le peuple d’enbas trinque, comment l’exhortation papale « Tous réconciliés en Jésus Christ ! » sera-t-elle entendue par les deux sections du même que tout oppose et le processus de la réconciliation des cœurs prendra effectivement et durablement corps dans un contexte institutionnel national marqué par une pauvreté massive et extrême, l’injustice sociale, l’exclusion, les inégalités, la discrimination, le tribalisme et tutti quanti ?
Le Pape François apportait le pain de l’ouverture du chantier de « la paix durable et de l’espérance de la mise en œuvre de son programme de développement intégral » (Père Rigobert Kyungu) ; alors « aux Congolais de travailler à la réconciliation entre eux et avec Dieu », et « au Souverain Pontife d’aider à démasquer et à dénoncer tout ce qui empêche le décollage de la RD Congo ». Dans notre Lettre ouverte une proposition au Peuple de Dieu : Duc in altum, et laxate retia vestra in capturam !
Au-delà dessésames sans lendemain du genre de l’entourloupette institutionnelle Union sacrée de la Nation, un cul-de-sac, il faut engager une croisade contre la pauvreté absolue, massive et extrême de la population, l’obstacle le plus dirimant à la réconciliation des cœurs par des acteurs capables d’assumer les exigences d’humilité, honnêteté vis-à-vis de soi-même, intégrité, pardon, amour.
Nous suggérons une démarche pour matérialiser le chantier de la paix à travers l’élaboration d’un pacte social suivantle triptyque « Dialogue - Éducation Travail » du Pape François : le dialogue entre les générationscomme base pour la réalisation de projets communs ; l’éducation en tant que facteur de liberté, de responsabilité et de développement ; le travailpour une pleine réalisation de la dignité humaine !
Notre source inépuisable, la Doctrine Sociale de l’Église (DSE), nous aidera à baliser notre exercice à la lumière des matériaux locaux dont, par exemple, « Propos intempestif - Mon testament spirituel » de Hippolyte Ngimbi Nseka, Éducateur -Pasteur-Homme de Culture, traitant, à l’occasion de ses 50 ans de vie sacerdotale1970-2020, des sujets d’intérêt majeur, entre autres le déficit culturel et identitaire, et même celui spirituel et pastoral !
Parler de la « reconstruction du Congo » commande de remonter à ses origines pour comprendre qu’il s’agit plutôt de « refondation-construction ». Les éphémérides de l’an 1885 ressortent, entre autres, la naissance et le baptême du Congo sous le nom ÉtatIndépendant du Congo(EIC), et une encyclique du Pape Léon XIIIstipulant que le gouvernement idéal, parfait, applicable à chaque peuple, n’existe pas… »(Encyclique Immortale Dei). Et se convaincre que leCongo traîne, comme un boulet terriblement pesant qui entrave sa navigation, un double péché des origines en rapport à sa destinée et à sa construction : le pays ne s’est jamais donné ni un destin commun propre ni un régime politique qui soit conforme à la fois au caractère de son peuple et aux traditions nationales, lequel soit à même de lui assurer le bonheur temporel qui est la fin de la société civile. La destinée n'est pas le fruit du hasard mais du choix. Ce n'est pas quelque choseque l'on attend, mais quelque chose que l'on construit.
« La vie heureuse, c’est le lieu commun que tous ambitionnent ; mais quel moyen d’y arriver, quel chemin prendre pour y parvenir, c’est là que les hommes ne sont pas d’accord » ! « Le bien commun demande qu’il y ait une autorité dans la société, et qu’elle soit confiée à des hommes (et des femmes) qui l’exercent au mieux dans l’intérêt public ».Les élites nationales, toutes, ont failli : élites religieuses et morales, élites intellectuelles et scientifiques, élites artistiques, élites techniques, élite politique, leaders des corporations professionnelles et syndicales, leaders d’opinion, « tous coupables de l’effondrement de la nation ! Que n’aurait pu in illo tempore non suspectoservir de source d’inspiration à l’exercice de refondation, la DSE qui propose une vision réfléchie de la société ainsi que des objectifs, des principes, des valeurs et des réflexions indispensables pour la mettre réellement au service de la personne humaine » !
Commentaires
Enregistrer un commentaire